Les influenceurs faits de chair et d'os ont du souci à se faire face à cette nouvelle concurrence. Les modèles virtuels existent depuis quelques années maintenant. Cependant, l’avènement de l’intelligence artificielle avec des outils comme Midjourney ou Stable Diffusion n’a fait que les rendre plus réalistes. A tel point que la frontière entre image virtuelle et photo retouchée est désormais infime et difficilement perceptible.
La preuve en est avec Aitana, une jolie mannequin aux cheveux roses basée à Barcelone. En quelques mois, cette jeune femme sportive a réussi à attirer plus de 100 000 abonnés en quelques mois seulement.
Elle ne publie que des photos d'elle, car si l'IA fait des miracles sur les images fixes, la vidéo risque de rendre sa forme numérique trop évidente. Evidemment, chacune de ses photos recueille des dizaines de milliers de likes et des centaines de commentaires, majoritairement de la part d'hommes.
Cette popularité constitue une belle manne financière pour ses créateurs, puisque Aitana leur rapporterait 4 000 euros par mois.
Derrière le visage minaudant d'Aitana Lopez, on trouve l'agence de communication barcelonaise The Clueless. Cette start-up propose à ses clients d'investir dans leur campagne avec leurs deux modèles virtuelles que sont Aitana Lopes et Maia Lima.
L'avantage d'utiliser un être fait de pixels? On s'évite d'avoir à payer des modèles réels, et on supprime toutes les charges liées à ces derniers.
Plus besoin de photographes ni de maquilleurs, exit les frais de déplacement et d'hébergement, Aitana et Maia peuvent être n'importe où, et à tout instant. Non seulement elles sont attirantes, mais l'agence s'est assurée que leur look, leur style vestimentaire et leur personnalité générale correspondent aux tendances actuelles, garantissant ainsi leur popularité sur les réseaux sociaux.
Autre bon point: l'humain peut façonner des caractères différents à ses modèles virtuels. C'est le cas de Aitana et Maia, qui représentent deux stéréotypes lifestyle bien distincts.
Si Aitana l'Espagnole est une extravertie aux cheveux roses qui se passionne pour les jeux vidéos et le fitness, Maia aura un profil plus introverti et créatif, et semble amoureuse des voyages. On peut d’ores et déjà imaginer que d'autres profils vont également être générés afin de répondre à la diversité des personas.
Cette liste d'avantages a séduit jusqu'en Suisse. En effet, voici quelques mois, M le média a introduit Jade, une IA présentant la météo aux Romands en direct.
En observant cette tendance grandir de façon irrémédiable, l'on ne peut s'empêcher de se demander: mais qu'est-ce qui différencie l'homme de la machine?
Cette question philosophique aura probablement toute sa place dans les années à venir. Le grand théoricien de la robotique, le japonais Masahiro Mori, exprima dès 1972 la théorie selon laquelle, plus un robot est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses. Cette théorie a un nom:
Ainsi, pour éviter de pénétrer dans cette étrange vallée, les infographistes de The Clueless n'hésitent pas à ajouter des défauts physiques à Aitana afin qu'elle ne soit pas trahie par sa perfection. Ils lui ont notamment ajouté des rides ou de la brillance sur sa peau. Quant aux cheveux de la fitness girl, ils peuvent donner l'impression de ne pas avoir été soigneusement coiffés.
L’agence espagnole estime que l'intelligence artificielle, encore à ses balbutiements, jouera un rôle énorme dans l’avenir de la création de contenu. Selon eux, l'IA offre un niveau de spécialisation tout simplement impossible à atteindre avec des humains.
Un avatar ne vieillit jamais, il n'est jamais fatigué. Il s'agit de modèles parfaits, parfaitement adaptés aux besoins des entreprises. Au final, qu'est-ce qui différencie l'homme de la machine? L'une des réponses est visiblement dans nos défauts.