La voix du bouddhisme (à emprunter avec le ton et le timbre de voix de Parker Posey, alias Victoria Ratliff) résonne dans ce dernier épisode.
Rick ouvre les yeux (éclatés) à Bangkok en compagnie de son acolyte (l'iconique Sam Rockwell), débarrassé de sa vengeance enfouie à l'encontre de celui qui a descendu son paternel; Piper (Sarah Catherine Hook) remet tout en cause après son séjour chez les moines, alors que Lochlan (Sam Nivola) se verrait bien l'accompagner dans sa retraite spirituelle; Timothy (Jason Isaacs) hésite à se faire sauter le caisson; Belinda hésite à prendre le fric de Gary (Jon Gries) pour lancer son affaire en Thaïlande; Laurie (Carrie Coon), Kate (Leslie Bibb) et Jaclyn (Michelle Monaghan) tentent de se rabibocher; Saxon (la révélation Patrick Schwarzenegger) n'arrive toujours pas à se remettre de cette Full Moon qui a dégénéré en relation incestueuse avec son frangin Lochlan.
Bref, en 1h30 pour ce dernier épisode, il y avait de quoi faire imploser tout ce petit monde encapsulé dans ce complexe hôtelier transformé en bombe à retardement.
Comme le signifiait Mike White, le créateur du show, dans les colonnes du Hollywood Reporter, c'est une fin en forme de «tragédie grecque classique».
Mais alors, cher Mike White, qui allait se faire exploser la cervelle et finir dans la piscine comme l'annonçait le premier épisode?
Les théorises fumeuses ont fleuri sur la Toile, et les candidats et candidates étaient nombreux à pouvoir finir en quatre planches.
Il aura fallu un «va te faire foutre» pour mettre le feu à la poudrière. Ce sont les mots de Rick (Walton Goggins, toujours au top), qui s'adresse à Jim Hollinger (Scott Glenn), l'homme qu'il fantasmait de tuer toute la saison, pour finalement passer à l'acte dans les derniers instants de la série.
Rick a fait transpirer sa haine enfouie au moment où Jim a insulté sa mère, rappelant au passage que «son père était tout sauf un sain». Grave erreur, la colère est remontée à la surface et la détente est pressée par le chevelu. S'engage un échange de tirs et patatras: tout le monde y passe, entre les gardes du corps, Rick et Jim. Bingo!
Rick ne parvient pas à se concentrer sur ses nombreuses bénédictions et, par conséquent, détruit la seule chose qu'il aime: Chelsea (Aimee Lou Wood).
Chelsea a tenté de tendre la main, de s'ouvrir pour accueillir un homme en chute libre, en recherche d'identité.
Comme elle le disait au cours de leur ultime repas:
Petite musique douce, les yeux mouillés, Chelsea est conquise et désormais rassurée de récupérer son être le plus cher. Ces deux finiront bel et bien ensemble pour toujours. Mais Mike White, avec ce couple, explore l'égoïsme d'un homme qui tuera les deux personnes qui tenaient le plus à lui: Chelsea et Jim, qui se révèlera être son père.
Timothy, lui, plongé dans ses tourments et noyé par une avalanche d'anxiolytiques, tente de trouver une raison pour ne pas s'ôter la vie. Il pense alors à l'arbre du suicide (le surnom donné par les Thaïlandais) qui trône à côté de la piscine de leur maison. En cueillant le fruit et ses graines, le manger revient à finir les yeux en croix.
Il décide d'en faire des pina coladas pour intoxiquer toute sa famille - l'égoïsme fait une nouvelle fois son apparition. Mais il se ressaisit et retire le verre à Saxon, qui ne comprend pas le comportement de son père. «Le lait de coco a tourné», crie le père désemparé.
Mais le drame aurait pu se reporter sur Lochlan, qui s'empare du mixeur utilisé pour les fameux breuvages empoisonnés. Il frôle la mort (l'une des plus belles séquences de la série) et se réveille dans les bras de son père.
Le gamin a vu Jésus, ou plutôt:
La morale de l'histoire est que l'argent qui s'est volatilisé et les risque de finir en prison ne sont en rien comparables à la perte d'un fils. Timothy revient sur terre, la famille plie bagage et s'en va avec le premier bateau avec de nouvelles certitudes.
La fille, Piper, par exemple, est désormais consciente qu'elle n'était pas prête à embrasser la vie spirituelle qu'elle désirait en arrivant. Elle ne pouvait accepter de se passer pendant une année de sa nourriture bio, ou de vivre sans climatisation - chassez le naturel et il revient au galop.
La posture a radicalement changé, comme le montre le retour sur le bateau: la famille Ratliff est à l'opposé des personnages méprisants qu'ils étaient. Saxon, comme deuxième exemple, s'en va, un livre sur la spiritualité dans les mains, que la défunte Chelsea lui a offert - on reste curieux de voir la trajectoire de Saxon dans une quatrième saison.
Un autre arc tenait en haleine les fans de The White Lotus, celui des trois amies qui cherchaient à régler leurs comptes tour à tour. Trois femmes qui se révèlent de plus en plus fragiles au fil des épisodes, leurs vieilles rancoeurs en bandoulière.
Une prise de conscience collective permettra à nos trois (drôles de) dames de recoller les morceaux, autour de la table, expiant les ressentiments à l'occasion d'un toast. Laurie (Carrie Coon, excellente de bout en bout) avoue être vide, lessivée par son job et sa vie de famille. En fin de compte, Jaclyn, Kate et Laurie sont un seul et même socle, pour éviter la dégringolade.
Mais lorsque vous regardez les balles siffler, au moment où Rick refroidit Jim, vous verrez Laurie déguerpir sans se retourner, sans même un regard pour ses amies...
Place à celle qui s'en sort le mieux: Belinda. Accompagnée de son rejeton, elle va réussir à soutirer 5 millions à Gary pour un projet de spa.
Le plus intéressant est que la maman désormais blindée va changer radicalement. La voilà corrompue par le paquet de fric et préfère envoyer sur les roses son amant, Pornchai. Elle lui indique sèchement que leur idée d'ouvrir un spa ne va pas se faire.
Belinda voit les zéros lui monter à la tête et s'enfonce dans un sentiment au coeur de l'intrigue: l'égoïsme parle et les autres ne comptent plus trop. Elle laisse Pornchai à quai.
Dans ce bain de sang, The White Lotus renvoie tout le monde à la maison avec des enseignements et des arguments que Mike White étale pour égratigner les riches.
A force d'égoïsme dégoulinant, tout s'effondre. Prenons l'exemple du personnage (le plus sain) de Gaitok (Tayme Thapthimthong): un fidèle soldat, dévoué à sa direction, qui défie son mantra:
La difficile équation se pose lorsqu'il doit tuer, dans le dos, Rick, désarmé, sa défunte bien-aimée dans les bras. Pressé par sa boss Sritala, il presse la détente.
Le tir part et l'innocence de Gaitok avec.
Ce personnage est l'incarnation de la troisième saison de The White Lotus: l'innocence se brise lorsque les riches décident de céder à leur égo pour soulager leur conscience.