Il n'y a pas à dire, Netflix sait y faire pour profiter d'un filon qui fonctionne, qui plus est lorsqu'il s'agit de nourrir le public avec des popcorns aromatisés à la monarchie britannique, la plateforme de streaming s'y accroche comme un souverain à sa couronne (coucou Charles).
Après deux saisons de la série La Chronique des Bridgerton, et avant l'arrivée de la troisième pour la fin d'année au plus tôt, la plateforme de streaming a surfé sur notre passion pour la monarchie britannique avec La Reine Charlotte: Un chapitre Bridgerton. La série dérivée est sortie le 4 mai, soit en pleine effervescence autour du couronnement du roi Charles III. Le succès est à nouveau au rendez-vous puisque le préquel est actuellement à la première place du top 10 des séries en Suisse. Mais que vaut cette mini-série?
Si vous cherchez un divertissement qui vous plonge dans l'univers faussement feutré de la monarchie, La Reine Charlotte devrait cocher plusieurs cases. On y retrouve les histoires de la vie de la bonne société lors de la période de la Régence anglaise. Mais la mini-série n'est pas aussi rythmée que La Chronique des Bridgerton.
Soyons honnêtes, ce qui fonctionnait bien dans la série originale, ce sont les histoires scandaleuses entre nobles à la libido débordante. Ici, on doit se contenter d'une romance à l'eau de rose un peu exagérée. Il y a bien quelques allusions olé-olé, mais elles ne sont que cosmétiques et secondaires, et n'apportent rien à l'intrigue. Notons aussi que certains passages de La Reine Charlotte traînent en longueur. Atrocement. C'est long, c'est lent, et on remercie très fort Netflix de nous donner la possibilité de lire des passages en accéléré (x1,5). Et parfois, même la lecture rapide nous fait bâiller en regardant le plafond.
Peu d'histoires de fesses donc, et peu de ragots indignes entre classes sociales comme c'est le cas dans La Chronique des Bridgerton. Pour autant, la série se laisse assez bien regarder. L'intrigue se concentre sur la Reine Charlotte, de son mariage arrangé par son frère à 17 ans avec le roi George III, à sa vie de souveraine cherchant à son tour à marier ses enfants pour assurer l'avenir de la monarchie.
Des mariages pour prolonger la lignée du «roi fou», dont on découvre les traumatismes au fil des six épisodes. La maladie mentale du roi est d'ailleurs au cœur de l'histoire, elle s'immisce au sein du couple et donne un regard plus tendre sur les problèmes qu'elle engendre, sans en faire trop et sans tomber dans le cliché, bien que certaines scènes semblent parfaitement surjouées et irréalistes.
Un autre point important de l'intrigue repose sur le métissage et les jugements parfois moyenâgeux qu'il engendre: la jeune reine est métisse et porte sur ses épaules les espoirs et les craintes des lords et ladies noirs et métisses. La monarchie leur donne des titres et des terres dans ce qui est décrit comme la «grande expérience» et la mort du premier lord noir, parmi eux, fait ainsi jurisprudence.
Dès les premières secondes, Netflix précise qu'il s'agit d'une fiction et non d'une leçon d'histoire. Si le vrai roi George III était, comme dans la série, bel et bien atteint dans sa santé mentale et passionné d'agriculture, entre autres, les comparaisons entre fiction et faits s'arrêtent là. La véritable Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, née à Mirow (à 100km au nord de Berlin) durant la fin du Saint-Empire romain germanique, n'était pas métisse.
Ainsi, les questions liées au racisme dans la Régence anglaise sont le fruit de l'imagination de la réalisatrice Shonda Rhimes. Mais que les adeptes du «bande de wokistes, la télé c'était mieux avant» se rassurent: le métissage au sein de la famille royale britannique, les a priori de la bonne société anglaise bien blanche et les questions concernant ces nouveaux lords et ladies sont abordées de manière frontale, intelligente, et sans détour. Elles nous poussent même à réfléchir, deux siècles plus tard, à notre propre rapport à la question d'un point de vue sociétal, avec une bienveillance qui n'est pas fourrée à la guimauve.
Shonda Rhimes, à qui l'ont doit La Chronique des Bridgerton, mais aussi Grey's Anatomy, Scandal ou l'insipide Inventing Anna, fait revenir des personnages secondaires auxquels on s'était attachés dans les deux premières saisons de la série originale. Ainsi, on retrouve Violet Bridgerton, Lady Danbury et évidemment la reine elle-même. Leur point commun? L'attitude, une atmosphère de main character energy. Cette fois, ce sont elles les femmes badass.
Malgré leurs âges respectifs, que ce soit lorsque la série se déroule dans leur jeunesse ou des années plus tard, celles qui ne sont plus des débutantes ne sont pour autant uniquement des mères, des épouses, des veuves ou de gentilles dames qui boivent sagement le thé. Ce sont elles qui font l'intrigue, et elles ont des rêves, des projets et des envies sexuelles. Les actrices qui incarnent la reine (jeune, c'est India Amarteifio et plus âgée, Golda Rosheuvel) et Lady Danbury (jeune, c'est Arsema Thomas et plus âgée, Adjoa Andoh) remplissent particulièrement bien leur mission.
Les 3 révélations de la série, ils sont excellents le casting est dingue #QueenCharlotte #Bridgerton pic.twitter.com/0qFKSpD6W7
— Marqueso (@mammouthglacial) May 6, 2023
C'est là, toutefois, qu'on reste un peu sur notre faim. Quitte à les faire exister vraiment, pourquoi ne pas leur permettre de s'épanouir aussi dans leur féminité de femmes dites d'âge mûr? Dans une suite, éventuellement? À lire ici ou là les différentes prises de parole des acteurs, il est difficile d'envisager une deuxième saison de ce préquel. Selon Corey Mylchreest, qui incarne le roi George III jeune, même si tout est toujours possible, les espoirs sont minces.
Mais avec Netflix comme avec Shonda Rhimes, on n'est jamais à l'abri de voir débarquer le préquel du préquel du préquel, ou un autre chapitre des Bridgerton. Remettons-nous déjà des six épisodes de La Reine Charlotte, en attendant la troisième saison de La Chronique des Bridgerton qui, on l'espère, nous redonnera la part de scandales royaux qu'on mérite.
Sur Netflix depuis le 4 mai, La Reine Charlotte: Un chapitre Bridgerton.