Si vous traînez sur TikTok, Instagram ou Twitter, enfin sur X, comme on l'appelle désormais, vous avez forcément vu passer la tendance du yearbook. Mais si vous vivez dans une grotte au fin fond du Jura ou que vous n'avez pas compris pourquoi les internautes publient des photos d'eux avec des looks rétro et douteux, scrollez seulement, je vous explique pourquoi ça marche, et pourquoi il faut s'en méfier.
J'ai testé yearbook challenge.
— 🤌La Ritale In🤌 (@WhoareUjanedoe) October 4, 2023
C'est totalement pas moi dans les années 90 haha. pic.twitter.com/eqxJJqaGuC
La tendance du yearbook, ce sont plein de photos portrait qui pullulent sur les réseaux sociaux, dans un style qui sent un peu la naphtaline, avec des looks 80's et 90's. Des coupes de cheveux bombardées de laque, des grosses lunettes qui bouffent la moitié du visage, des fonds bleus délavés…
Un joli succès puisque le hashtag #yearbook a été vu plus de 2,3 millions de fois rien que sur TikTok. Il y a d'ailleurs des stars, comme Iris Mittenaere, l’ancienne Miss France devenue animatrice télé, qui ont partagé elles aussi leurs photos portrait façon yearbook.
@irismittenaere En réalité, yen a une qui me ressemble la ?! 😂 #yearbook #highschool ♬ original sound - Dose of RX | A dose of life ✨️ - RX | A dose of life ✨️
Des clichés qui reprennent en fait les codes des yearbooks des lycées américains d'il y a une trentaine d'années, ces livres souvenirs qui coûtent un rein aux parents, faits par des graphistes très amateurs, avec des portraits de chaque élève.
Comment expliquer un tel succès? Pendant plusieurs siècles, on a considéré la nostalgie comme un état psychique proche de la dépression. Mais selon plusieurs études menées ces dernières années par des chercheurs en psychologie, un peu de nostalgie, ça ne ferait pas de mal, bien au contraire. Et au regard de l'actualité, pas étonnant qu'on se fasse du bien en replongeant dans nos souvenirs d'école, en l'occurrence, en revisitant un peu l'histoire.
Car ces photos ne sont pas de vraies archives. C'est via l'application EPIK AI, qui utilise l'intelligence artificielle, que ces faux portraits yearbook sont générés. On télécharge l'app, on envoie des photos de soi et pour un peu moins de dix francs, on reçoit une cinquantaine de photos (dont certaines, à lire les commentaires des internautes, ne ressemblent à rien, l'IA peinant parfois à placer correctement un nez au milieu d'un visage, mais passons.). L'app a déjà été téléchargée des millions de fois.
C'est là où la nostalgie fait place à la méfiance: impossible de savoir exactement ce qu'il advient des photos qu'on envoie sur l'app pour qu'elle devine à quoi on ressemblerait si on avait été born and raised aux Etats-Unis, dans un lycée de banlieue il y a une trentaine d'années.
Ai year book photos joud🫣 pic.twitter.com/3isarowbw8
— Joud 🥥 (@joudalmd) October 7, 2023
Des données qui pourraient permettre à Naver, l'entreprise derrière EPIK AI, d'entraîner son intelligence artificielle, sans nous avoir demandé notre consentement. L’entreprise sud-coréenne a nié le fait de stocker nos infos personnelles, mais comme le relève Radio Canada, la politique de confidentialité de la société est floue.
Il y a également des voix qui s’élèvent pour critiquer le fait que l’IA vole le travail des artistes, c’est d’ailleurs notamment pour ça qu’Hollywood était en grève.
Après, vous faites ce que vous voulez. Moi, je vous explique juste pourquoi on voit des photos avec des vieilles coupes de cheveux étranges un peu partout sur les réseaux sociaux en ce moment.
Et puis bon, payer dix francs pour entraîner une intelligence artificielle ET EN PLUS pour avoir la dégaine de sa mère, est-ce vraiment bien utile? La réponse est dans la question.