C'est une façon inhabituelle d'annoncer la fin de la plus longue guerre des Etats-Unis. Le commandant en chef des forces armées américaines, le président Joe Biden, ne l'a pas fait lui-même lundi, mais a envoyé l'un de ses principaux généraux. Retour sur les faits 👇.
Lors d'une discussion vidéo laconique avec des journalistes au Pentagone, lundi après-midi (cette nuit en Suisse), le général Kenneth McKenzie, le commandant américain en charge de la région, a prononcé cette phrase capitale:
Après presque 20 ans, cela marque la fin de la campagne militaire des Etats-Unis et de leurs alliés dans ce pays. La fin aussi de la mission d'évacuation militaire des deux dernières semaines.
L'Afghanistan se dirige à nouveau vers un avenir incertain. On ne sait pas ce qu'il adviendra de ceux qui n'ont pas pu obtenir un siège dans l'un des avions d'évacuation militaire.
Lundi, à minuit moins une heure de Kaboul, le dernier avion militaire américain C-17 a décollé de l'aéroport de la capitale Kaboul, selon McKenzie. Pour des raisons de sécurité, les Américains avaient jusqu'alors gardé le silence sur la manière dont se déroulerait exactement le délicat retrait de leurs tout derniers soldats. La situation sécuritaire a été précaire jusqu'à la fin: peu avant le retrait, la branche afghane de la milice terroriste de l'Etat islamique (EI ou Daech) avait tiré des roquettes sur l'aéroport de Kaboul.
Ce n'est qu'après que le dernier avion militaire américain eut quitté l'espace aérien afghan que le Pentagone a publié une photo du «dernier soldat américain» quittant le pays. La photo – prise avec un équipement de vision nocturne – montre le major général Chris Donahue montant à bord du dernier C-17 👆.
Kenneth McKenzie a souligné qu'il n'y avait plus un seul soldat américain en Afghanistan. Mais il a admis qu'il n'avait pas été possible de faire sortir par avion toutes les personnes à mettre en sécurité.
Il a expliqué qu'il y aurait eu la possibilité d'évacuer davantage de citoyens américains jusqu'au dernier moment. Mais certains ne se seraient pas rendus à l'aéroport.
Selon les estimations du département d'Etat américain, il y a encore entre 100 et 200 Américains en Afghanistan qui souhaitent quitter le pays. Joe Biden avait promis à tous les citoyens américains prêts à partir de les faire sortir d'Afghanistan.
Après la conclusion du retrait des troupes, le président et son secrétaire d'Etat, Antony Blinken, ont assuré que le gouvernement américain continuerait à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour faire sortir du pays les Américains restés sur place, mais aussi les autres étrangers ainsi que les Afghans ayant besoin de protection, mais par des moyens diplomatiques plutôt que militaires. Cependant, la manière exacte dont cela doit être fait n'est pas claire.
Après la prise du pouvoir par les talibans, mi-août, les Etats-Unis et leurs partenaires internationaux ont commencé leur mission d'évacuation militaire. McKenzie a indiqué que pendant cette période, l'armée américaine avait évacué plus de 79 000 civils, dont environ 6000 Américains. Ensemble, les Etats-Unis et leurs alliés ont fait sortir plus de 123 000 personnes du pays. Cependant, il y a encore des dizaines de milliers de personnes en Afghanistan qui tentent de fuir les talibans et la plupart d'entre elles Afghans.
Antony Blinken (en image ci-dessous 👇) a souligné:
Toutefois, celle-ci devra être gérée à distance: avec le retrait des troupes américaines, les Etats-Unis ont également renoncé à leur présence diplomatique en Afghanistan.
A bord du dernier avion militaire se trouvait Ross Wilson, l'ancien ambassadeur américain en Afghanistan. Blinken a déclaré que les Etats-Unis avaient désormais transféré leurs activités diplomatiques à Doha, capitale du Qatar.
Dans un premier temps, le président américain n'a fait qu'une déclaration écrite dans laquelle il a à nouveau défendu sa décision controversée de retirer ses troupes. Ce n'est que pour ce mardi que Joe Biden (ici en image 👇) a annoncé un discours à la nation.
Le fait que le commandant en chef n'annonce pas lui-même un moment aussi historique – la fin d'un déploiement très douloureux pour les Etats-Unis qui s'est étalé sur les mandats de quatre présidents – est significatif. Biden a fait l'objet de vives critiques face à ce retrait chaotique. La débâcle en Afghanistan est la plus grande crise de politique étrangère de sa présidence jusqu'à présent.
Pour rappel, le démocrate avait annoncé en avril que tous les soldats américains seraient retirés sans condition d'Afghanistan au plus tard le 11 septembre – date du 20e anniversaire des attentats de 2001. A la suite de l'annonce de Joe Biden, l'Otan a annoncé qu'elle mettait fin à l'ensemble de la mission internationale en Afghanistan. En juillet, Biden a finalement avancé la date du retrait complet au 31 août.
Les talibans ont réagi avec jubilation au départ des Américains. Le porte-parole des talibans, Sabiullah Mujahid, a écrit sur Twitter que le pays avait désormais acquis une indépendance totale.
Anas Hakkani a tweeté : «Nous faisons à nouveau l'histoire. L'occupation de l'Afghanistan pendant 20 ans par les Etats-Unis et l'Otan a pris fin ce soir. Dieu est grand.» (jah avec ats)