Les réactions sur les marchés financiers envoient un signal clair: les investisseurs partent majoritairement du principe qu'un deuxième mandat de Donald Trump ressemblera à sa première investiture. C'est en tout cas ce qu'écrit l'agence de presse Bloomberg. On s'attend à de nombreuses mesures de dérégulation, à des baisses d'impôts et à des augmentations des droits de douane pour protéger les Etats-Unis. Trump va ainsi stimuler la croissance économique et les bénéfices des entreprises, mais aussi l'inflation.
L'ancien patron de Crédit Suisse et de l'UBS Oswald Grübel a une manière bien à lui de décrire le futur président dans le podcast «Geldcast»:
Mais il reconnaît toutefois que Donald Trump en connaît un rayon en économie, contrairement à Kamala Harris. Et Oswald Grübel n'est visiblement pas le seul à avoir cette opinion.
Les investisseurs semblent penser que Trump est un atout pour les marchés boursiers. Spécialement pour la réduction espérée des réglementations. Les cours avant l'élection étaient tous à la hausse aux Etats-Unis. Et lorsque Trump a été annoncé gagnant, les places boursières européennes se sont laissé gagner par la bonne humeur. En Suisse, l'indice directeur SMI a brièvement repassé le seuil des 12 000 points avant de retomber à son niveau de la veille. Wall Street a également démarré avec le sourire. Dès le début, l'indice Dow Jones a progressé de plus de 3%.
Avec Trump, Elon Musk est également sorti vainqueur de ces élections. Dans son discours de victoire, le président fraîchement élu a même consacré plusieurs minutes au milliardaire de la technologie:
Musk avait fait don de près de 118 millions de dollars à un super-PAC pro-Trump et est devenu l'un des plus fervents partisans de Trump.
Musk a maintenant pu récolter les fruits de son militantisme excité: les actions de Tesla ont bondi de 13%. L'homme le plus riche du monde, avec une fortune estimée à 260 milliards de dollars, s'est ainsi enrichi de quelques milliards supplémentaires. Les actions du groupe Media & Technology de Trump ont également connu une forte hausse. Elles ont progressé de 27% dans les échanges avant bourse.
Le bitcoin a grimpé de 9% et a franchi entre-temps la barre des 75 000 dollars, un nouveau record pour la monnaie virtuelle. Trump avait déclaré vouloir faire des Etats-Unis la «capitale mondiale des cryptomonnaies» et a promis de créer une «réserve stratégique de Bitcoin».
Le dollar s'est apprécié par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Le peso mexicain, par exemple, s'est effondré face au dollar, tombant à son niveau le plus bas de cette année. La crainte que d'éventuels droits de douane imposés par Trump ne freinent la demande pour les exportations mexicaines et donc pour la monnaie mexicaine explique sans doute ce recul.
Le dollar s'est également renforcé par rapport à l'euro et au franc suisse.
Selon les experts, si les républicains obtenaient la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants, ils auraient les mains libres pour de nouvelles baisses d'impôts et des dépenses publiques élevées. Cela aurait «des conséquences dramatiques sur le marché mondial des obligations», constate l'expert en marchés financiers John Authers, dans les colonnes de Bloomberg. Car des dettes publiques plus élevées feraient à nouveau grimper les taux d'intérêt outre-Atlantique, alors que l'inflation semblait tout juste passée et que la banque centrale américaine (Fed) venait d'amorcer une baisse des taux d'intérêt.
Les premiers signes d'une hausse des taux sont d'ores et déjà visibles. La hausse des taux d'intérêt sur les emprunts d'Etat américains a été «épique» et massive ces derniers jours, enchaîne John Authers. Ainsi, les taux des emprunts d'Etat à 10 ans ont augmenté de près d'un cinquième. Il s'agit de la plus forte hausse journalière depuis septembre 2022, lorsque le marché des emprunts d'Etat s'était rebellé pour la dernière fois contre un gouvernement: à l'époque, il s'agissait du gouvernement britannique de Liz Truss. Elle avait dû démissionner peu après.
Il se peut que les taux d'intérêt américains baissent bientôt. En revanche, il est également possible qu'il y ait «une confrontation entre le marché obligataire et la nouvelle administration Trump». En d'autres termes, si les marchés en ont trop fait pour la dette, ils pourraient exiger des taux d'intérêt plus élevés pour leur argent, par sécurité. A un moment donné, les taux d'intérêt grimperaient si haut que le gouvernement Trump devrait céder, revenir à une gestion plus solide et s'endetter moins.
Les marchés s'attendent en outre à ce que l'inflation reparte à la hausse sous Trump. Les droits de douane qu'il prévoit de mettre en place vont renchérir les importations de marchandises étrangères. Ces majorations de coûts devraient alors être répercutées par les entreprises sur les consommateurs. Une inflation plus élevée pourrait à son tour empêcher la Réserve fédérale américaine (Fed) d'abaisser ses taux directeurs comme prévu.
Les marchés financiers ont adapté leurs attentes en conséquence. Aujourd'hui déjà, ils ne s'attendent plus à ce que les taux directeurs s'élèvent encore à 2,75% vers la fin 2025. Ils s'attendent désormais à plus de 3,75%. Des banques comme Goldman Sachs pensent en revanche que Trump fera preuve de retenue et n'imposera des droits de douane que sur les marchandises chinoises. La hausse de l'inflation serait alors moins importante, ce qui ne devrait pas empêcher la Fed de baisser ses taux directeurs.
En résumé, on peut donc retenir ceci: avec la majorité du Congrès, Trump devrait pouvoir placer ses projets de baisse d'impôts en tête de l'agenda. A court terme, cela devrait stimuler l'économie américaine et avoir des répercussions positives sur la conjoncture mondiale, comme le constate également Heiner Mikosch du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPF Zurich.
Mais l'économiste du KOF met en garde: à moyen terme, les plans de Trump «devraient encore plus déstabiliser la politique budgétaire des Etats-Unis, qui n'est déjà pas durable depuis un certain temps». Non sans risque: l'économie pourrait surchauffer, l'inflation revenir, le dollar américain se déprécier nettement et les primes de risque augmenter fortement sur les marchés financiers.
Mercredi, en soirée, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s'inquiétait de l'arrivée du républicain au pouvoir, prétextant qu'il «augmente les risques pour l'économie mondiale». Et de préciser qu'une administration Trump entrainera «probablement plus de protectionnisme», «ce qui signifie plus d'inflation, au moins aux Etats-Unis, et à priori moins de croissance partout dans le monde».