Le 80e anniversaire de la victoire des troupes soviétiques sur la Wehrmacht lors de la bataille de Stalingrad vient d'être commémoré. Dans son discours, Vladimir Poutine a instrumentalisé cet événement pour justifier une fois de plus son invasion de l'Ukraine.
Il a passé sous silence le fait que son armée continue d'appliquer une tactique aveugle et meurtrière qui lui coûte bon nombre d'hommes. Et pourtant, les pertes russes en Ukraine, morts et blessés compris, sont désormais estimées à près de 200 000. Malgré tout, Poutine et ses acolytes continuent de se montrer victorieux:
Ces mots cachent-ils une bravade? Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est connu pour ses déclarations ambiguës. Mais la Russie a-t-elle le pouvoir, économique notamment, de mettre ces menaces à exécution?
Le New York times a récemment répondu à cette question par un «oui». Les sanctions imposées par l'Occident à la Russie ne semblent pas porter les fruits escomptés. Celles-ci sont efficacement contournées par le régime de Poutine, qui continue à échanger avec des pays comme l'Arménie, la Chine, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et surtout la Turquie. Le New York times constate que «les importations russes semblent être revenues presque au même niveau qu'avant l'invasion de l'Ukraine».
Cette affirmation est aussi soutenue par le Fonds monétaire international (FMI). Les économistes du FMI s'attendent à ce que l'économie russe croisse de 0,3% cette année. L'année dernière, elle s'est rétractée de 2,3%.
Sergeï Aleksachenko, l'ancien vice-ministre russe des Finances, reconnaît qu'il y a actuellement des problèmes. Il se montre toutefois confiant: 2023 sera certes une «année difficile», mais il n'y aura en aucun cas de «catastrophe ou d'effondrement». Il assure que l'économie russe sera suffisamment forte pour pouvoir continuer à supporter les conséquences de la guerre. Ce n'est pas comme si elle était «à terre ou même détruite».
Le pétrole joue un rôle central dans le débat sur l'état de l'économie russe. L'Occident a imposé un plafond de 60 dollars par baril pour le pétrole russe, un chiffre nettement inférieur au prix d'environ 80 dollars auquel l'or noir se négocie actuellement.
Il n'est par ailleurs pas certain que la Russie elle-même mette la main sur ces 60 dollars. En effet, ses deux principaux acheteurs, la Chine et l'Inde, exigent de fortes réductions. Les ventes russes s'effectuent donc avec une réduction de 38%, rapporte The economist.
La question de savoir si ces chiffres correspondent à la réalité est toutefois discutable. Les chiffres officiels chinois et indiens indiquent que le pétrole russe a été payé nettement plus cher cet hiver. De plus, la Russie est en train d'agrandir massivement sa flotte de pétroliers afin de contourner les sanctions occidentales. La campagne militaire russe ne devrait donc pas échouer par manque de fonds.
C'est une évaluation radicalement opposée de la santé de l'économie russe que nous livre Vladimir Milov dans le magazine Foreign affairs. L'ancien vice-ministre russe de l'Energie constate sans équivoque que «les sanctions contre la Russie sont efficaces».
Milov est convaincu que Poutine & co. peignent un tableau beaucoup trop positif à l'aide de données falsifiées. Par exemple, le taux de chômage. Officiellement, il est de 3,7%. «C'est un record», affirme Milov. Mais pourtant:
Selon Milov, environ 10% des travailleurs russes sont actuellement sans emploi. Selon lui, la situation est presque aussi grave que dans les années 90.
Andreï Kolesnikov souligne lui aussi dans Foreign affairs la dépendance massive des Russes vis-à-vis de l'Etat. Selon lui, c'est même une raison majeure pour laquelle il n'y a jusqu'à présent pratiquement pas d'opposition à la guerre de Poutine.
Le rouble fort est régulièrement mis en avant comme preuve de la bonne santé de l'économie russe. C'est également trompeur, constate Milov:
De même, le taux d'inflation serait nettement supérieur aux 12% officiellement affichés, une valeur déjà élevée en soi. Il s'élèverait à 16%. «Ce fossé est compréhensible, car le niveau de vie des Russes se détériore de manière dramatique», explique Milov, en se référant à un sondage d'opinion réalisé en octobre dernier.
Dans ce sondage, 68% des personnes interrogées indiquent que l'offre de biens a massivement diminué au cours des trois derniers mois. Ceci n'a rien d'étonnant car la Russie est passée à une économie de guerre. Les consommateurs n'ont rien à se mettre sous la dent.
Les importations de contournement n'aideront pas non plus la Russie à s'en sortir à long terme, selon Milov. La Chine et l'Inde sont certes intéressées par l'achat de pétrole russe bon marché, mais ils n'ont aucun intérêt à aider la Russie à développer des produits meilleurs et plus innovants sur la base de leurs propres ressources. Milov estime donc que les prédictions selon lesquelles les sanctions contre la Russie sont inutiles se trompent.
Il préconise que les instances compétentes occidentales procèdent à une analyse détaillée de l'impact des sanctions et ne se basent pas que sur quelques indicateurs, d'autant plus que ceux-ci sont faciles à manipuler.
Traduit de l'allemand (nva)