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Immobilier: «La crise du logement ne fait que commencer»

«La grande crise du logement ne fait que commencer»

L'Europe souffre d'une inquiétante crise du logement et, selon les analyses, elle n'est pas prête de se calmer.
26.01.2024, 06:0226.01.2024, 06:02
Niklaus Vontobel / ch media
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Les Etats-Unis et l'Europe sont touchés depuis longtemps par une crise du logement. Il y a trop peu de logements locatifs abordables, trop peu de propriétés individuelles abordables.

«Depuis des décennies, les coûts du logement dans l'Union européenne augmentent plus vite que les revenus, et cette tendance s'est accélérée en de nombreux endroits»
Un spécialiste du logement sur la chaîne de télévision France 24

Aujourd'hui, il semble que les prix des propriétés individuelles s'éloignent encore un peu plus des salaires. Le Fonds monétaire international (FMI) résume ainsi son analyse de plus de 30 pays:

«L'accessibilité au logement s'est encore tendue»

La cause en serait la forte hausse des taux directeurs à partir de début 2022, lorsque les banques centrales occidentales ont toutes entamé la lutte contre l'inflation. Jusqu'à présent, ce revirement des taux d'intérêt a surtout impulsé deux tendances, l'une était prévisible, l'autre non.

Il était prévisible que la hausse des taux directeurs se répercuterait rapidement et fortement sur les taux hypothécaires. Aux Etats-Unis comme dans la zone euro, le coût moyen des intérêts pour l'achat d'une maison a plus que doublé. Ainsi, encore moins de familles peuvent rêver de devenir propriétaires. Beaucoup se tournent donc vers la location, ce qui ne fait qu'aggraver la pénurie.

La deuxième tendance, à savoir les conséquences du changement de taux d'intérêt sur les prix de l'immobilier, n'a pas été anticipée. Auparavant, des taux d'intérêt bas records étaient considérés comme l'une des principales raisons de l'essor de l'immobilier à l'échelle mondiale. Une hausse des taux d'intérêt aurait donc pu mettre fin à ce phénomène. Les maisons individuelles auraient donc dû redevenir moins chères. C'est ce qui s'est produit dans de nombreux pays, mais pas suffisamment pour les rendre à nouveau abordables, selon le FMI.

La Suisse n'est pas une exception

Ainsi, dans les pays voisins, la France et l'Italie, les prix ont baissé respectivement de 4% et 7% depuis l'année dernière. Au Canada et en Allemagne, la baisse est de 15%. En Suède et en Nouvelle-Zélande, les prix ont baissé d'environ 16%.

Cela semble beaucoup. Mais selon le FMI, il s'agit en grande partie d'une correction: l'exagération temporaire qui a été ajoutée pendant la période Covid-19 s'évapore. A l'époque, la demande de logements s'était provisoirement envolée.

Les prix de l'immobilier ont beaucoup moins baissé – voire pas du tout – si on les compare à leur niveau d'avant la pandémie. Dans la plupart des pays de l'Union européenne, les prix sont encore supérieurs de plus de 5% ou de plus de 10%, aux États-Unis, ils sont presque 20% plus élevés. Sur cette période, les prix n'ont baissé que de 5% en Italie et en Suède et de 2% en Allemagne.

En résumé, les prix moyens sont encore élevés, selon le FMI. Ils sont plus élevés qu'avant le début de la pandémie, ils sont plus élevés que la moyenne historique. Et ils n'ont certainement pas baissé dans des proportions suffisantes pour améliorer de manière significative l'accessibilité à la propriété.

La Suisse n'est pas prise en compte dans l'analyse du FMI, mais elle s'inscrit parfaitement dans le tableau présenté par le Fonds. Les taux d'intérêt hypothécaires ont rapidement grimpé. Par rapport aux planchers records d'avant la pandémie, les banques demandent aujourd'hui plus du double d'intérêts pour les hypothèques à dix ans.

