Peter Berg apprécie la joie et la cruauté de la vie américaine, entre film patriotique et action bien musclée (Du sang et des larmes, Patriots Day). La série Painkiller sur Netflix, qui touche à la crise des opioïdes, c'est aussi lui. Avec A l'Aube de l'Amérique, le cinéaste charpente un western sombre dans les traces d'un film tel que The Revenant où la sauvagerie trouve un écho viscéral.
Du Far West pur et simple, bien taillé, pour raconter le récit des fondations de l’Amérique. En 1857, le chaos règne, la souffrance est partout, l'innocence et la tranquillité sont en train de perdre le combat face à la haine et à la peur. La paix et la grâce ne touchent qu'une minorité. La compassion? Elle est devenue un sentiment étranger. Rien à ajouter, tout est compulsé dans ce carton de présentation.
C'est dans ce chantier qu'on découvre Betty Gilpin et Preston Mota qui incarnent une mère et son fils, Sara et Devin Rowell, empêtrés dans d'innombrables injustices. Il y a Taylor Kitsch, qui joue le rôle d'Isaac, ou encore le Jim Bridger, (l'excellent Shea Whigham), qui se bat pour son fort historique du Wyoming. Le récit s'intéresse aussi au jeune couple mormon, Jacob et Abish Pratt (Dane DeHaan et Saura Lightfoot-Leon).
Ce petit monde peuple une zone de conflit, dans une atmosphère de poudre à canon et d'hémoglobine; le danger est permanent. A l'aube de l'Amérique offre une vision (nouvelle et méconnue) de la guerre de l'Utah, montrant à quel point les choses sont chaotiques au sein des territoires dans ces années précédant la guerre civile. Les différentes tribus et les personnages guidés par la souffrance et la violence vont s'en donner à coeur joie au milieu de quelques scènes saisissantes, féroces. Chaque communauté est présentée comme sauvage, tête contre tête, la hargne décuplée.
Pour trouver un soupçon de subtilité, passez votre chemin. Ici, c'est une toile sombre et sanglante que dépeignent Peter Berg et Mark L. Smith, le showrunner reconnu pour son travail d'écriture sur The Revenant. Dans l'Utah, il pleut des morts, il n'existe que la violence pour survivre dans une région de l'Amérique où la religion mormone s'implante.
C'était le Far West, les gars!
C'est une course endiablée au milieu des êtres scalpés et abandonnés. Une quête pour sauver sa peau au milieu de cette nature où s'agite des guerriers au langage presque vernaculaire tant il tient parfois par de simples grognements pour transmettre une émotion - clin d'oeil à Taylor Kitsch.
La série mise sur une barbarie stagnante qui brûle dans les entrailles de chacun des interprètes. Or, dans cette surenchère parfois vaine, il manque un liant pour adopter un équilibre entre cette action sanglante et des personnages, parfois verrouillés par les poings, les balles et la mort. Il est plus souvent question d'une quête survivaliste.
Souvent dégoulinante de brutalité, A l'aube de l'Amérique retrace un passé, un vrai, sanglant. Le tandem Smith/Berg a capturé la réalité d'un coin transformé en une vaste folie meurtrière. Ce flot de violence long de six épisodes, c'est l'essence de cette époque, selon des consultants autochtones et des experts mormons et militaires, qui ont collaboré sur le tournage.
A l'aube de l'Amérique reste une série qui dessine les origines et les vies arrachées qui hantent les terres de l'Utah. De la boue et des corps, un casting de gueules et une nuée de plan-séquences pour exposer la sauvagerie de l'Ouest américain. Il fallait bien une bonne dose de brutalité, sachant que le pays est né sur le sang et les larmes; son ADN ne peut s'en détacher. Alors, sans briller par sa subtilité, la marchandise est livrée. Mais si vous ne la sentez pas, il n'y a pas d'urgence. Vous pouvez carrément éviter cette montagne de violence.
«A l'aube de l'Amérique» est disponible sur Netflix.