Une abeille qui butine. Un verger baigné de soleil. Au loin, le chant des oiseaux. Bienvenue sur la riviera californienne, où un jus de betterave bio sans OGM vous coûtera 17 dollars et où il est de bon ton de conduire une Porsche Cayenne électrique. C'est dans ce décor champêtre et idyllique que la duchesse de Sussex entre en scène. Légère et gracieuse, même en combinaison intégrale d'apicultrice. Les dents blanches et la peau dorée comme le miel qu'elle est sur le point de récolter.
«Regardez-moi ça...», susurre-t-elle avec délice en découvrant ses ruches.
Du miel, vous allez en voir sous toutes les formes et de toutes les couleurs au cours du premier épisode de With Love, Meghan. Du gâteau à étages à la lavande aux bougies faites maison, en passant par le sel de bain: le ton est donné. Excessivement mielleux, quitte à y faire baigner les huit épisodes de la série. Une série où la duchesse de Sussex tient le rôle principal. Celui d'une sorte de Bree Van De Kamp sans l'alcoolisme ni les flingues, mais au don toujours inégalé pour combler ses hôtes.
Des hôtes que Meghan reçoit dans sa charmante cuisine sortie tout droit d’un catalogue Ikea pour Marie-Antoinette des temps modernes. Précisons d'emblée que ce n’est pas la sienne - l'ancienne princesse a choisi de tourner son show dans une maison de location à proximité de son vrai manoir, mais qui «fait écho» à sa propre cuisine. A noter que le poulailler, le jardin et le verger sont bien les siens. Nous voilà rassurés.
L'occasion de nombreuses leçons de savoir-vivre autour d'une tisane au gingembre ou d'un Mimosa. L'hôtesse initie ses convives avec bonne humeur et patience à la fabrication d'une focaccia maison, de biscuits pour chiens, de bocaux de légumes fermentés et de l'art noble de la composition florale. Vous l'avez compris: en cinq ans perchée sur sa colline de Montecito, la duchesse a appris à faire plein de trucs. Même comment nouer de charmants rubans autour de sachets de lavande ou fabriquer ses propres pickles de fraises du jardin.
Les plans sont léchés, les plats appétissants, on se surprend même à se dire qu'on reproduirait bien ce petit plat de «skillet sphaghetti» à la maison. Tout est beau, tout est propre, tout est chic - jusqu'aux pansements qu'elle colle sur le pouce de Daniel, quand cet abruti se coupe le doigt en tranchant une tomate cerise.
Du poulet coréen frit à la tourte montée, chaque préparation paraît rigoureusement facile. D'ailleurs, comme Meghan le précise en glissant sous le nez de ce cher Daniel un plat de crudités, qui n’a rien à envier à un tableau de Claude Monnet...
Si bien que le génie semble venir naturellement à la duchesse. De son talent pour la cuisine au choix de ses vêtements, tout en nuances de beige. En guise de preuve ultime que Meghan n'est pas comme nous, elle est capable de pâtisserie en t-shit blanc Anine Bing sans mettre une miette à côté. «C'est facile! C'est facile!», répète-t-elle avec candeur. «Je veux dire, c’est imparfait, mais ça n’a pas besoin d’être parfait.»
«Perfect». Un mot qui reviendra toutes les cinq secondes, à défaut d’un «FUCK!» ou d’un «Shiiiiiiit» sorti du coeur en brûlant une fournée de cupcakes ou en renversant un peu de sauce sur le plan de travail.
C'est peut-être ce qui manque au milieu de cette vaste publicité pour «paillettes de fleurs» (un autre mot que Meghan répète tout au long des huit épisodes) et cocottes Le Creuset. Des gros mots. Une tache. Un peu de gras qui coule. Une casserole qui déborde. Un gâteau qui crame. Une insulte gratuite contre son four. Un cadavre dans le congélateur.
Constamment souriante, joyeuse, positive, pleine d'entrain, Meghan se révèle aussi lisse qu'une couche de crème au beurre sur un layercake. Une Gwyneth Paltrow sous anxiolytique mais sans authenticité, dans une cuisine aseptisée et sans saveur. Ce n'est pas faute d'asperger d'un trait généreux de «lemon juice» tout ce qui bouge.
Pour preuve, même l'intéressée doit le reconnaître: elle «sous-sale» volontairement tous les plats de son mari, le prince Harry, qui a tendance à dégainer la salière avant même d'avoir goûté. Ce n'est pas de sa faute, le pauvre. Il est Britannique.
Cela dit, pour vous consoler, nous sommes tous perfectibles. Avant de devenir une cheffe étoilée qui ne dit pas son nom, Meghan confesse s'être régalée, enfant, de fast-foods et de malbouffe chez Taco Bell. Ah! Et son pantalon de tailleur, qui semble tout droit sorti de la dernière collection Max Mara? Un Zara à 50 dollars.
La preuve que personne, même Meghan, n'est parfait.
(«With Love, Meghan» est disponible depuis le 4 mars sur Netflix.)