En avril 2023, Tiffany Smith, mère et productrice de Piper Rockelle, une influenceuse star âgée alors de 15 ans, est poursuivie aux Etats-Unis par onze adolescents et leurs familles pour maltraitance physique et psychologique. Tous faisaient partie de la «Squad», un groupe d'enfants de 9 à 12 ans, créateurs de contenu sur YouTube formé autour de sa fille.
Deux ans plus tard, Netflix raconte en trois épisodes l'histoire de la Piper Squad et donne la parole à ces enfants abusés qui travaillaient gratuitement et se faisaient manipuler par cette momager prête à tout pour se faire de l'argent sur le dos de sa fille.
Ça commence par des vidéos innocentes. En 2010, des enfants filment leur quotidien (parce que l'époque veut ça) et partagent leurs farces et leurs défis sur les réseaux sociaux. Tout à coup, pour une raison ou pour une autre, ces vidéos deviennent virales et c'est là que l'argent fait son entrée. Son nom ne vous dit probablement rien, mais à 9 ans, Piper Rockelle était une star de YouTube. Suivie par des millions de personnes, elle et sa squad étaient l'équivalent de celle de Jake et Logan Paul, mais version enfant. Ensemble, ils réalisaient toutes sortes de défis et de canulars. Si au début, les vidéos se voulaient drôles, elles ont sournoisement basculé dans le cringe. Ceux qui tiraient les ficelles: Tiffany Smith et son petit ami, l'équivalent du producteur, Hunter Hill.
Netflix brosse le portrait d'une mère pédophile, abusive et toxique. Consciente que le sexe fait vendre, elle encourage progressivement les membres de la Squad à s'inventer des histoires d'amour et à s'embrasser. Sur les thumbnails des vidéos YouTube (les images qu'on voit sur les vidéos pour nous attirer à cliquer dessus), elle sexualise sa fille et les autres enfants sans leur consentement, en photoshopant leur poitrine pour la rendre plus grosse, en affinant leur taille et en élargissant leurs fesses. Elle va jusqu'à vendre les sous-vêtements de Piper à un homme «parce que les vieux hommes aiment renifler ces choses», raconte une ancienne copine de la jeune fille. On voit également Tiffany Smith embrasser de force à deux reprises l'un des enfants alors âgé de 12 ans. Une vidéo qu'elle a réussi à cacher pendant toutes ces années.
Les anciens membres, filles comme garçons, racontent également les situations glaçantes dans lesquelles ils se sont retrouvés à un moment où un autre.
Au moment où les parents découvrent ces abus, ils retirent leurs enfants de la Squad même s'il y avait de sacrés red flags. D'ailleurs, on se demande pourquoi ils ne l'ont pas fait plus tôt. Une maman compare la Squad à une secte qu'on peut difficilement quitter.
En plus d'abus physiques et psychologiques, Tiffany Smith exploitait les enfants en les faisant travailler tard le soir sans pour autant les rémunérer, elle qui se faisait entre 300 000 dollars et 500 000 dollars par mois grâce à leurs vidéos. La docu-série montre ainsi le vide juridique de cette profession d'enfant influenceur que certains comparent au Far West. En effet, la loi sur les normes du travail (Fair Labor Standards Act) aux Etats-Unis concernant le «travail excessif des enfants» date de 1938 et n'a pas été mise à jour pour inclure les enfants influenceurs.
Tiffany Smith n'a pas souhaité donner sa version dans le documentaire Netflix qui lui est consacré. En 2022, dans un entretien avec le Los Angeles Times, elle a déclaré qu'elle ne se considérait pas comme l'employeur des plaignants à l'époque où les vidéos ont été enregistrées avec sa fille.
Elle est désormais passée sous les radars et l'affaire a été réglée pour 1,85 million de dollars en 2024 contre les 22 millions demandés au total par les 11 familles. Elle n'a jamais avoué sa faute.
En février 2022, YouTube a démonétisé la chaîne de Piper Rockelle. Selon NBC News, l'Américaine, aujourd'hui âgée de 17 ans, vivrait de ses produits dérivés. Sur Instagram, elle est suivie par plus de 6 millions de fans. Piper flirterait aussi avec la pornographie juvénile sur la plateforme BrandArmy, un genre d'Onlyfans sans nudité. On peut avoir 13 ans pour y publier du contenu, mais où il faut avoir plus de 18 ans pour y accéder.
Mauvaise influence: Les dérives du kidfluencing est disponible en trois épisodes depuis le 9 avril sur Netflix.