C'est la seule véritable bière d'abbaye suisse: l'abbaye de Saint-Maurice, un monastère de plus de 1500 ans de tradition dans le canton du Valais, fait brasser plusieurs sortes de bières depuis 2019. Les chanoines ont investi environ un million de francs dans ce projet. L'abbaye est l'unique actionnaire de la brasserie.
Ces derniers mois, le scandale des abus sexuels dans l'Eglise catholique a fait les gros titres. En septembre, l'abbé Jean Scarcella s'est momentanément retiré. Il est accusé d'abus sexuels. En novembre, une enquête de la Radio Télévision Suisse Romande (RTS) a révélé que neuf chanoines avaient commis des abus sexuels dans le passé.
Les affres du passé ternissent désormais les activités économiques du monastère. Le distributeur de boissons Amstein a banni les bières de l'abbaye de son assortiment, comme l'a rapporté 24 heures en décembre. Pour le gérant, l'abbaye ne ferait pas assez preuve d'autocritique.
Mardi, on a appris que Coop avait, elle aussi, retiré de ses rayons les bières – parce qu'elle ne veut pas être associée à un fournisseur impliqué dans un scandale d'abus.
Le porte-parole de Coop, Caspar Frey, a confirmé à CH Media les résultats d'une enquête de la RTS. Les bières d'abbaye étaient disponibles dans plusieurs points de vente dans les cantons de Vaud et du Valais. Coop aurait parfois reçu des réactions négatives de la part de ses clients. L'enseigne bat-elle en retraite uniquement par crainte de se faire dézinguer sur les réseaux sociaux? Le porte-parole réagit:
Coop n'est pas le premier détaillant à se séparer d'un fournisseur par crainte de réactions négatives. Il y a trois ans et demi, Migros a retiré de son assortiment les «têtes de Maures» («Mohrenköpfe») de l'entreprise Dubler. Le géant orange réagissait ainsi aux critiques de ses clients agacés par ce nom sur les médias sociaux. Les entreprises semblent vouloir faire dans le «politiquement correct».
Bernhard Bauhofer est gestionnaire de réputation et conseiller d'entreprise. A l'époque, il avait critiqué la décision de Migros de bannir de ses rayons les confiseries de l'entreprise Dubler par crainte d'une tempête de critiques, la jugeant trop hâtive. Dans le cas des bières d'abbaye, il estime que c'est différent:
Il y a par exemple le risque que le détaillant soit mis au pilori sur les réseaux sociaux et que sa réputation en pâtisse – parce que le fournisseur de bière est associé à un comportement potentiellement pénalement répréhensible. Dans le cas des «têtes de Maures», en revanche, il s'agit d'un nom établi depuis des générations. C'est pourquoi les deux cas sont différents.
De son côté, comment la brasserie réagit-elle à la mesure prise par Coop? «Je comprends tout à fait cette décision», déclare le président du conseil d'administration Pierre-Alain Cardinaux. Selon lui, il est clair qu'un grand distributeur comme Coop doit avoir des fournisseurs irréprochables. Il reconnaît que l'abbaye a fait l'objet de critiques dans les médias, mais trouve toutefois un peu malheureux de mélanger la commercialisation des bières avec des aspects dont il n'est pas responsable.
En 2022, la brasserie de l'abbaye produisait 150 000 bouteilles de bière, mais en raison d'une réorganisation, le volume est tombé à 50 000 l'année dernière. Malgré la décision de Coop, Pierre-Alain Cardinaux reste confiant:
Il est toujours possible de les acheter et de les boire dans de nombreux magasins et restaurants de la région. Le président veut bientôt lancer une nouvelle bière de qualité. Elle sera produite par un nouveau brasseur dans une ancienne cave à vin de l'abbaye, à Bex.