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Credit Suisse: les banques cantonales se portent bien

La chute de Credit Suisse a été une aubaine pour les banques cantonales

Un an après la quasi-faillite du Credit Suisse, les banques cantonales font partie, avec l'UBS, des grands gagnants du séisme bancaire. Mais il y a une autre raison à leurs bénéfices records de l'année dernière.
23.03.2024, 15:5323.03.2024, 17:10
Lara Knuchel
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Les banques cantonales en meilleure posture

La Banque cantonale de Zoug (ZK) a réalisé en 2023 une augmentation de son bénéfice de plus de 28% par rapport à l'année précédente. La Banque cantonale de Saint-Gall (SGKB) a de son côté gagné presque 13% de plus et a pu augmenter ses dividendes de deux francs (à 19 francs). A la Banque cantonale de Genève (BCGE), l'augmentation a même été de plus de 31%. La Banque Cantonale Vaudoise (BCV) (+21%), la Banque Cantonale de Bâle (BKB) (également +21%) et la Banque Cantonale de Zurich (ZKB) affichent des résultats similaires. Derrière UBS et le groupe Raiffeisen, le numéro trois suisse parmi les plus grandes banques a augmenté son bénéfice de 17% et a gagné 1,2 milliard de francs, du jamais vu.

Ensemble, les banques cantonales ont réalisé cette année 2,3 milliards de bénéfices - une augmentation d'environ 25% par rapport à l'année précédente. Nombre d'entre elles affichent un bénéfice record en 2023.

A la Banque Cantonale zurichoise, le bénéfice aurait été si élevé que le CEO aurait même été «visiblement gêné» début février de présenter l'excédent record aux médias présents, comme l'écrit Finanz und Wirtschaft.

Urs Baumann, CEO Zuercher Kantonalbank, informiert an der Bilanzmedienkonferenz der Zuercher Kantonalbank, ZKB, ueber das Geschaeftsjahr 2023, aufgenommen am Freitag, 9. Februar 2024 in Zuerich. (KEYS ...
Urs Baumann, a la tête de l'institution zurichoise, au moment de présenter les comptes. Image: keystone

Première raison: feu Credit Suisse

A la fin de l'année, une étude de la Haute école de Lucerne (HSLU) a montré, sur la base de chiffres de la Banque nationale (BNS), ce que beaucoup soupçonnaient déjà: que la crise de Credit Suisse avait entraîné des transferts relativement importants de dépôts de clients. Et que les banques cantonales font partie des grands gagnants.

«Nous estimons que la grande banque a perdu environ quatre points de pourcentage de parts de marché», explique Simon Amrein, professeur à la Haute école de Lucerne (HSLU), à la SRF. «Ce qui correspond à environ 60 milliards de francs suisses. Sur ce total, nettement plus de la moitié est allée aux banques cantonales.» Toujours selon l'étude de la HSLU, leur part de marché commune pour les fonds de la clientèle est désormais de 31,7%. Alors que ce pourcentage était encore de 27% en 2021, les banques cantonales ont entre-temps dépassé la grande banque.

Certes, les patrons s'efforcent de souligner que l'effet Credit Suisse est surestimé. Au cours des deux dernières années, il y a eu de toute façon un «mouvement vers les valeurs refuges», déclare par exemple le patron de la banque zurichoise, Urs Baumann, dans l'émission Eco Talk diffusée sur la SRF. On n'aurait «pas profité follement» du CS, dit aussi le patron de la Banque Cantonale d'Uri.

Mais l'effet CS ne se mesure pas seulement aux fonds des clients. En ce qui concerne les collaborateurs, les banques cantonales font également office de réceptacle. Au total, jusqu'à 3000 collaborateurs pourraient perdre leur emploi en Suisse d'ici la fin du processus de rachat. D'autres ont déjà pris la poudre d'escampette, notamment parmi les cadres supérieurs. C'est le cas par exemple du nouveau chef de la Banque cantonale de Genève - 27 ans d'expérience au CS. Ou encore le nouveau CEO de la Banque cantonale de Schaffhouse, qui avait déjà quitté son poste de responsable du «Corporate Cash Management» au CS peu avant la reprise.

Deuxième raison: les opérations d'intérêts

L'environnement des taux d'intérêt aurait joué en faveur des banques cantonales bien plus que l'effet CS. Au cours des deux dernières années, la Banque nationale a relevé le taux directeur assez rapidement et de manière significative. En mai 2022, il était encore à -0,75%, depuis juin 2023, la BNS le laisse reposer à 1,75%.

