Qu'on se le dise: Apple nous gâte et se profile toujours plus comme la plateforme de référence en matière de séries.
Il suffit simplement de jeter un coup d'oeil dans le rétro: dernièrement, The Studio enchantait en narrat un Hollywood qui périclitait. Suivait Vrais voisins, faux amis, un petit tour de force avec son lot de réflexion sur l'élite américaine. Et maintenant, voilà que Murderbot reprend le flambeau dans le catalogue de la marque à la pomme. Une nouvelle production qui vaut son pesant de cacahuètes.
Pour l'histoire, l'intrigue est simple: un groupe d'humains est envoyé pour explorer une planète, accompagné d'un robot pour les protéger. Sauf que la machine va craquer ses propres codes et découvrir les sentiments humains. Son module de régulation une fois déconnecté, il acquiert un libre arbitre. Attention, c'est l'heure du soulèvement des machines.
Spoiler: non, pas vraiment.
L'androïde, joué par l'excellent Alexander Skarsgård au verbatim coincé à la même octave, bombardé narrateur de la série, ne porte pas dans son coeur les êtres humains. Il les traite même de «connards» dès le premier épisode. Il est sans concession, sans la moindre pointe d'affection.
Sauf qu'à force d'enfouir et composer avec ces nouvelles émotions (comme la profonde difficulté de procéder à un simple eye contact), c'est un nouveau terrain de jeu qui s'offre à lui, et cet inconditionnel et complexe art de l'interaction sociale. Horrible, et c'est le prénom, pour le Murderbot. Mais il se découvre de petits plaisirs coupables, comme les séries et les petites histoires amoureuses au milieu des gueux qu'il a pour mission de protéger. Légèrement contre son gré et charmé par le docteur Mensah (Noma Dumezweni), le robot va se greffer au groupe de scientifiques - sans pour autant faire l'unanimité - en se muant en ange gardien sur des planètes hostiles.
L'aventure devient de plus en plus loufoque grâce au point de vue du Murderbot (critique, incisif, rabaissant, pince-sans-rire). Et cette réussite porte l'empreinte de son acteur principal, avec son débit lent et son faciès dénué d'expression, Alexander Skarsgård s'amuse et injecte de ce décalage comique.
La variante amusante du robot qui se retourne contre son créateur est assez habile, car le Murderbot est un engin capable de tuer cette bande de scientifiques - l'épisode 4 en est une illustration. Mais il préfère se moquer au détriment de la destruction.
Elle est là la subtilité du duo derrière la série, Chris et Paul Weitz, en adaptant les nouvelles de Martha Wells. Murderbot surfe sur la sitcom spatiale décalée et sans prétention, enfilant les épisodes sur un rythme de 25 minutes par chapitre. Le rythme est rapide, sans fioriture, efficace.
Point noir:on peut aisément reprocher aux créateurs cette tendance à se précipiter à chaque fin d'épisode pour vous coller un cliffhanger en pleine face. Et cela sonne parfois faux dans la trame narrative.
Outre ces quelques maladresses, c'est l'intégration de ce robot désabusé (parfois méprisant) et gavé par l'illogisme des êtres humains qui dessine les (excellents) contours de l'intrigue.
Une touche d'humour et une autre pincée de crise existentielle robotique, voilà que les 10 épisodes de Murderbot dépeignent une race humaine en décalage, voire débile, à travers la lentille de leur ange gardien mécanique.
«Murderbot» est à découvrir le 16 mai sur Apple TV+.