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La Suisse est prise en otage par UBS

Axel Lehmann, président de Credit Suisse et Colm Kelleher, président d'UBS qui a tout gagné.
Axel Lehmann, président de Credit Suisse et Colm Kelleher, président d'UBS qui a tout gagné.keystone
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La Suisse est prise en otage par UBS

La Suisse possède désormais une banque XXL. Lors de la fusion forcée, UBS a obtenu un chèque en blanc et elle peut désormais faire ce qu'elle veut.
27.03.2023, 19:0227.03.2023, 19:30
Patrik Müller / ch media
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Un pays s'est-il déjà livré à une seule banque comme la Suisse l'a fait avec l'UBS? Moins d'une semaine après la vente orchestrée par l'Etat du Credit Suisse (CS) à l'UBS, l'ampleur de la dépendance commence à se dessiner.

Il ne s'agit pas seulement de la taille de la nouvelle UBS. Le total du bilan fusionné s'élève à environ 1500 milliards de francs suisses. C'est le double du produit intérieur brut (PIB) suisse.

Le geste de la Suisse envers UBS va toutefois bien au-delà. L'accord de reprise que le Conseil fédéral a fait passer en force n'implique aucune obligation pour UBS. Elle peut faire ce qu'elle veut avec Credit Suisse.

D'un point de vue économique, il serait raisonnable qu'UBS se sépare de certaines parties de CS, en les rendant autonomes et en les introduisant en bourse, comme le demande le PLR pour les activités en Suisse. Mais elle pourrait également vendre des parties du CS à d'autres banques. Cela réduirait alors un peu le risque de concentration.

La main invisible du marché

Mais pourquoi l'UBS ferait-elle cela? La perspective capitaliste pousse chaque entreprise à d'abord se soucier d'elle-même, et non de la collectivité. Le bien-être économique résulte alors de la somme des comportements égoïstes de tous les acteurs. C'est ainsi qu'au 18e siècle, le grand économiste et philosophe Adam Smith expliquait le génie de ce système en parlant de la «main invisible du marché». Cette dernière ne peut toutefois déployer ses effets bénéfiques que s'il y a suffisamment d'acteurs et de concurrence. Or, cela n'est plus le cas dans le monde bancaire.

On ne peut pas reprocher à UBS de tirer maintenant le meilleur parti pour ses actionnaires et sa direction. Elle n'a pas recherché la reprise. La banque suisse est devenue l'instrument des autorités qui voulaient éviter que:

  1. Credit Suisse fasse faillite
  2. la Confédération ou la Banque nationale doivent reprendre le CS

Comme on l'entend de l'intérieur de la désormais méga-banque, tout converge désormais vers une intégration totale du groupe Credit Suisse. Le directeur général du groupe Ralph Hamers a déclaré dans le Financial Times:

«Il ne s'agit pas simplement de réunir deux entreprises. Il s'agit plutôt de savoir comment nous pouvons construire une UBS plus grande»
Directeur général du groupe Ralph Hamers.financial times

Les autorités auraient dû le voir venir. Adam Smith l'avait d'ailleurs déjà décrit à son époque: croître, devenir plus grand, est dans la nature de l'économie. Le président d'UBS, Colm Kelleher, banquier et stratège chevronné, a déjà prouvé dans des emplois précédents qu'il préférait aller de l'avant. Il veut maintenant écrire l'histoire de sa vie en matière de croissance. Et qui dit «croissance» dit aussi «augmentation des salaires et des bonus».

L'erreur capitale des autorités

Le Conseil fédéral, la Banque nationale et l'Autorité de surveillance des marchés financiers ont commis une grosse erreur. Ils auraient dû accorder à UBS les garanties d'Etat de 259 milliards de francs contre certaines conditions. Ils auraient dû exiger que certaines parties du CS deviennent autonomes. Au lieu de cela, Kelleher a obtenu un chèque en blanc.

Peut-on en vouloir aux autorités? Il y a des circonstances atténuantes. Elles ont agi dans l'urgence, en petit comité, car rien ne devait filtrer. Et elles ont atteint leur objectif: le CS n'a pas fait faillite, une crise financière a été évitée. Le prix à payer est élevé. La politique ne peut désormais qu'observer. Si l'accord devait être remis en question lors de la session spéciale du Parlement, le monde entier s'en apercevrait et l'action UBS pourrait s'effondrer.

La Suisse ne peut pas se permettre de mettre en danger la seule grande banque qui lui reste. Mais il y a une chose qu'elle devrait exiger avec insistance: une indemnisation pour la garantie de l'Etat dont bénéficie désormais implicitement l'UBS. A l'instar des banques cantonales et de la Poste, UBS devrait également verser une partie de ses bénéfices aux pouvoirs publics. En compensation du fait que la Suisse ne pourra jamais la laisser couler.

Traduit de l'allemand (nva)

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