Canal+ rudoie des clichés sur la Suisse dans cette pub
C’est bien connu, pour faire rire, il faut souvent prendre ses distances avec la réalité. C’est ce qu’a fait Canal+ Suisse cette semaine en dégoupillant trois spots humoristiques de vingt secondes chacun, mettant en scène des animaux que les Suisses connaissent bien: les bouquetins, les marmottes et, forcément, les vaches.
Si la célèbre chaîne s’intéresse autant à la faune et au bétail de notre petit pays, c’est qu’elle a un truc important à nous dire (et à nous vendre).
Concrètement, on parle ici d’une offre «spéciale rentrée» à 22,50 francs par mois, comprenant notamment Apple+, Paramount+ et HBO. De quoi séduire les serials streameurs romands? Parfaitement. Or, pour cela, il faut pouvoir les attirer avec des armes bien spécifiques. Et quoi de mieux qu’une série de blagues sur les clichés de la Suisse et des animaux mignons pour faire enfler les abonnements?
Dans ces trois clips plutôt rigolos, la marmotte est là pour promouvoir «les films les plus attendus», alors que le bouquetin se charge des «séries d’action les plus attendues». Oui, tout semble très «attendu» chez Canal+ Suisse.
Et la vache, alors? Le foot. Mais il y a un (petit) hic.
Voici les 3 pubs en intégralité:
Les publicitaires le savent, empoigner les clichés d’un pays ou d’une région pour faire parler d’un produit est une stratégie redoutable. Quitte à prendre ses aises avec la réalité. Car si le bouquetin est effectivement un animal qui «adore la castagne» et que la marmotte «aime chiller et fixer des trucs pendant des heures» (on reconnait d’ailleurs au passage le ton typique de Canal+), la vache, elle, s’en prend plein le mufle.
Les vaches des pâturages suisses?
Et...
Une vache suisse serait donc «flemmarde» et passerait son temps à brouter sur «des pelouses». Really? Pour en être certains (et parce qu’on adore empoigner des dossiers d’importance capitale), on a soumis cette courte vidéo promotionnelle à l’Union suisse des paysans, histoire de mourir moins bêtes.
Bonne surprise, elle nous a dédié quelques minutes de son précieux temps et voici ses remarques:
- «Les messages ne correspondent en aucun cas à la réalité actuelle.»
- «Dans la vidéo, la vache paît dans les montagnes, alors que l’on parle du fond de la vallée.»
- «La vache peut être considérée comme productive, notamment grâce à la valorisation de l'herbe.
- Et on trouve du gazon dans de nombreux jardins privés, terrains de football et espaces publics, mais pas dans les prairies et les pâturages agricoles.»
Et la pelouse?
Et bim! Autant d’imprécisions en quelques phrases, ça peut paraître beaucoup. Or, en ce qui concerne les «pelouses» de nos «pâturages», il fallait surtout que le jeu de mots fasse mouche (lol). Car si les vaches «apprécient particulièrement l’herbe et les pelouses», c’est d’abord parce qu’elles sont chargées de vendre des buts et d’affirmer fièrement que «les pelouses de Premier League sont de retour sur Canal+ Suisse».
On a rien sans rien!
Pour aller au bout de notre investigation (si, si), on a donc décidé de soumettre l’analyse (logiquement premier degré) de l’Union suisse des paysans à la boîte qui a conçu la campagne humoristique pour le compte de Canal+ Suisse, Havas Switzerland.
En gros, toucher le cœur des (futurs) clients suisses avec des trucs qu’il aime bien. Et qu’importe si les pâturages deviennent du gazon une fois célébrés dans un spot.
Plus sérieusement cette fois, vu l’effort promotionnel réalisé cette semaine pour faire jaillir les abonnements, notre petit coin de pays est-il devenu un marché plus important aux yeux du géant français? «La Suisse a toujours été un ancrage local important pour Canal+ Suisse. Aujourd’hui, avec la nouvelle offre et la campagne qui l’accompagne, c’est justement cette proximité qui est renforcée», nous assure Havas Switzerland au bout du fil.
Si d’autres empoignent le chocolat, Federer ou les Rolex, Canal+ a dit oui au bouquetin et à la marmotte qui, une fois n’est pas coutume, n’a pas mis le «chocolat dans le papier d’alu», comme dans la célèbre publicité pour Milka, réalisée en 1998 par l’agence Young & Rubicam Paris.
Dans le monde impitoyable de la pub, les pelouses sont plus vertes... en Suisse.