Coutumier de la menace, Donald Trump en a fait une arme sur le plan politique, mais également économique. Avec ses décisions qui fusent, le président américain se soucie bien moins de l'application de ses mesures que de l'impact qu'ont ses menaces sur le plan international.
Du point de vue des droits de douane, Trump pousse les partenaires commerciaux à céder, puis à le suivre. En bon «faiseur de deals», Trump veut pousser les entreprises à investir davantage aux Etats-Unis. Y compris les géants suisses de la pharma.
Mardi, alors que Donald Trump s'exprimait devant la presse depuis sa luxueuse propriété de Mar-a-Lago, le président des Etats-Unis a annoncé qu'il taxerait les voitures, les puces informatiques et les médicaments avec des droits de douane «de près de 25%». Pour éviter ces taxes, les entreprises devront se décider à produire aux Etats-Unis.
Donald Trump n'a pas précisé quelles régions du monde seront touchées par ce régime, et en dira plus le 2 avril. Il a déclaré vouloir augmenter progressivement les mesures, et donner aux fabricants le temps de délocaliser leur production aux Etats-Unis.
Jusqu'ici, le gouvernement américain a imposé des droits de douane supplémentaires de 10% sur les produits chinois. Trump souhaite également augmenter les droits de douane partout où les Etats-Unis taxent moins que les autres pays.
Les mois à venir montreront ce qui relève de la menace et ce qui tient de la démarche sérieuse de Trump. Une chose est sûre, si le président américain décidait d'appliquer les droits de douane sur les produits pharmaceutiques suisses, cela aurait des conséquences dramatiques pour les entreprises helvétiques:
C'est ce qu'a récemment souligné René Buholzer, directeur d'Interpharma, lors d'une conférence de presse. Pour que cela reste le cas, il faut «des relations stables et réglementées avec les principaux marchés».
Plus de la moitié des exportations suisses vers l'Amérique concernent des produits chimiques et pharmaceutiques. Jusqu'à présent, ils peuvent être exportés sans droits de douane. Un coup de massue tarifaire de 25% serait donc très douloureux. «Une telle évolution ne serait ni dans l'intérêt des Etats-Unis ni dans celui de la Suisse», a déclaré un porte-parole du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) à CH Media.
On peut constater l'importance du marché américain en observant Roche et Novartis. Les deux géants pharmaceutiques bâlois réalisent entre 40 et 50% de leur chiffre d'affaires outre-Atlantique. Les deux groupes font de la recherche et produisent aux Etats-Unis, et ils y emploient des dizaines de milliers de personnes. Cela leur permettra-t-il d'échapper aux droits de douane?
En janvier, on se voulait encore optimiste chez Roche. Donald Trump est «très soucieux de la croissance économique», indiquait le patron de l'entreprise pharmaceutique, Thomas Schinecker, lors de la conférence de presse de bilan. «Et la pharmacologie est l'une des industries de pointe pour atteindre cet objectif.»
Mardi, Donald Trump a clairement inclus les médicaments dans sa politique douanière. Mercredi, une porte-parole de Roche a déclaré:
Chez Novartis, on souligne que «les droits de douane n'ont pas été appliqués aux médicaments par le passé». De telles barrières commerciales pourraient empêcher des patients d'avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin.
Le Seco affirme lui aussi suivre «de près» la politique douanière de Trump, et «analyser les conséquences possibles pour l'économie suisse». Il s'agit notamment d'évaluer les dommages potentiels. «Ces travaux sont actuellement en cours avec la plus haute priorité». Et quid de l'usage de la puissance diplomatique de la Suisse pour dissuader Trump de mener sa guerre commerciale? Le Seco répond:
Traduit et adapté par Joel Espi