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La sortie de Trump de l'Otan serait un problème pour l'Europe

Le président américain Donald J. Trump (G) et le président russe Vladimir Poutine (D) se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe dans la salle d'État du palais présidentiel ...
Le président américain Donald J. Trump (G) et le président russe Vladimir Poutine (D), à Helsinki, le 16 juillet 2018.Image: EPA COMPIC
Analyse

L'Europe peut-elle survivre sans les Etats-Unis?

Avec le retour de l’ère Trump, le Vieux Continent doit trouver des solutions rapides à ses problèmes militaires et face à la Russie.
01.12.2024, 16:01
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Tout le monde le sait, et ça ne date pas d’hier: si Donald Trump redevient président des Etats-Unis, l’Europe devra sérieusement se préparer à défendre ses arrières. Le débat fait déjà rage dans les sphères politiques et militaires depuis un moment.

Pourtant, comme le souligne une analyse du Financial Times: «jusqu’à présent, les paroles n’ont pas été suivies d’actions». Un haut responsable européen de la sécurité, cité par le journal, va même plus loin:

«Peu importe comment on aborde la question, les Européens devront porter une part plus importante du fardeau de la défense. La seule question est de savoir si ce sera un processus ordonné ou chaotique.»

Trump et les risques pour l’Europe

Un des acteurs qui va sûrement devoir s’attaquer à ce problème est Norbert Röttgen. Sans doute peu connu en Suisse romande, ce politicien influent de la CDU (conservateur) et expert en défense est pressenti pour jouer un rôle clé dans la prochaine coalition gouvernementale allemande après les élections de février. Intervenant dans un article de Foreign Affairs, il met en garde:

«Le plus grand risque est que Trump cherche un accord de cessez-le-feu avec Vladimir Poutine. Le Russe sait que l'Américain subira une énorme pression intérieure pour conclure un tel accord – une contrainte que Poutine ne partage pas. Cette asymétrie donne un avantage à ce dernier, ce qui rend improbable qu’un tel accord garantisse à l’Ukraine – et à l’Europe – une sécurité suffisante pour prévenir de futures agressions russes. Si Washington venait à approuver les objectifs de guerre de Moscou, cela mettrait en doute la crédibilité de l’Otan et ébranlerait les fondations mêmes de la sécurité européenne.»
epa08884251 Candidatesfor the chairmanship of the Christian Democrats Union (CDU) party, Norbert Röttgen, in an online video talk format in which questions from CDU members are answered live from the  ...
Norbert Röttgen.Image: keystone

L’Europe face à ses propres faiblesses

La sécurité du continent repose aujourd’hui largement sur l’Otan, une organisation qui, sans les Américains, s’apparente à un tigre de papier. Même si les pays membres s’engagent enfin à respecter leurs obligations financières – à savoir investir au moins 2% de leur PIB dans la défense –, les problèmes restent énormes.

D’abord, la dépendance envers les Etats-Unis est colossale. Une grande partie des équipements, comme le célèbre avion de chasse F-35 – acheté d'ailleurs par la Suisse – ou l’avion de transport C-17 (capable de transporter 75 tonnes sur 4500 kilomètres, au prix modeste de 340 millions de dollars), vient d’outre-Atlantique.

epa11615063 An Australian Air Force F-35 fighter jet performs during the Bali International Air Show in Bali, Indonesia, 20 September 2024. The Bali International Air Show runs at Ngurah Rai Internati ...
Un F-35.Image: keystone

Ensuite, les systèmes d’armement européens souffrent d'un énorme manque d'uniformisation. Tandis que les Américains se débrouillent avec 32 types de systèmes différents, l’Europe en compte… 172, selon une étude de McKinsey. Même dans un domaine clé comme les munitions de 155 mm, cruciales dans la guerre en Ukraine, il existe plus d’une douzaine de standards différents.

Pierroberto Folgiero, patron du géant italien de l’armement Fincantieri, l’a bien résumé dans le Financial Times:

«Il faut défragmenter l’industrie européenne de la défense. Il y a trop de plateformes»

Mais voilà, le secteur est en plein essor et chaque pays défend ses «champions nationaux», explique l'Italien. Pourquoi fusionner quand le business fonctionne à fond? «Cela demandera une volonté politique immense», ajoute-t-il.

Qui pilotera l’Europe militaire?

La question de savoir qui prendra les rênes de l’Otan en cas de retrait américain, même partiel, reste entière. Jusqu’ici, les Etats-Unis étaient le chef incontesté de l'organisation et son principal bailleur. Mais sans eux, une bataille pour le leadership européen pourrait éclater.

Edward Stringer, ancien maréchal de la Royal Air Force britannique, prévient dans le Financial Times:

«Pouvez-vous imaginer que Macron se soumettra au premier ministre polonais Donald Tusk, ou l'inverse? L'hégémonie militaire des Etats-Unis a, jusqu'à présent, permis d’éviter ce genre de conflits.»

Un problème de financement

Enfin, il y a l’épineuse question de l’argent. L'Allemand Norbert Röttgen rappelle que l’Union européenne à les moyens économiques pour rivaliser avec la Russie – après tout, son PIB est plus de dix fois supérieur à celui de Moscou. Mais ce qui manque cruellement, selon lui, c’est une vraie volonté politique.

Les euro-obligations, comme celles utilisées pendant la crise du Covid pour mutualiser les dettes, pourraient être une solution. Pourtant, les Pays-Bas et l’Allemagne s’opposent farouchement à ces «Eurobonds», qu’ils considèrent comme un instrument diabolique.

Que sont les euro-obligations?
Ces titres financiers seraient émis et garantis par des institutions ou Etats européens, avec une ouverture à la souscription publique. Leur principal objectif: mutualiser les dettes publiques. L'Allemagne et d'autres s'y oppose fermement. Ces pays estiment que les euro-obligations ne sont pas adaptées pour stabiliser l'Europe, car elles réduisent la pression sur les Etats européens qui doivent se réformer et affaiblissent la discipline des marchés.
General Christopher Cavoli, Supreme Allied Commander Europe, speaks during an event at the Council on Foreign Relations in New York, Thursday, Aug. 15, 2024. (AP Photo/Seth Wenig)
Christopher Cavoli
Christopher Cavoli.Image: keystone

Peu importe comment on finance tout ça, une chose est sûre: même si la guerre en Ukraine s’arrêtait demain (et c’est un énorme «si»), le problème resterait. L’Europe doit apprendre à se défendre seule. Espérer que la Russie reste affaiblie pendant des décennies est une illusion dangereuse.

Le général Christopher Cavoli, commandant suprême de l’Otan, met d’ailleurs en garde:

« L’armée russe sortira de ce conflit plus forte qu’elle ne l’est aujourd’hui»
L'Ukraine utilise des leurres plus vrais que nature
Video: watson
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