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Migros licencie: d'autres entreprises vont l'imiter en Suisse

Migros va licencier 1500 personnes. (image d'illustration)
Migros va licencier 1500 personnes. (image d'illustration)Image: KEYSTONE
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«Beaucoup d'emplois seront biffés d'ici l'été prochain en Suisse»

Migros, Sunrise, La Poste, Novartis: les annonces de licenciements se succèdent en Suisse. S'agit-il d'une tendance généralisée? Comment l'expliquer, et qu'est-ce que cela dit sur l'état de santé de notre économie? Les réponses de Sergio Rossi, économiste à l'Université de Fribourg.
02.02.2024, 16:5402.02.2024, 17:33
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Ce vendredi matin, Migros a annoncé son intention de vendre plusieurs de ses marques emblématiques, dont Micasa, M-electronis, Do + it garden, ou encore SportX. Une vaste restructuration qui va se solder par des suppressions d'emplois: 1500, selon les déclarations du géant orange.

Le détaillant n'est que la dernière entreprise à annoncer des licenciements. Au cours de l'année écoulée, La Poste, Sunrise, Novartis ou encore Credit Suisse ont décidé de se séparer d'une partie de leurs employés. Le secteur des médias a également été touché, la totalité des grands éditeurs ayant annoncé procéder à une réduction de leurs effectifs.

Faut-il voir dans ces licenciements une suite de cas isolés, ou une tendance à plus large échelle? Nous avons posé la question à Sergio Rossi, professeur ordinaire d'économie à l’Université de Fribourg.

On peut avoir l'impression que les annonces de licenciements se multiplient en Suisse. Est-ce vraiment le cas?
Sergio Rossi:
C'est effectivement le cas. Ces dernières semaines, on constate que le nombre de licenciements augmente. Si cette situation devait continuer, la Suisse risque de se retrouver dans une trajectoire similaire à celle qu'on observe actuellement en France.

Qu'est-ce que cela signifie?
En Suisse, la population a moins l'habitude de descendre dans la rue, mais les gens vont commencer à se poser des questions. Les conflits sociaux vont s'exacerber, et cela n'est pas positif pour l'économie, la finance, ni même la politique. Si la population est mécontente, elle risque de voter pour des forces politiques alternatives, qui n'ont pas d'expérience politique.

Comment expliquer ces licenciements?
Les guerres en cours, ainsi que le réchauffement climatique, ont fait augmenter le coût des matières premières au niveau global. En Suisse, les prix à la consommation ont ainsi augmenté, mais cette hausse n'a pas été suivie par les salaires. Le pouvoir d'achat de la classe moyenne a donc stagné, voire diminué, et cela se répercute de manière négative sur les entreprises.

«Si les gens achètent moins, les entreprises auront plus de peine à vendre leurs produits, et leur chiffre d'affaires diminue»

A cela s'ajoute la hausse des taux d'intérêt, décidée à plusieurs reprises par la Banque Nationale Suisse en 2023. Cette mesure, prise pour lutter contre l'inflation, n'a pas eu l'effet escompté. Les petites et moyennes entreprises qui voulaient obtenir des crédits bancaires ont dû dépenser plus d'argent pour payer les intérêts aux banques, ce qui se répercute à son tour sur les prix de vente et, une fois de plus, sur le pouvoir d'achat des consommateurs.

La robotisation du travail, dont on a beaucoup parlé l'année dernière, joue-t-elle également un rôle dans cette situation?
Oui. On commence à constater que l'automatisation réduit les places de travail. Contrairement aux trois précédentes révolutions industrielles, cette révolution 4.0 va entraîner une diminution des emplois. Par le passé, les vagues d'innovation biffaient des places de travail, mais pour en créer davantage en fin de compte. Ce n'est plus le cas. Ce phénomène, déjà en cours, a été accéléré par la pandémie et les guerres.

L'économie suisse va-t-elle mal?
L'économie suisse a ralenti son taux de croissance. Ce ralentissement a été moins marqué par rapport à plusieurs pays voisins, mais la Suisse est très dépendante du commerce international, notamment à cause de ses exportations.

«Si les pays européens traversent des problèmes majeurs, l'économie helvétique en souffre. Et tout cela pèse sur les bénéfices des entreprises»

D'autres licenciements seront-ils annoncés prochainement en Suisse, selon vous?
Je pense que oui, car la situation au niveau international ne va probablement pas s'améliorer de sitôt. Un nombre considérable de places de travail sera biffé d'ici l'été prochain en Suisse. Les personnes qui ont été licenciées vont dépenser moins d'argent, tout comme d'autres, si le contexte est difficile. Cela va ralentir l'activité économique, ainsi que les investissements et les bénéfices des entreprises.

Quelles sont les causes profondes de cette situation?
Aujourd'hui, la finance dicte les règles à l'économie de marché. Il s'agit d'un capitalisme financiarisé qui n'est pas favorable aux travailleurs. Son objectif consiste à maximiser les bénéfices, quitte à licencier ou remplacer les employés par des robots. Si les coûts de production augmentent, comme cela a été le cas en ce qui concerne l'énergie à la suite de la pandémie et de la guerre en Ukraine, les entreprises coupent ailleurs: pour garder les dividendes des actionnaires, elles vont licencier.

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