Pourquoi diable Donald Trump a-t-il une telle obsession pour les groceries? Depuis le début de sa campagne présidentielle, le milliardaire de Mar-a-Lago a décidé de faire de l’acte d’acheter des aliments dans un supermarché quelque chose de suranné et de poétique. Bien conscient qu’il devait promettre à ses électeurs de faire baisser les prix une fois élu, c’est en armant une explication de texte totalement ridicule qu’il tente, encore aujourd’hui, de faire croire qu’il est proche du peuple.
Alors que sa tirade sur les «groceries» au moment de présenter les nouvelles taxes douanières en avril dernier est encore dans toutes les mémoires, le président des Etats-Unis a profité de sa course d’école dans le Golfe pour en remettre une couche. Jeudi soir, à côté du cheikh Mohammed ben Zayed, il a joué au prof d’anglais devant une assistance médusée.
Trump to UAE president: "We have a term 'groceries.' It's an old term but it means basically what you're buying, food, it's a pretty accurate term but it's an old fashioned sound but groceries are down." pic.twitter.com/TGe83GQyot
— Aaron Rupar (@atrupar) May 15, 2025
Il a ensuite enchaîné pour affirmer que les prix sont en baisse: «Les courses sont en baisse, l’essence est en baisse, les œufs sont en baisse. Le prix des œufs a d’ailleurs baissé de manière hallucinante: 98%». Donald Trump a donc volontairement joué sur les mots en concentrant l’attention sur le terme, plutôt que la réalité. En injectant du romantisme dans le geste de faire des achats, il sait que les commentateurs vont moins se concentrer sur les faits.
Alors qu’il était précisément en train de faire ses courses (des grosses et à sa manière) au Moyen-Orient, il n’a certainement pas acheté d’œuf à la supérette du coin depuis plus d’un demi-siècle. Pour Trump, le prix de l’œuf n’est qu’un levier politique qu’il malmène au gré de ses humeurs, pour tenter de fâcher le moins possible sa base qui, elle aussi, doit bouffer.
Les prix sont-ils en baisse comme il l’affirme à Abu Dhabi? Alors, disons que ça dépend. Pour l’heure, l’inflation est stable. Donald Trump a raison de dire que le prix des œufs a dégringolé, même s’il reste très haut. Selon CNN, «dans l’ensemble, le prix moyen des œufs de toutes tailles a chuté de 12,7%». On est donc loin des 98% annoncés par Trump cette nuit et, surtout, il y a un deuxième effet Kisscool: la grippe aviaire est en train de décimer les poules du pays et crée une pénurie, que les Etats-Unis compensent avec de l’importation.
L’essence, elle, n’a pas tant bougé. Mais la vérité est ailleurs, aujourd’hui. Quelques heures avant l’explication de texte absurde du président, Walmart a fait une annonce choc. Bien que le plus grand détaillant au monde ait vu ses ventes bondir au premier trimestre, il annonce qu’il va augmenter les prix de la plupart de ses produits phares.
Pour le président, il s’agissait avant tout de brouiller les pistes. Sur les réseaux sociaux, même si les Américains sont en colère, cette technique malhonnête semble payer. Car même ses détracteurs préfèrent débattre sur son obsession désuète des «groceries», plutôt que sur les prix affichés dans les supermarchés.
Donald Trump préfère-t-il passer pour un abruti plutôt qu’un président qui refuse de se préoccuper réellement du caddie et du porte-monnaie du peuple américain?
C’est probable.
Parce que, si le prix des œufs s’est dégonflé dernièrement, «l’USDA prévoit une augmentation de 54,6% en 2025», principalement due aux conséquences des épidémies de grippe aviaire, et «la plupart des prix des produits alimentaires sont en hausse et devraient continuer à augmenter», lit-on dans les médias financiers américains. En d’autres termes, «les prix continuent d'augmenter, mais ils n'augmentent pas aussi rapidement qu’avant», a expliqué David Bieri, économiste à l'Université Virginia Tech, à ABC News.
Enfin, et c’est le plus grave pour les consommateurs américains, l’effet yoyo des droits de douane ne s’est pas encore réellement fait ressentir dans les rayons. Le pire serait donc à venir.