Le message du commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, était clair, lundi à Bruxelles: si les Etats-Unis appliquent dès le 1er août des droits de douane généraux de 30%, comme l’a annoncé Donald Trump, le commerce transatlantique risque de s’effondrer.
Le diplomate slovaque a lancé un avertissement lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE:
Chaque année, près de 1700 milliards d’euros de biens et de services traversent l’Atlantique. Une rupture de ces échanges frapperait durement entreprises et emplois des deux côtés de l'océan.
L’Union européenne veut tout faire pour éviter ce scénario et poursuit activement les négociations, comme l'a assuré Sefcovic, qui a repris contact lundi dernier avec ses interlocuteurs américains:
Mais l'Union sait aussi que, si Donald Trump met sa menace à exécution, elle devra réagir. Comme l'a déclaré le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Lokke Rasmussen, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE:
L’UE a déjà préparé des droits de douane de rétorsion sur des produits américains pour un montant d’environ 22 milliards d’euros. Lundi, les ministres ont même discuté d’une liste supplémentaire couvrant 72 milliards d’euros de marchandises, également susceptibles d’être surtaxées.
Un bras de fer douanier serait toutefois plus risqué pour l’Europe que pour les Etats-Unis, l’UE exportant bien plus vers l'Amérique qu’elle n’importe. Bruxelles réfléchit donc à utiliser une autre arme, surnommée le «bazooka». Son nom officiel: Instrument anti-coercition (ACI).
Créé en 2021 après les pressions économiques exercées par la Chine sur la Lituanie, où Pékin avait tenté de punir Vilnius pour avoir accueilli une représentation taïwanaise, cet outil permet à l’UE de riposter de manière ciblée à des mesures de contrainte économique.
L’ACI offre à Bruxelles une large palette d’actions: interdiction d’exporter, blocage des investissements, restrictions sur les services. Et c’est là que se situe le talon d’Achille des Etats-Unis: leur suprématie dans les services numériques, grâce à des géants comme Google, Apple, Meta, Amazon ou Microsoft.
Si Donald Trump applique ses menaces, l’UE pourrait donc frapper là où cela fait mal: le marché européen, ses 450 millions de consommateurs, est essentiel pour les géants de la tech américaine.
Mais ce «bazooka », capable de causer d’énormes dégâts, ne sera utilisé qu’en ultime recours. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’a répété ce week-end:
La prudence est de mise. En effet, les discussions commerciales avec Donald Trump ne sont pas des négociations classiques: elles impliquent aussi la sécurité, le soutien des Etats-Unis à l’Ukraine et l’engagement américain envers l'Otan.
Le conflit commercial pourrait menacer l'existence même de l’UE. De nouveaux droits de douane risqueraient d’alimenter l’inflation en Europe, forçant la Banque centrale européenne à relever ses taux, ce qui rendrait le financement des dettes publiques, déjà lourdes, notamment en Italie, encore plus difficile.
Menacer de sortir le «bazooka» s'avère donc plus simple que de s’en servir réellement.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder