Des centaines d’emplois menacés par la stratégie de Swisscom
Le spectre du «nearshoring» plane sur Swisscom. Comme beaucoup d’entreprises technologiques, le groupe de télécommunication, détenu majoritairement par la Confédération, entretient déjà des départements à l’étranger. Ces sites emploient du personnel rémunéré à un niveau inférieur à celui des équipes basées en Suisse.
Selon nos informations, une vaste délocalisation est désormais en préparation. D’après une source bien informée, plusieurs centaines de collaborateurs des équipes de développement informatique pourraient être concernées. Christoph Aeschlimann, directeur général, prévoit vraisemblablement de transférer leurs tâches vers les antennes de Rotterdam, grand port néerlandais, et de Riga, capitale de la Lettonie, créées en 2019 et 2020.
A l’époque, Swisscom assurait encore que l’ouverture de sites étrangers ne se ferait «pas au détriment des emplois en Suisse». L’argument avancé alors était la pénurie de spécialistes sur le marché helvétique. Mais la donne a changé: le groupe invoque désormais officiellement des raisons de coûts pour justifier cette nouvelle délocalisation.
Swisscom confirme le transfert à l'étranger
Swisscom suit ainsi l’exemple de la Poste, qui a récemment annoncé la délocalisation de 140 postes de son département informatique au Portugal. Une décision en contradiction avec ses promesses d’il y a trois ans, où elle assurait qu’aucun emploi ne serait supprimé en Suisse. Selon les observateurs, il ne s’agirait que d’un premier pas; d’autres transferts pourraient suivre.
La porte-parole de Swisscom, Sabrina Hubacher, confirme que l’entreprise projette de «déplacer certaines tâches du développement informatique de la Suisse vers Rotterdam et Riga». La raison avancée est claire:
Autrement dit, l’opération vise avant tout à réaliser des économies.
«Des suppressions à la chaîne»
Autant que possible, Swisscom souhaite piloter cette réduction d’effectifs par la fluctuation naturelle, comme le souligne sa porte-parole. Et de préciser: «La Suisse est et restera le site principal de nos activités nationales». Les département du développement informatique ne représenterait, aujourd’hui comme à moyen terme, qu’une fraction des effectifs helvétiques. Ces équipes couvrent pourtant un large spectre de missions: développement de solutions cloud, cybersécurité du réseau Swisscom ou encore projets liés à l’intelligence artificielle.
Actuellement, Swisscom emploierait entre 600 et 800 personnes à Riga et Rotterdam. Demain, elles pourraient être 1000 à 1400. Une grande partie de cette croissance se ferait aux dépens des postes en Suisse. Sur son site internet, Swisscom mentionne «plus de 400 collaborateurs» à Rotterdam, sans donner de chiffres pour Riga. Dans les deux centres, une vingtaine de postes sont ouverts.
Le syndicat Transfair est au courant de ces projets. Selon sa responsable sectorielle, Marika Schaeren, ce sont principalement les sites de Berne et Zurich qui sont visés:
Vodafone Italia pèse sur les comptes de Swisscom
Pour les analystes, cette cure d’austérité n’est pas une surprise. Swisscom doit absorber la coûteuse acquisition de Vodafone Italia et faire face à une intégration complexe, alors même que ses activités en Suisse stagnent.
L’endettement du groupe s’est alourdi avec l’achat en Italie, tandis que les bénéfices reculent. Dans le même temps, Swisscom entend relever son dividende de 22 à 26 francs par action. Un geste destiné à séduire les actionnaires, et surtout son principal propriétaire: la Confédération. Mais les perdants de cette stratégie d’expansion pourraient bien être les informaticiens suisses.
Le phénomène n’est pas nouveau. En 2019, Swisscom comptait encore 16 628 équivalents plein temps en Suisse. L’an dernier, ils étaient 723 de moins. A l’inverse, les effectifs à l’étranger ont bondi de 1293 personnes pour atteindre 3982 postes.
Le marché helvétique des télécommunications est saturé et très mature, offrant peu de marges de croissance. En 2024, le chiffre d’affaires domestique a reculé de 1,7% à huit milliards de francs. Seuls les services IT progressent, tandis que Swisscom perd des clients dans la TV et l’internet haut débit. Avec Vodafone Italia, la part de l’Italie dans le chiffre d’affaires total devrait grimper à environ 46%.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder