Un certain Trevor Rainbolt a récemment subjugué les internautes suisses en trouvant le bon emplacement sur une carte, grâce à un gros plan de l’une de nos prairies. Alors qu’il a visé non loin de Winterthour, la solution se trouvait en réalité à côté de Zoug. A l’échelle mondiale, ces quelques kilomètres de distance, c’est peanuts.
Pas mal pour un Américain qui n’avait jamais quitté les Etats-Unis jusqu’en 2023. En réalité, Trevor Rainbolt est une superstar. Comme beaucoup de créateurs de contenu, le confinement lui a permis de tailler son art.
Un art récent qui lui permet de voyager sans bouger de sa chaise de bureau: GeoGuessr. Ce jeu de géographie, dans lequel (vous l’aurez compris) il s’agit de deviner un emplacement en un minimum de temps et à partir d’une photo tirée de Google Street View, a accouché d’une grosse dizaine de professionnels qui connaissent désormais la planète comme leur poche.
La séquence qui nous intéresse, dans laquelle l’Américain de 26 ans zoome avec assurance sur de la «swiss grass», ne dure qu’une poignée de secondes. Suffisant pour bomber le torse.
Malgré un visage qui trahit un certain étonnement au moment de viser (presque) juste, Trevor Rainbolt ne se départit pas de ce petit air d’expert des pâturages. Bien sûr, l’aisance un poil feinte et la désinvolture du parfait génie font partie du jeu. Il faut en mettre plein la vue, cacher l’effort.
Et quand on observe Trevor faire valser les cartes et jongler avec les spécificités visuelles de n’importe quel pays du globe, il y a effectivement de quoi être impressionné.
La vidéo a été diffusée une seconde fois il y a quelques jours, sur le compte d’un fan du sniper de Google Street View. Près de 12 000 likes et une avalanche de commentaires. Parmi eux, des internautes suisses qui jouent parfois aux scientifiques du dimanche: «Oui, cela ressemble à notre herbe, mais le fait qu’il pointe Winterthour est complètement faux. Essayez seulement de trouver de l'herbe là-bas...»
Si on imaginait bien que nos prairies nationales avaient de la gueule, la rapidité avec laquelle Trevor Rainbolt a cliqué sur la Suisse alémanique reste impressionnante. Pourquoi l’herbe suisse est-elle si (vite) reconnaissable? L’est-elle, d’ailleurs? Pour nous en assurer, on a contacté l’Agroscope, le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agronomique:
Si la chance a bien dû participer à ce petit exploit, pas de quoi jeter des huées et des tomates sur notre champion américain de GeoGuessr. Car les experts de l’Agroscope lui donne tout de même un bon point: «Trevor Rainbolt semble s’appuyer sur la gestion de la prairie plus que sur sa composition, en disant qu’elle est ‹parfaitement fauchée›. Et là, il y a effectivement un certain indice, dans le sens, qu’avec les petites structures que nous avons en Suisse, il y a souvent une volonté des éleveurs de ne pas laisser de l’herbe inutilisée».
Que pense le principal intéressé de sa performance sur nos terres? Afin de mieux cerner le boulot qui se cache derrière ces vidéos qui font un carton sur TikTok, Instagram et Twitch, on lui a balancé quelques questions par e-mail. Après plusieurs échanges avec son manager ces dernières semaines, il apparaît que l’emploi du temps de la star de la topographie est congestionné. Du moins, suffisamment pour avoir à repousser éternellement ses réponses. Sans rancune.
Le jeune homme de l’Arkansas, qui s’était enfermé dans son studio de Los Angeles pour «mémoriser le monde» en 2021, comme le dit très bien le New York Times, dispose aujourd’hui d’une «mémoire planétaire». Et s’était résolu, en 2023, à glisser son premier passeport valide dans un baluchon.
Destination? L’Allemagne. A peine descendu de l’avion, il s’était alors exclamé: «Tiens, l’Allemagne a été mise à jour». Du pixel au pavé, une étrange impression de déjà-vu, pour Trevor Rainbolt, cet internaute désormais sur les routes du monde.