Le gouvernement du président Emmanuel Macron a bien résisté, lundi soir, à un vote de censure à l'Assemblée nationale. Compte tenu de l'abstention des conservateurs, la gauche et la droite populiste n'ont réuni que 239 voix, alors qu'il en fallait 289. Cette décision permet au gouvernement de publier dans le Journal officiel les premiers décrets relatifs au relèvement de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans. La réforme devrait entrer en vigueur le 1er septembre.
L'épilogue probable de ce qui restera la contestation sociale la plus dure que la France ait connue au cours de ce siècle.
Emmanuel Macron a finalement réussi à faire passer le projet le plus important de son mandat de dix ans. En avril encore, les choses allaient de mal en pi. Plus d'un million de personnes étaient descendues dans la rue pour protester contre la réforme des retraites; les médias parisiens titraient déjà que «La survie politique de Macron est remise en question».
Depuis, les critiques se sont multipliées contre les violences commises lors des manifestations de protestation, au cours desquelles plus d'un millier de policiers et de pompiers ont été blessés. Le tournant a probablement été l'attaque par des gilets jaunes d'un magasin de chocolat à Amiens, appartenant à la famille de Brigitte, l'épouse de Macron. On suppose donc que le chef de l'Etat était visé — mais seul un membre de la famille Trogneux a été malmené.
Les opposants à la réforme se sont ainsi aliénés de nombreuses sympathies. Le retraité Claude Dufresnoy avait encore été applaudi dans tout le pays lorsqu'il avait brandi une affiche sur laquelle on pouvait lire «Macron, tu peux aller te faire foutre» — et avait ensuite été condamné à suivre un cours de citoyenneté. Devant le tribunal, l'homme de 77 ans a expliqué qu'il avait lui-même voté pour Macron en 2017, «pour que les choses changent».
Désormais, la France a en effet changé — mais pas forcément comme le souhaitait le citoyen Dufresnoy.
Même Dominique Strauss-Kahn, l'ancien chef du Fonds monétaire, déchu suite à une affaire sexuelle, y est allé de son commentaire sur Twitter: «La France est dans un triste état».«On ne peut pas imposer à un pays une réforme que les trois quarts des gens rejettent».
Macron s'est imposé face à des citoyens récalcitrants dans un pays considéré comme irréformable. Sa fermeté en a surpris plus d'un, à commencer par Jean-Luc Mélenchon. L'Insoumis copieusement a insulté le président sur les médias sociaux, allant jusqu'à le «maudire».
Finalement, le chef de la gauche se retrouve tout aussi perdant. Ses revendications sur la journée de six heures, la semaine de quatre jours et la retraite à 60 ans étaient même trop radicales pour de nombreux opposants à la réforme de Macron. D'autant qu'au sein de l'alliance Nupes, des voix isolées comme celle de l'écologiste Sandrine Rousseau ont plaidé contre la réforme des retraites et pour un «droit à la paresse».
La défaite de Mélenchon est d'autant plus frappante que son adversaire à l'autre bout de l'échiquier politique, Marine Le Pen, a marqué de gros points dans le débat sur les retraites et qu'elle est déjà donnée pour la présidentielle de 2027. Avec son style volontairement réservé et artificiellement discret, elle correspondait mieux que Mélenchon à l'état d'esprit du pays: elle a beau s'opposer à la réforme initiée par Macron, elle refuse d'ajouter aux crises actuelles - l'inflation ou l'Ukraine-, un soulèvement populaire comme celui auquel appelait Mélenchon.
Macron n'a pas non plus de raison de se réjouir, ni même de se contenter tranquillement d'avoir fait passer «sa» réforme. Le mécontentement en France reste énorme et le président relativement impopulaire, même si sa cote de popularité remonte légèrement. Il n'a plus de majorité à l'Assemblée nationale depuis 2022.
Ses adversaires politiques, de la gauche à l'extrême droite, n'attendent qu'une chose: prendre leur revanche. Isolé politiquement, Macron doit s'estimer heureux de survivre aux quatre dernières années de son mandat actuel.
Un peuple contre son président: cette constellation est probablement le prix que Macron devra payer jusqu'aux élections de 2027 pour sa réforme des retraites. Une bataille d'usure de quatre ans l'attend.
(Traduit et adapté par Noëline Flippe)