L'ONU avertit les talibans que les droits des femmes afghanes constituent «une ligne rouge» à ne pas franchir. Le Conseil des droits de l'homme a entamé mardi à Genève une session spéciale. Un projet de résolution ne prévoit pas de mécanisme d'investigation.
Ces dernières semaines, l'avancée rapide des talibans s'est accompagnée d'accusations d'exécutions sommaires, de viols et d'autres violations des droits humains. L'ONU a reçu des «indications crédibles», a affirmé devant le Conseil la Haute commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet.
De «graves violations» ont eu lieu, a estimé de son côté celui qui est toujours l'ambassadeur afghan à l'ONU à Genève, Nasir Andisha, opposé aux talibans. Alors que «des millions de personnes» sont en danger, «il pourrait y avoir une solution militaire, même de courte durée», a-t-il ajouté, appelant encore les autres pays à accueillir les Afghans qui réussissent à fuir.
Intervenant pour tous ses collègues, l'une des dizaines d'experts indépendants de l'ONU, qui ne s'expriment pas au nom de l'organisation, a mentionné de possibles «crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre» ces dernières semaines. De début janvier à fin juin, le nombre de victimes civiles a progressé de 50%. Il ne fait aucun doute qu'il a encore augmenté depuis début juillet, a aussi dit Mme Bachelet.
Millions de déplacés
Avec l'arrivée des talibans, «il y a d'importantes craintes» pour les femmes, les travailleurs des médias, les membres des minorités et les représentants de la vie civile. La Chilienne a relevé que les nouveaux gouvernants avaient fait des promesses sur les droits humains. «A charge pour les talibans de convertir leurs engagements dans la réalité», dit-elle.
Outre les garanties sur les libertés, elle fait de la situation des femmes «une ligne rouge» pour la communauté internationale. Celles-ci constituaient plus d'un quart des parlementaires et 20% des fonctionnaires. Elles doivent continuer à siéger au gouvernement, de même que des représentants des minorités, ajoute la Haute commissaire.
Elle appelle aussi les talibans à garantir l'assistance humanitaire. En un an, le nombre de personnes qui ont besoin d'aide a doublé à 18 millions. Au total, plus de 3,5 millions sont déplacées. La situation devrait encore se détériorer. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a pu acheminer 600 tonnes de nourriture et assister des dizaines de milliers de personnes en une semaine, a dit à la presse une responsable de l'agence onusienne.
Tranchant avec la plupart des appels, la Chine s'en est elle prise devant le Conseil aux Etats-Unis. Elle souhaite que leurs militaires, de même que ceux d'autres pays, soient rendus responsables de leurs violations des droits humains. Son ambassadeur a relevé les engagements des talibans et estimé qu'il fallait rétablir «l'ordre» en Afghanistan.
Soutenue par la Suisse
Un projet de résolution doit être discuté dans l'après-midi par les 47 Etats de l'instance onusienne lors de cette 31e session spéciale soutenue par de nombreux pays, dont la Suisse qui n'est actuellement pas membre. Il souligne le «besoin» d'une investigation rapide sur toutes les accusations de violations des droits humains et du droit international humanitaire (DIH). Sans pour autant prévoir de lancer un mécanisme international pour mener celle-ci.
Mme Bachelet, qui souhaitait pourtant un mécanisme sur l'Afghanistan, devrait seulement rendre un rapport à l'instance onusienne dans six mois et le projet ne fait qu'exprimer une «grave inquiétude» sur les abus perpétrés. L'Afghanistan a la responsabilité de garantir des investigations «crédibles» et «indépendantes», a fait remarquer la Suisse, appelant les Etats concernés à collaborer avec la Cour pénale internationale (CPI).
Autre indication, les talibans ne sont pas mentionnés une seule fois dans le projet. En appelant aux autres Etats, l'ambassadeur afghan a souhaité que la réunion puisse «envoyer un message fort» sur le fait que les violations des droits humains «auront des conséquences».
De nombreuses ONG avaient appelé à une investigation internationale. Sans attendre, a demandé le directeur exécutif d'Human Rights Watch (HRW) Kenneth Roth. Le projet de résolution est «très décevant», ont déploré une rapporteuse spéciale, qui demande un plan pour protéger les femmes afghanes, ou encore une militante afghane des droits humains.