Voici quelques jours, alors que la Suisse romande était encore plongée dans la torpeur d'une chaleur implacable, j'ai entendu, par le plus grand des hasards, une voix fendre la foule, sur les quais bondés de Vevey. Je me suis avancée aussi vite que j'ai pu en direction de l'écho, et j'ai bientôt aperçu une petite scène en bois, sur laquelle se déroulait un concert.
Là, une poignée de très jeunes musiciens se produisaient devant un petit public. Malgré le peu d'ombre qu'offraient les parasols qui ployaient sous les rayons de plomb, la chanteuse, une cascade de boucles brunes tombant sur sa guitare, encourageait son public d'une énergie très rafraîchissante. Bien vite, mon esprit s'est laissé porté sur les ailes de ses ballades aux relents pop/folk, distillées de sa voix rauque et légère. «En voilà, des morceaux que j'écouterais bien en voiture décapotable, le long de la route 66», me pris-je à rêvasser.
Le lendemain - encore un heureux hasard -, alors que je flânais sur les quais du Montreux Jazz, je me suis à nouveau fait happer par ces mêmes inflexions magiques. Celles-ci provenaient de la Super Bock Stage. J'ai eu tôt fait d'apprendre le nom de cette artiste en herbe, dont la voix est déjà très prometteuse: Tess Giordano. Du haut de ses 17 ans, cette Genevoise qui a déjà reçu plusieurs prix, dont celui du Juré lors du Tremplin suisse, nous délivre un peu de son monde musical.
Quand je vous ai vue la première fois, il faisait très chaud à Vevey. Cela ne vous a pas découragée?
Tess Giordano: C'est vrai, c'est pas facile de garder une bonne énergie durant tout un concert quand il fait super chaud. Mais on était super heureux de jouer, les musiciens et moi. J'espère que ça s'est ressenti. On a joué un set fait à 100% de mes compos. Les gens ne les connaissent pas encore, alors j'ai essayé de les faire participer, et aussi de transmettre ce que je raconte avec mes chansons, pour que le public puisse entrer dans mon univers.
Comment se fait-il que vous vous soyez retrouvée sur la Super Bock Stage du Montreux Jazz Festival cette année?
Je suis née et j'habite à Genève, mais pendant plusieurs années, j'ai fait les allers-retours chaque semaine jusqu'au Conservatoire de Montreux Vevey Riviera pour suivre les ateliers rock du compositeur et multi-instrumentiste Germain Umdenstock. L'été, lui et le conservatoire organisent une résidence musicale, ça se passe à la Fondation Waddilove, à Villeneuve. C'est un endroit incroyable et super-inspirant.
Quelle superbe opportunité! Avez-vous stressé pour votre premier Montreux?
J'avoue que j'ai eu un peu la pression!
Jouer en plein jour, je trouve super beau parce que je peux voir l'expression des gens, mais c'est vrai que, pour l'instant, c'est plus facile pour moi de jouer sous des lumières de scène.
On a surtout vu que vous avez tout donné!
Le lendemain, on a rejoué une partie du set sur la scène du Memphis, on a oublié la pression et on s'est vraiment lâchés! Bref, j'ai surkiffé!
Quand avez-vous plongé dans la musique?
J'ai écrit ma première chanson à 11 ans. J'ai trouvé trois personnes pour m'écouter, alors je me suis dit: «Ok, je veux faire de la musique!» Aujourd'hui, en plus des cours avec Germain, je suis inscrite en filière intensive à l'EMA (Ecole des Musiques Actuelles) de Genève. Enfin ça c'est pour mes soirées - la journée, je suis collégienne.
Quel emploi du temps chargé! C'est quoi, votre style de musique?
Mon style c'est la pop/folk. On ne peut pas me décoller de ma guitare! Avant de savoir parler, je retournais les vinyles des Beatles ou de Bowie. Ces derniers temps, je dirais que mes plus grandes inspirations sont Kae Tempest, Radiohead et Lizzy McAlpine.
Y a-t-il de la place pour les artistes en Suisse? Pour une Suissesse, est-ce un choix de carrière difficile?
Je sais que c'est un métier super difficile. Je bosse beaucoup, je prends toutes les opportunités et je fonce.
On me demande souvent ce que je veux faire comme «vrai métier» ou si j'ai un plan B. En même temps, tout le monde écoute la radio, alors il faut bien quelqu'un à l'autre bout du fil! J'essaie aussi d'élargir un peu. En septembre, par exemple, je vais suivre un cours de musique à l'image.
Quels sont vos rêves, dans la musique?
Mes rêves... vous l'avez deviné, j'en ai un! Il se réalise déjà en fait. J'ai une chance incroyable de pouvoir monter sur scène avec mon projet. Montrer ce que j'écris à un public, c'est hyper motivant, c'est ma vraie récompense pour tout le travail que ça demande. Si j'arrive un jour à en vivre, ça serait fou!