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Credit Suisse: pourquoi il faut garder la tête froide

Nous devons analyser pourquoi le crash du Credit Suisse a pu se produire.
Nous devons analyser pourquoi le crash du Credit Suisse a pu se produire.image: shutterstock
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Pourquoi il faut garder la tête froide

L'effondrement de Credit Suisse survient au milieu d'un enchaînement de crises. Si nous ne restons pas sur nos gardes, un climat idéal risque de se créer pour les théoriciens du complot et les populistes de droite.
24.03.2023, 18:4925.03.2023, 11:12
Philipp Löpfe
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La chute de Swissair a bouleversé la Suisse sur le plan émotionnel au début du 20e siècle. Sur le plan politique, en revanche, les dégâts ont été limités et ont principalement touché les radicaux zurichois. Bien sûr, le Conseil fédéral a été sévèrement critiqué à l'époque. Mais il ne serait venu à l'idée de personne de qualifier la Suisse d'«Etat crapule». C'est pourtant ce que fait aujourd'hui l'extrême droite.

Les avions de Swissair ont dû rester au sol en 2001 après le grounding.
Les avions de Swissair ont dû rester au sol en 2001 après le grounding.image : keystone

Aussi dur que soit le crash de Credit Suisse pour ses employés, cela ne devrait pas déclencher de grandes vagues d'émotions dans la population. En revanche, sur le plan politique, il pourrait être bien plus dangereux que l'effondrement de Swissair à l'époque, car il survient à un moment où les gens doivent déjà faire face à plusieurs chocs extraordinaires: une sortie de pandémie, la peur d'une guerre nucléaire déclenchée par la guerre en Ukraine et une crise climatique imminente.

L'effondrement de Credit Suisse, que personne n'avait vraiment prévu, nous plonge maintenant dans des montagnes russes d'émotions. Il y a encore peu, la Suisse était une élève modèle capable de maîtriser la pandémie sans déclencher une inflation dangereusement élevée ni mettre les caisses de l'Etat à trop rude épreuve. Sur le plan politique aussi, tout semblait en ordre.

Les terroristes de la liberté sortent à nouveau de leur trou.
Les terroristes de la liberté sortent à nouveau de leur trou.source: keystone

Mais aujourd'hui, nous sommes soudain les perdants, incapables de sauver une grande banque en difficulté et d'éviter ainsi des dommages à notre place financière. Nous sommes aussi les égoïstes qui refusent de soutenir efficacement l'Ukraine pour des raisons de neutralité. C'est pourquoi on entend de tous côtés que la Suisse est devenue un paria international.

Mais malgré la crise qu'elle traverse actuellement, la Suisse n'est pas la plus à plaindre. Si nous regardons les pays voisins, nos soucis paraissent assez limités.

Les problèmes de nos voisins

En Allemagne, le changement d'époque annoncé par le chancelier Olaf Scholz est resté lettre morte jusqu'à présent. La France est confrontée à la plus grande crise sociale de son histoire récente en raison de l'augmentation de l'âge de la retraite décrétée de manière arbitraire par Emmanuel Macron. En Italie, un gouvernement post-fasciste est au pouvoir, et cela pourrait aussi être le cas en Autriche après les prochaines élections.

Les Anglo-Saxons ne sont pas en reste: les Britanniques se sont tiré une balle dans le pied, économiquement parlant, avec le Brexit. Aux Etats-Unis, les républicains et les démocrates sont plus irréconciliables que jamais, et un évènement inédit est sur le point de se produire: un ex-président est accusé de plusieurs crimes.

Le crash du Credit Suisse ne doit pas être minimisé pour autant. Nous devons analyser pourquoi cela a pu se produire, bien que le gouvernement et l'autorité de surveillance bancaire aient promis haut et fort que cela serait impossible grâce aux nouvelles lois «too big to fail». Nous avons besoin de solutions pour gérer UBS, la nouvelle banque monstre, et nous devons également nous pencher sur l'échec de la politique. S'il faut une session extraordinaire du Parlement pour cela, qu'il en soit ainsi.

La Suisse, «Etat crapule»?

Roger Köppel, UDC-ZH, s'exprime lors de la session d'automne des conseils fédéraux, le jeudi 30 septembre 2021 au Conseil national à Berne.
Roger Köppel, image d'archives.source: keystone

Le danger vient également de l'extrême droite. Sur sa chaîne vidéo Weltwoche daily, Roger Köppel traite la Suisse d'«Etat crapule». Il met dans le même panier un «échec du Conseil fédéral et de la Banque nationale», ainsi que la neutralité et la levée des sanctions contre la Russie. Le tout accompagné de slogans bien connus du monde post-fasciste, comme: la Suisse ne doit plus se plier aux diktats de l'étranger, et le peuple doit enfin reprendre les choses en main.

Pendant ce temps, le mouvement Mass-Voll sort de son trou pour manifester contre les banques. Ce n'est qu'une question de temps avant que les Freiheitstrychler («défenseurs de la liberté») n'en profitent pour passer à l'action, eux aussi. Depuis peu, ils ne font pas seulement sonner leurs cloches, ils scandent aussi «Harus», le cri de ralliement des sympathisants nazis suisses dans les années trente.

Des personnes manifestent contre la loi Covid-19 avec la presence des Freiheitstrychler lors d'un rassemblement le samedi 13 novembre 2021 a Geneve. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
Les «Freiheitstrychler» (défenseurs de la liberté) refont surface.image: keystone

Il serait négligent de minimiser ou même d'ignorer tout cela. Les chocs déjà mentionnés ont également ébranlé les Suisses et rendent de plus en plus d'entre eux sensibles aux théories du complot et au chauvinisme. De plus, un bouleversement économique pourrait bientôt s'ajouter au choc politique.

La crise bancaire est loin d'être terminée. La communauté financière internationale est donc extrêmement nerveuse et attend de voir où la prochaine bombe va exploser. Une récession mondiale, qui semblait déjà avoir été évitée, est à nouveau envisageable.

Dans les années 30, le philosophe italien Antonio Gramsci a écrit cette phrase:

«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres»
Antonio Gramsci

A bien des égards, cette phrase décrit également la situation actuelle. Nous devons donc empêcher les monstres de prendre le pouvoir. Pour cela, il faut trouver des solutions pour réussir à maîtriser les évènements-choc – et surtout, garder la tête froide.

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