En ce qui concerne les prix, il n'y a eu aucun allègement pour les acheteurs potentiels, comme le montrent les chiffres du bureau de conseil Wüest Partner. Les prix des propriétés individuelles n'ont baissé qu'une seule fois – de 0,32% au troisième trimestre 2023 – sinon ils ont augmenté, augmenté, augmenté. Depuis le dernier trimestre avant le début de la pandémie, l'augmentation est de plus de 20%.

La crise du logement en Europe ne fait que commencer

Selon l'analyse du FMI, le fait que les taux d'intérêt élevés ne se répercutent pas davantage sur les prix reste quelque peu mystérieux. On aurait ainsi pu s'attendre à une augmentation des défaillances de crédit et des ventes d'urgence.

Cela aurait pu se produire en Norvège, en Suède, au Danemark ou aux Pays-Bas. Dans ces pays, les ménages devaient déjà verser une grande partie de leurs revenus aux banques avant le changement de taux d'intérêt. Avec des taux d'intérêt plus élevés, beaucoup auraient pu se retrouver en difficulté financière. Mais jusqu'à présent, on en est resté au stade des inquiétudes et des craintes.

Une explication possible serait que les banques ont été prudentes dans l'octroi de crédits, spécule le FMI. Nombre d'entre elles ont dû apprendre «à la dure» lors de la crise de l'euro et, avant cela, lors de la crise financière de 2008, qui s'est déclenchée sur le marché de l'immobilier américain.

Les prix sont aussi restés élevés à cause de l'étrange torpeur du marché – il n'y a pas de boom de la construction à l'horizon. Au contraire, le nombre de permis de construction délivrés est inférieur à celui d'il y a un an, parfois de plus d'un quart en France, en Suède, en Allemagne ou Royaume-Uni. C'est la constatation faite par l'agence de presse Bloomberg, résumant les conséquences en une phrase:

«La grande crise du logement en Europe ne fait que commencer»

La Suisse n'est pas une exception. Selon la grande banque UBS, le nombre de permis de construire délivrés au cours des douze derniers mois n'a jamais été aussi faible que durant les deux dernières décennies – et on estime qu'il n'y en a eu qu'environ la moitié de ce qui serait nécessaire.

Quelle que soit la raison pour laquelle les prix n'ont pas baissé davantage, ils pourraient encore augmenter considérablement cette année, écrit le FMI. Les banques centrales vont probablement à nouveau abaisser leurs taux directeurs. Les hypothèques devraient par conséquent redevenir moins chères. Le besoin de rattrapage accumulé en matière de logement pourrait se libérer. La demande augmenterait tellement que même si davantage de logements étaient mis en vente, cela ne servirait à rien – les prix grimperaient encore.

La fin d'une conviction culturelle

Ce serait la poursuite d'une méga-tendance. Dans l'Union européenne, l'immobilier est en plein essor depuis des années, et ce dans presque tous les États membres. Selon Eurostat, l'office européen des statistiques, entre 2010 et 2022, seules l'Italie et Chypre ont connu une baisse. L'augmentation moyenne a été de 47%.

Mais il existe des différences. Parmi les pays voisins, l'Allemagne a connu un renchérissement de 94% et l'Autriche de 122%. En revanche, la France a enregistré une modeste augmentation de 33% et l'Italie une baisse de 9,4%. En Suisse même, selon les chiffres de Wüest Partner, les appartements en propriété ont connu une augmentation de 54%.

Le cas extrême est celui du Royaume-Uni, où le prix des logements n'a jamais été aussi élevé depuis près de 150 ans. La dernière fois que les prix ont atteint un tel niveau par rapport aux revenus, c'était en 1876, lorsque les voitures n'existaient pas encore et que la propriété était réservée à une minorité aisée. C'est ce qu'a calculé le Financial Times, qui interprète ce record négatif comme «l'effondrement d'une des convictions culturelles les plus fortes: Si l'on travaille dur, on gagne suffisamment pour pouvoir s'acheter une maison».

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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