Cette augmentation rapide a eu une influence directe sur les banques, notamment en ce qui concerne les opérations d'intérêts. Les banques cantonales génèrent environ deux tiers de leurs revenus dans ce domaine, qui a d'ailleurs été le principal moteur des bénéfices records.

Un taux directeur plus élevé permet aux banques de demander également des intérêts plus élevés sur les crédits qu'elles mettent à disposition. Car elles doivent désormais payer plus pour leurs crédits auprès de la Banque nationale. Les banques cantonales ont par exemple répercuté assez rapidement cette hausse sur les crédits accordés aux entreprises. Mais du côté du passif, c'est-à-dire là où elles doivent un intérêt à leurs clients (par exemple sur les comptes d'épargne), la hausse des taux n'a été répercutée qu'avec un certain retard.

En procédant de la sorte, les banques cantonales s'attirent quelques critiques. Sara Stalder, de la Fondation pour la protection des consommateurs, a déclaré, lundi, dans l'émission Eco Talk que les épargnants ont été nettement lésés en 2023. A cela s'ajoutent des frais qui doivent également être payés.

«Ces frais ont été prélevés de manière parfois fantaisiste pendant la phase de taux bas, mais n'ont pas été réduits depuis. C'est en fait un double écrémage.»
Sara Stalder
Sara Stalder, Stiftung fuer Konsumentenschutz, spricht am Point de Presse zum ersten Schweizer Kaufkraftgipfel, am Dienstag, 5. September 2023 in Bern. (KEYSTONE/ Marcel Bieri)
En charge de la protection des consommateurs: Sara Stalder.Image: keystone

Les institutions cantonales se défendent: les taux d'intérêt ne peuvent pas être augmentés partout immédiatement - par exemple pour les détenteurs d'hypothèques à taux fixe sur plusieurs années. Parallèlement, il faut financer les dépôts de garantie élevés auprès de la Banque nationale. Il est néanmoins frappant de constater que, selon Finanz und Wirtschaft, les banques cantonales qui ont réalisé le plus de bénéfices en 2023 sont celles qui ont répercuté les taux d'intérêt avec le plus d'hésitation.

Projets d'expansion et critiques

Une question se pose: les banques cantonales se sentent-elles pousser des ailes?

Elles poursuivent en tout cas leurs ambitions de s'implanter également en dehors de leur canton respectif. Ainsi, selon les recherches de la Luzerner Zeitung, la part des hypothèques accordées dans leur propre canton ne cesse de diminuer dans plusieurs banques.

Témoins également de ces projets d'expansion: la Banque Cantonale zurichoise et son homologue bâloise. Zurich lance pour la première fois ce printemps l'exploitation d'un bureau de vente local à Lausanne pour les clients institutionnels de Suisse romande tandis que la seconde a déjà ouvert l'année dernière à Zurich une nouvelle banque numérique pour les placements durables (Radicant) ainsi que des succursales dans les cantons de Bâle-Ville et d'Argovie.

Autre évolution significative: les Banques cantonales s'occupent de plus en plus de clients de l'étranger. Dernièrement, cela a tourné au désavantage des banques, du moins dans le cas de René Benko. Outre la Banque Cantonale d'Obwald et celle des Grisons, au moins trois autres se seraient engagées dans des affaires avec le nabab de l'immobilier et fondateur de Signa qui a fait faillite. Dans le cas de la première, une enquête externe a récemment été ouverte. Il est reproché à son président d'avoir permis à René Benko de faire des affaires avec d'autres banques cantonales en échange d'une indemnisation privée.

Les ambitions des banques cantonales font l'objet d'un regard de plus en plus critique. Et ce d'autant plus que la grande majorité d'entre elles - 21 sur 24 - bénéficient explicitement de garanties de l'Etat. Pour garantir les fonds de la clientèle, en cas de crise et d'insolvabilité qui en découlerait, le canton concerné serait responsable des engagements de la banque – comme la Confédération pour Credit Suisse et l'UBS.

Il existe toutefois une différence significative: si le nouveau monstre bancaire qu'est l'UBS, bénéficie «seulement» d'une garantie implicite de l'Etat, les banques cantonales profitent d'une garantie explicite. En d'autres termes, alors que pour l'UBS la garantie de l'Etat est implicitement acceptée par les acteurs du marché (parce qu'elle est considérée comme «too big to fail»), la garantie du canton est explicitement consignée. A l'inverse, cela signifie aussi que les banques cantonales versent chaque année un certain montant pour cette assurance. Cela n'a pas été le cas pour le CS de l'époque - et ne l'est pas non plus pour l'UBS.

Le blocage du siège du Crédit Suisse à Zurich, 2019
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Le blocage du siège du Crédit Suisse à Zurich, 2019

source: collective climate justice switzerland
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