Chaque année, au début du mois de janvier, le Tuluminati (entendez, le teufeur de Tulum) part au Mexique à la recherche de serendipity (et de psychotropes), alors que le petit peuple est au fond de la déprime comme Pablo Mira.
Pourquoi à ce moment-là? D’abord, parce qu’il a travaillé une semaine après les Fêtes et que, bah c’est fatigant; et puis, parce qu’il y a Day Zero, un festoche dans la jungle pour les amoureux de musique électro-ethnique, de nourriture végane et de plumes. Le Tuluminati te dira que ce n’est pas un festival: «c’est un moment de communion, mec.»
En effet, le Tuluminati ne se l’avoue pas, mais c’est un jet-setteur. Agé entre 35 et 40 ans, il a été l’un des premiers sur Small World, un réseau social pour les riches. Il a plus de 5000 followers sur Instagram, alors que son compte est privé et ses meilleurs potes vivent à L.A, Hong Kong ou encore Singapour.
Dans la vie professionnelle, il produit des vidéos pour des marques de luxe, il crée des applications ou alors il gère l'argent familial. Mais en ce moment (et c’est un insight☝), il est en train de monter sa start-up grâce à un pote de la Silicon Valley. Mais chut! C’est encore confidentiel.
Côté look, le Tuluminati a un dicton: «more is more». Il porte une espèce de robe de chambre colorée et brodée qui a l’air super lourde, des petites lunettes rondes retenues par un cordon fait de coquillages, un chapeau customisé par Nick Fouquet, et une boucle d’oreille en plumes. En guise de pantalon, il porte un sarouel, le même que le teufeur/jongleur qui est allé à la rave clandestine en Bretagne, sauf que le sien vient de chez Caravana et qu’il l’a payé 400 balles. Les aigles ne volent pas avec les pigeons.
Il a moult bracelets et colliers en bois avec chacun son histoire: «Alors tu vois, celui-ci, il a fait le Burning Man… celui-là le Midburn, ah celui-là, il vient d’Ibiza… Et puis celui-ci, c’est mon maître spirituel qui me l’a donné quand j’ai pris pour la première fois de l’ayahuasca.»
Le Tuluminati a également des sorties mystiques du genre: «Tu sais, j’aime échanger mes colliers avec des inconnus en soirée, qu’ils voyagent un peu...» Sauf son talisman à substances. Faut pas y toucher, c’est son précieux.
Tiens, parlons un peu de drogues. Forcément, dans ce genre de festival, tout le monde a pris un aller simple pour Pluton. Le Tuluminati est un expert, et même qu’il fournit. Il ne se fait pas d’argent, oh non, il n’en a pas besoin. Il aime juste arroser les gens. Tel un chaman, il guide les néophytes. Il commencera par leur dire de prendre du LSD pour «l'expérience visuelle», mais aux alentours de 3 heures du matin, quand il sera turbo éclatas, il changera de discours et leur dira qu'un bon vieux taz (une ecsta quoi), ça fait toujours le job.
Et où mettre tous ses Dragibus et autres pilules féériques? Le mec est organisé. Il a un harnais qu’il a fait faire sur-mesure à Berlin: «Tu vois, il y a plein de poches, comme ça, chaque drogue a sa place, une place pour chaque drogue.» C'est l'expérience qui parle.
Pendant la soirée, il prendra bien soin de mettre ses mégots dans une boîte en bambou «because il faut protéger the forest» et dansera, yeux fermés et mains jointes, en pleine transe avec Mère Nature. Aux alentours de 8 heures du matin, il regardera son Apple Watch pour vérifier qu’il a bien fait ses 10’000 pas journalier, avant de quitter le festival pour un after dans une villa au bord de la plage. «Ouais j'ai mon pote Géronimo qui mixe.» Le mec a ses entrées partout.
Le lendemain (après 16 heures de teuf), il méditera un peu, fera du yoga avec son ami Dylan, prof à New York, avec qui il a pris une chambre au Nomad. Le Tuluminati n’oublie pas de dégoûter sa communauté Instagram, qui, elle, trime dans des bureaux sans vie.
On le voit marcher sur la plage de sable blanc, une Corona dans la main, observant la mer à perte de vue, #nowordneeded… Difficile de ne pas devenir poète.
Rassurez-vous, tôt ou tard, le Tuluminati devra rentrer chez lui, reprendre une vie normale, parce que malgré les apparences, vivre pieds nus, ce n'est pas lucratif. Déprimé et en manque de câlins, il se fera un Nesquik en imaginant une cérémonie du cacao, à la recherche de son animal totem.
P.S: Le prix du ticket varie entre 150 et 300 francs (avec toilettes VIP).