International
Alain Berset

Trump-Poutine: «C’est une victoire symbolique considérable»

Donald Trump et Vladimir Poutine doivent se rencontrer vendredi 15 août en Alaska.
Donald Trump et Vladimir Poutine doivent se rencontrer vendredi 15 août en Alaska.image: montage watsob

Trump-Poutine sur l'Ukraine: «Vers un possible échange de territoires»

Le spécialiste français des relations internationales Dominique Moïsi livre son analyse avant le sommet Trump-Poutine sur l'Ukraine qui doit se tenir vendredi en Alaska.
11.08.2025, 14:5512.08.2025, 18:44
Plus de «International»

Sachant que Donald Trump avait fixé un ultimatum assorti de la menace de sanctions à Vladimir Poutine en vue de la tenue d'un sommet entre les deux hommes, la rencontre qui doit les réunir vendredi en Alaska est-elle plutôt un point pour Trump ou plutôt un point pour Poutine?
Dominique Moïsi: Incontestablement, un point pour Poutine.

Pourquoi?

«Parce que, bizarrement, Poutine obtient un rendez-vous avec Trump sans avoir fait de son côté la moindre promesse, sans s’être engagé à quoi que ce soit»

Cela, alors même que Trump en personne annonce de possibles échanges de territoires entre la Russie et l’Ukraine sur le sol ukrainien. Pour l’heure, Trump dit qu’il est prêt à rencontrer Poutine, sans aucunement demander que Zelensky soit là. Il ne fait plus la distinction entre l’agresseur et l’agressé. Sur ce plan, c’est une victoire symbolique considérable pour Poutine, qui, avant même que la négociation ne soit commencée, est sorti de son isolement.

Pour éviter que Donald Trump ne perde pas la face, importait-il que Vladimir Poutine accepte cette rencontre et se soumette d’une certaine manière à l’ultimatum fixé au 8 août du président américain?
Je pense que l’essentiel pour Poutine était d’éviter que Trump ne se retrouve prisonnier de ses mots et ne doive en quelque sorte passer à la phase des sanctions.

«Poutine a compris que Trump n’était pas enthousiaste à cette idée, qui pouvait coûter de l’argent aux Etats-Unis aussi bien qu’à la Russie et qui n’entrait pas dans sa vision de l’art du deal»

Poutine fait donc semblant de faire une concession généreuse à Trump. En particulier, il se rend en Alaska, certes tout près de la Russie, mais aussi un Etat américain, alors même que Poutine avait mentionné à plusieurs reprises l’idée que la rencontre allait se dérouler sur le territoire d’Abou Dhabi. C’est une concession qui traduit la conviction de Poutine que c’est une très bonne chose pour lui que cette rencontre ait lieu.

Qu’est-ce qui pourrait être négocié en Alaska, si l’on exclut a priori le retrait total des troupes russes d’Ukraine?
Pour le moment, on est un peu dans l’ignorance de ce qui se passe entre Russes et Américains sur la question des négociations. On ne peut qu’énoncer des hypothèses.

Lesquelles?
La première hypothèse est celle d’un cessez-le-feu complet.

«Ce n’est pas la paix, mais on met fin aux combats. C’est au fond la situation qui prévaut entre les deux Corées depuis 71 ans»

Ce qui supposerait la définition d’une ligne de démarcation entre Russie et Ukraine?
C’est là où le deuxième point ou la deuxième hypothèse entre en ligne de compte. A savoir l’échange de territoires à partir des territoires conquis par les Russes en Ukraine. On pourrait supposer que Trump dise à Poutine: «Tu fais un petit geste, tu te retires de villes en Ukraine dont tu as conquis le territoire», en échange du fait que Poutine garde la Crimée et les trois-quarts des territoires dont il s’est emparé au cours des deux années et demie de guerre en Ukraine. Poutine pourrait dire:

«"Moi aussi, je fais des sacrifices, j’évacue ces villes ou ces portions de territoire que j’ai conquis avec des pertes importantes sur le plan humain"»

L’Ukraine dirait sûrement «non» aux conquêtes russes ainsi actées?
Ce serait à coup sûr une pilule dure à avaler pour l’Ukraine. Elle voudra se retourner vers l’Europe et dire aux Européens qu’elle ne peut pas accepter les propositions sur lesquelles négocient Washington et Moscou et qu’elle a besoin de leur soutien total pour dire «non», in fine, à Donald Trump. C’est là où on en est aujourd’hui de la position ukrainienne. Mais on ne sait pas très bien ce qu’il va se passer en Alaska vendredi prochain.

C’est-à-dire?
Est-ce que la négociation va avancer très loin dans les détails entre délégations américaine et russe, Washington considérant que Kiev n’a de toute façon pas d’autre choix que d’accepter en quelque sorte le diktat américano-russe? Ou est-ce qu’on est beaucoup moins avancé que cela? On en saura plus vendredi prochain.

Diriez-vous que l’Europe ne peut être ici que spectatrice de ce sommet et des décisions qui pourront éventuellement y être prises?

«Pour reprendre le titre d’un livre sur le philosophe français Raymond Aron, qui avait eu du succès à l’époque, l’Europe est un spectateur engagé»
Vladimir Poutine dans tous ses états
1 / 10
Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
partager sur Facebookpartager sur X
- Collision entre deux bateaux
Video: youtube
Ceci pourrait également vous intéresser:
3 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
3
Comment la «bromance» entre Trump et Poutine a mal tourné
La date tant attendue de la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine approche à grands pas. Mais que faut-il attendre de la discussion entre les deux dirigeants? On fait le point.
Donald Trump se vante d'être un homme fort. Et c'est exactement ce qu'il voit en Vladimir Poutine.
L’article