«La corruption est profondément enracinée dans la société ukrainienne»
A l'heure actuelle, peu de choses laissent présager la fin de la guerre. Il est, toutefois, important de réfléchir dès aujourd'hui à la reconstruction et à ce qu'elle implique.
Une formation pour rebâtir l'Ukraine
C'est notamment la mission que s'est donné la Haute école spécialisée bernoise en proposant un «CAS reconstruction de l'Ukraine», un cours de formation qui s'adresse aux femmes ayant fui l'Ukraine, aux Ukrainiens vivant depuis longtemps en Suisse, ainsi qu'aux membres d'organisations d'aide qui participeront à la reconstruction.
Parmi les questions abordées: la manière de gérer la corruption dans le pays. Ce module sera dispensé par Michael Derrer. Le sociologue économique, qui connait bien l'Ukraine, effectue des recherches sur le sujet depuis plus de 15 ans. Il a évalué la littérature scientifique et mené des entretiens avec des hommes d'affaires, des représentants des autorités anti-corruption ukrainiennes et des experts en matière de corruption entre août 2021 et janvier 2022. Son constat?
Selon lui, il est important de connaître ces mécanismes et d'en tenir compte dans les mesures d'aide à la reconstruction ainsi que dans l'intégration de l'Ukraine dans la communauté des Etats européens. Il en est convaincu: «Sinon, le projet d'intégration fera naufrage et les mesures d'aide n'arriveront pas là où elles sont nécessaires».
Mais Michael Derrer sait aussi que «pour éliminer la corruption du système, il faut un changement fondamental dans la société».
Le thème de la corruption est actuellement très politisé, notamment en raison de la guerre. «C'est dommage, car cela n'aide personne», regrette-t-il. On juge et condamne trop vite, «mais cela ne nous fait pas avancer d'un pouce».
Il n'y a pas de recettes faciles
Trois résultats ont étonné le sociologue économique dans ses recherches. Tout d'abord, l'immense complexité du sujet. «La corruption est dans la tête des gens et dans les structures, et il n'y a donc pas de recettes simples pour la combattre». Des recettes simples auraient, au contraire, tendance à aggraver la situation.
Deuxièmement, il a été surpris par la capacité de transformation et d'adaptation de la corruption. «Il existe de nombreuses voies, généralement tortueuses et tellement intégrées au système que les mécanismes de corruption sont difficilement identifiables.» En revanche, le classique, c'est-à-dire la remise d'argent dans une valise, n'existe guère:
Troisièmement, il estime qu'il est important de faire la distinction entre deux types de corruption. D'un côté, il voit la corruption de pouvoir, qui vient d'en haut – par exemple par le biais de lois vénales – et de l'autre, la petite corruption, qui est également à l'ordre du jour en Ukraine. Derrer cite un exemple:
Les bases théoriques
Michael Derrer a connu de nombreux exemples de ce type au cours des 30 dernières années, pendant lesquelles il a géré des projets économiques en Ukraine.
C'est ce qu'il veut transmettre aux participants du module CAS et leur donner ainsi les bases théoriques pour planifier des concepts d'aide et des mesures de reconstruction qui tiennent compte de la corruption et y font face.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)