C'était vraiment zarbi
A l'heure des clean girls dont le maquillage ne dépasse pas d'un pet, des Labubus et autres coques Rhodes pédants, Matières Fécales fait office de trace de freinage dans le calendrier tout propret de la Fashion Week.
La maison de couture, qualifiée comme «la plus radicale» de cette semaine de la mode parisienne par le magazine Numéro Un, a présenté une collection 2026 détonnante.
Au menu, des silhouettes fantomatiques et des zombies esthétisants, des corps tordus et des visages décatis, sous des tonnelles grandioses de roses. Un mélange entre chaud et froid, vie et mort, délicatesse et laideur, romantisme et gothique SM, qui fait l'ADN de cette maison fondée en 2014 par Hannah Rose Dalton et Steven Raj Bhaskaran, et qui a ses quartiers à Paris.
Hannah, qui vient de Auckland en Nouvelle-Zélande, et Steven, qui vient de Montréal, ont offert Place Vendôme un spectacle fidèle à leur credo: redonner ses lettres de noblesse à un autre versant de la mode, plus fétide et plongé dans l'ombre, où les normes conventionnelles de beauté ne sont pas reines. Le duo de créateurs expose un flanc vulnérable qui valorise une esthétique parfois dérangeante. Quitte à «bousculer», indisposer, ou parfois même, «horrifier», écrit Madame Le Figaro.
D'où le nom de la griffe, «Matières Fécales», qui avait pour objectif premier de «défier le marché du luxe (...) qui laisse de côté tous ceux qui cherchent quelque chose de safe et normal», ont notamment expliqué les créateurs dans une interview accordée à Konbini.
Dans cette quête de non-conformité, Steven, qui se définit comme non binaire, a également souhaité doter ses créations d'une fluidité de codes de genres. Un design qui a mené à des collaborations avec les plus grands, de Rick Owens à Balenciaga, et qui a déjà séduit Lady Gaga, qui a eu le flair de reconnaître le potentiel de la maison.
A Paris, le public a donc contemplé un bal terrifiant, où l'organza et les délicates roses en tulle se fondaient à des êtres tantôt vampiresques, tantôt clownesques, le crâne nu, la peau recouverte d'une pâte blanche, la bouche carmin, les yeux charbonneux ou agrandis à l'extrême par des lentilles obscures.
De cette foule de poupées dramatiques qui battait le catwalk, on a capturé des relents de Margiela, d’Alexander McQueen, et des miasmes du vieux Mugler. En célébrant les aspérités de la vie humaine, Matières Fécales fait jaillir un charme inattendu, presque inconfortable. En tout cas pour certains internautes, qui ont d'ores et déjà qualifié la maison de mode de «satanique». Rien que ça.
The DETAILS of ✨Matières Fécales✨ Spring/Summer 2026.🪡 pic.twitter.com/QxAeZg2Zhh
— La Mode Unknown (@LaModeUnknown) September 30, 2025
Au diable donc le retour de la maigreur sur les podiums, tant décriée par les réseaux sociaux. La griffe parisienne fait défiler des corps de toutes les tailles, et a également mis en lumière des visages particuliers, à l'instar de celui Nikki Lilly. Pour rappel, la youtubeuse britannique de 21 ans suivie par plus de deux millions d’abonnés milite pour normaliser les personnes atteintes de malformations.
Pour sa deuxième Fashion Week, c'est donc un pari gagné pour Matières Fécales, qui est déjà en odeur de sainteté dans la presse, et qui réussit à maintenir un délicat équilibre entre franche bizarrerie et fragrances de haute couture. Un étron de talent qui ne demande qu'à s'étaler mondialement.
