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UBS prend un coup à sa réputation aux Etats-Unis

Dans l'industrie automobile aussi, les créances peuvent être externalisées.
Dans l'industrie automobile aussi, les créances peuvent être externalisées.Image: Emily Elconin
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UBS rattrapée par un scandale américain

La débâcle d'un fournisseur américain de pièces automobiles met en lumière les risques massifs du «financement de chaîne d’approvisionnement», un secteur dans lequel la banque UBS s’est, elle aussi, engagée.
14.10.2025, 20:5114.10.2025, 20:51
Daniel Zulauf / ch media

Le brouillard plane encore sur la faillite à plusieurs milliards de dollars du groupe First Brands, spécialiste des pièces détachées automobiles. Mais deux semaines après que l’entreprise, lourdement endettée, a dû reconnaître son insolvabilité, des informations troublantes commencent à émerger.

Début octobre, le financier new-yorkais Raistone, spécialisé dans le financement des chaînes d’approvisionnement, a saisi la justice pour exiger une enquête sur le sort de 2,3 milliards de dollars mystérieusement disparus de l’actif de First Brands.

Profits mirobolants et gros risques

Raistone fournit du capital à court terme à des entreprises en manque de liquidités. Ce type d’activité, connu chez nous sous le nom de factoring, consiste à racheter les factures d’une société afin de lui permettre de payer rapidement salaires ou fournisseurs. Après la crise financière, cette pratique typiquement réservée aux PME (petites et moyennes entreprises) a été redécouverte par la finance mondiale.

Rebaptisée «supply chain finance» ou «working capital finance», elle a été adaptée aux grands groupes et transformée en un produit d’investissement «alternatif», ouvert à un large public d’investisseurs.

Les financiers comme Raistone se contentent en principe de toucher des commissions d’intermédiation. Les profits, qui auraient atteint jusqu’à 30% dans le cas de First Brands, ainsi que les risques, sont transférés aux investisseurs finaux. Pour que ce modèle fonctionne, il faut un volume d’affaires gigantesque. D’après plusieurs sources, 80% des revenus de Raistone provenaient de First Brands.

Or, un soupçon pèse désormais sur le groupe américain: il aurait cédé plusieurs fois les mêmes créances clients, autrement dit, vendu du vent. Les 2,3 milliards de dollars «disparus» pourraient donc n’avoir jamais existé, simples écritures fictives maquillées en chiffre d’affaires.

On pourrait considérer cette faillite comme un cas isolé. Mais les marchés s’en souviennent: l’affaire rappelle étrangement celle de Greensill, liquidée en 2021. Et la méfiance s'accroit.

De gros investisseurs se retirent

La semaine dernière, l’action de Jefferies Financial Group, un acteur de Wall Street spécialisé dans les placements alternatifs, a chuté de 19%. Les fonds gérés par Jefferies auraient exposé environ 550 millions de dollars à First Brands, dont 160 millions investis directement par la société elle-même. Une perte absorbable, certes, mais suffisante pour faire fondre sa capitalisation boursière de 3 milliards pour atteindre 10 milliards de dollars en quelques jours.

Face à la panique, plusieurs investisseurs institutionnels, dont BlackRock, le Texas Treasury Safekeeping Trust et Morgan Stanley, ont déjà demandé à récupérer leurs mises du fonds Point Bonita, qui détenait un quart de ces 3 milliards d’actifs en créances First Brands. Un scénario digne d’une mini «panique bancaire».

Les gestionnaires d’actifs, même lorsqu’ils ne supportent pas directement le risque de leurs produits, se retrouvent exposés à de graves dommages de réputation. La banque UBS en fait aujourd’hui l’expérience: son pôle américain de gestion d’actifs, qui administre plusieurs centaines de milliards de dollars, détenait 515 millions de dollars répartis sur cinq fonds liés à First Brands.

Mauvais timing pour UBS

Une somme modeste à l’échelle du géant zurichois, mais un contretemps fâcheux. UBS mise beaucoup sur la croissance et la rentabilité de ses activités aux Etats-Unis. Désormais, il lui sera plus difficile de convaincre ses clients américains de la fiabilité de ses placements face à la concurrence locale.

En Suisse, UBS s’oppose farouchement à un durcissement des exigences de capital imposées aux grandes banques. L’un des effets de règles plus strictes serait de rendre ses projets d’expansion à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, bien plus coûteux. Le législateur, de son côté, veut éviter à tout prix que les contribuables helvétiques aient un jour à éponger les pertes liées aux ambitions d’un management trop téméraire.

De ce point de vue, la faillite de First Brands tombe à pic. Elle offre un cas concret des dangers d’une finance mondialisée devenue incontrôlable, qui va peut-être permettre aux discussions sur la régulation d'aboutir.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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