Alors que l'Europe s'agite à propos de l'absence de livraisons de gaz et pense avec inquiétude à l'hiver, l'économie russe semble jusqu'à présent bien supporter les sanctions occidentales. Mais des économistes de la célèbre université américaine de Yale mettent en garde contre la confiance à accorder aux chiffres officiels de Moscou.
«Depuis l'invasion de l'Ukraine, le Kremlin passe de plus en plus souvent sous silence les données économiques défavorables et publie surtout celles qui soutiennent sa ligne», écrivent les chercheurs dans la revue spécialisée Social Science Research Network. Et d'ajouter:
Pour leur étude, les spécialistes ont rassemblé des informations qui ne sont pas publiées par l'Etat russe: des données sur le trafic maritime et la consommation individuelle, mais aussi des estimations des partenaires commerciaux internationaux de la Russie et des commissaires aux comptes. «Il ressort de l'analyse de ces données que le retrait des entreprises internationales et les sanctions ont un effet dévastateur sur l'économie russe», écrivent les chercheurs.
Ainsi, la production nationale en Russie serait «complètement à l'arrêt» et n'aurait pas les capacités de remplacer «les entreprises, les produits et les talents perdus». Les plus de 1000 entreprises étrangères qui ont quitté le pays auraient jusqu'à présent contribué à elles seules à environ 40% du produit intérieur brut russe.
Le retrait de McDonald's et autres coûterait à la Russie presque autant que les investissements étrangers dans le pays au cours des trois dernières décennies.
Le rôle stratégiquement important de la Russie en tant qu'exportateur de matières premières est également «irrémédiablement perdu»: après avoir perdu son principal marché de gaz naturel à l'Ouest, le pays doit désormais faire du commerce en position de faiblesse et se trouve confronté à d'énormes problèmes dans la réorientation de ses exportations d'énergie vers l'Asie.
De plus, les importations vers la Russie se sont «largement effondrées», malgré certaines failles dans les sanctions. Le manque de composants et de technologies importants entraîne de gros problèmes d'approvisionnement dans l'économie nationale, peut-on lire dans l'étude.
Vladimir Poutine a été contraint de masquer les faiblesses structurelles de l'économie nationale avec de l'argent public et a ainsi fait passer le budget dans le rouge pour la première fois depuis des années. Dans le même temps, les réserves russes en dollars américains et en euros continuent de diminuer malgré les prix élevés de l'énergie. Pour les chercheurs:
Et Poutine ne doit pas espérer être sauvé par le marché financier national.
«Aucun marché financier au monde ne se développe actuellement aussi mal que le marché russe et l'exclusion des flux financiers internationaux limite les possibilités de l'Etat d'injecter de l'argent dont il a un besoin urgent dans l'économie chancelante», poursuit l'étude.
Les chercheurs déduisent également de leurs conclusions des recommandations d'action politique: «Tant que les gouvernements occidentaux resteront unis et maintiendront la pression des sanctions, la Russie ne pourra pas sortir de son déclin économique dans un avenir prévisible».