Comment ce célèbre lac valaisan résiste au surtourisme
Sous la roche valaisanne, une barque remplie de 30 personnes glisse lentement sur l’eau. La voix du guide résonne, adoucie par l’écho des parois calcaires: «Le lac fait 300 mètres de long, et la roche au-dessus de nous atteint parfois plus de 70 mètres d’épaisseur.»
Autour, les visiteurs prennent en photo le reflet bleu-vert qui danse sur la voûte. Certains enfants mettent leur main dans l'eau, tentant de toucher les poissons s'approchant de la barque. D'autres filment, fascinés par cette atmosphère suspendue. Bienvenue au lac souterrain de Saint-Léonard, le plus grand d’Europe accessible en barque.
Niché entre Sion et Sierre, ce joyau naturel attire chaque année des dizaines de milliers de curieux venus chercher un peu de fraîcheur, mais aussi une expérience presque irréelle.
Une année record pour le lac souterrain
Exploité depuis 1949, le lac a été rénové en 2020, incluant l'installation de lumières au fond de l'eau et la création d’un nouvel espace didactique. Cette année, le site bat un nouveau record de fréquentation: plus de 110 000 visiteurs attendus entre mars et novembre, soit une hausse d’environ 10% par rapport à l’an dernier.
«Cela fait plusieurs années qu’on tourne autour des 100 000 visiteurs, mais cette saison est exceptionnelle», explique Cédric Savioz, directeur du site. Les rénovations réalisées il y a cinq ans, ont contribué à enrichir l’expérience. «L’éclairage apporte vraiment quelque chose à la visite. Quand on a concrétisé l’idée, on a été contents du résultat. Apparemment, les visiteurs aussi», sourit-il.
Si le lac souterrain est ouvert au public depuis près de 75 ans, son attrait semble s’être récemment renouvelé, en partie grâce aux réseaux sociaux. Des vidéos et photos circulent sur Instagram et TikTok, mettant en avant le caractère exceptionnel du lieu.
Les vidéos du lac pullulent sur Instagram 👇
Pour autant, difficile de quantifier précisément l’impact. «Attribuer tout ce succès aux réseaux sociaux, c’est toujours compliqué. Il y a aussi le facteur de la météo qui influence le nombre de visites, par exemple. Mais on observe clairement une progression», note le directeur.
L’équipe du site ne cherche pas à capitaliser activement sur ces plateformes, ni sur la visibilité apportée par les influenceurs: «Même si on ne rémunère pas les créateurs de contenu, nous sommes toujours disposés à faciliter leur venue et apprécions leur travail. C’est un système win-win qui génère de la publicité naturelle.»
Des téléphones au fond du lac
Cette visibilité accrue a toutefois ses revers. Isaac, guide depuis dix ans, remarque un changement dans la manière dont les touristes abordent la visite: «Avant, les gens venaient pour le plaisir du lac. Maintenant, beaucoup viennent surtout pour prendre des photos. Ils sortent les perches, utilisent le flash... Parfois les téléphones tombent même à l’eau!» Chaque année, des plongeurs doivent d’ailleurs venir nettoyer le fond du lac pour récupérer les objets tombés.
«Les jeunes s’intéressent moins à nos explications que les plus âgés, ils préfèrent filmer», regrette-t-il. Malgré cette évolution, la direction veut préserver l’expérience. Il faut réserver en ligne sa venue et les visites restent réglementées toutes les 15 minutes, avec un nombre limité de passagers. «On ne veut pas tomber dans la surfréquentation. Le but, c’est de garder ce côté calme, mystérieux, presque magique», affirme Cédric Savioz.
Un lieu fragile à protéger
Lors des journées les plus chargées, le site accueille jusqu’à 1200 visiteurs. Une affluence que le directeur n’entend pas accroître. «Même si on pouvait le faire, on ne veut pas raccourcir les départs toutes les cinq minutes, ni ajouter des barques.»
Pour Cédric Savioz, l’enjeu est avant tout de préserver le lieu: assurer une fréquentation durable et éviter les dommages qu’un surtourisme pourrait causer à l’écosystème fragile du lac.
Entre lumière tamisée, fraîcheur souterraine et ambiance mystérieuse, le lac de Saint-Léonard continue de séduire. Qu’on y vienne pour la beauté du lieu ou pour une photo parfaite, impossible de ne pas être saisi par cette sensation d’ailleurs. Sous la montagne, le temps semble suspendu et c’est peut-être là que réside le vrai secret de son succès.