Toujours affublée de sa veste vert pomme, la dame au blazer n'a pas la langue dans sa poche. Oh non, elle est même bien pendue. Marine Tondelier, la secrétaire nationale pour Les Ecologistes (ex Europe Ecologie les Verts) est une bête de scène, une femme au caractère affirmé qui n'hésite pas à remettre à sa place Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, sur le plateau de France 2. La séquence tourne en boucle sur X et la gauche boit du petit lait.
«Vous, on a vous assez entendu. Si vous vouliez parler, il fallait venir au débat», a-t-elle opposé au porte-parole du RN, en référence aux rendez-vous manqués par son parti entre les deux tours des législatives. Avant de sortir une dernière moulure à Tanguy, lui qui n'arrêtait pas de l'interrompre et geindre:
Droit derrière, le lendemain, elle remet une petite couche en rappelant à Jean-Luc Mélenchon de ne «pas s'imposer» au sein du Nouveau Front Populaire (NFP). Selon elle, le leader des LFI n'est pas la bonne cartouche pour siéger à Matignon. Le bougon de la gauche radicale est trop clivant, trop explosif pour une nation proche d'imploser.
Alors qu'Emmanuel Macron fait du pied à Gabriel Attal pour qu'il reste dans son siège de premier ministre - «pour le moment» - Marine Tondelier est dans les starting-blocks en redoutable attaquante, prête à retrousser les manches de son blazer dans ce bourbier politique qui mine la République.
Le visage de cette jeune femme de 37 ans fait figure de leader du peloton des «premier ministrables». Simplement, car elle n'hésite pas à faire parler ses émotions, comme elle l'avait fait sur le plateau de France Inter, le 1ᵉʳ juillet, fustigeant Bruno Le Maire qui avait mis dos à dos le RN et le NFP. Elle n'a pas hésité à traiter le ministre «de lâche et de privilégié», les trémolos dans la voix.
Une nouvelle flèche tirée, avec les tripes.
Car l'écolo en a sur la patate: son combat contre le RN remonte à une décennie. La cheffe des Ecologistes est originaire du patelin d'Hénin-Beaumont, le fief d'une certaine Marine Le Pen. Marine Tondelier avait déjà montré les crocs à son arrivée au conseil municipal, en 2014, une mairie alors sous contrôle du Front National, qui deviendra Rassemblement National.
Remontée comme un coucou, armée de son arrogance taillée à force de croiser le fer avec ses opposants d'extrême droite, elle torche un livre pour narrer les parpaings qu'elle essuyait en 2017. Titré Nouvelles du Front, Marine Tondelier noircit des pages pour raconter les méthodes crasses et les intimidations du maire Steeve Briois dont elle a été victime.
Une expérience qui lui sert aujourd'hui. Elle en retire même une véritable psychologie digne du Pas-de-Calais (comprenez son expérience du passé). Une chose est sûre: elle ne se lamentera pas prosaïquement sur le sort de sa mise en opposition du RN. Jamais.
Mieux, elle ferait peur à un certain Jordan Bardella qui s'était quelque peu défilé, selon les rumeurs, faisant pression sur la chaîne BFMTV pour la remplacer par Jean-Luc Mélenchon. A la place, le débat qui devait rassembler Bardella, Attal et Tondelier sur le même plateau a été remplacé par trois entretiens séparés.
Cette ancienne proche de Cécile Duflot, ancienne ministre lors du quinquennat de François Hollande, ne lâche pas son os si facilement. Précédemment, la patronne des Ecologistes avait affronté Marine Le Pen aux législatives d'Hénin-Beaumont, en vain. Qu'importe, c'est en forgeant qu'on devient forgeron. Avec son ton incisif et sa gouaille, l'élue est à présent une bête de scène et ne se laisse pas (ou plus) impressionner.
A présent, cette frénésie médiatico-politique fait d'elle une nouvelle star dans le milieu politique, passant de révélation de cette élection à favorite pour le poste de première ministre.
Hype forcée ou manoeuvre possible?
Revancharde comme jamais, elle pourrait s'asseoir sur le fauteuil à force de piocher, de besogner.
Si la bosseuse écolo voit son nom sur les listes des papables pour s'installer à Matignon, c'est aussi grâce à son sens du collectif. C’est autour d’elle que l’union de la gauche s’est faite pour les législatives, conclues et annoncées au siège des écolos. Ce 10 juin, date où elle a pris la lumière, lui a peut-être ouvert les yeux sur ses qualités de meneuse – les stigmates de son expérience dans sa circonscription après les multiples coups bas dégainés par le RN dans son Nord-Pas-de-Calais natal.
Néanmoins, il faudra encore attendre, comme elle l'a martelé devant les caméras de BFMTV: «La question n'est ‹pas qui› mais ‹pour quoi faire›». Avant que Clémentine Autain, sur la même chaîne, n'assure que Tondelier «fait partie des candidatures». Un match retour, 10 ans après le match aller sur les terres du Pas-de-Calais, qui pourrait avoir une odeur parisienne et de bureau à 57 Rue de Varenne pour Marine Tondelier, grande gagnante face à Jordan Bardella et le RN.