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Zelensky rétropédale sur la corruption, mais le mal est fait

Des manifestants brandissent des pancartes lors d'une manifestation à Kiev, en Ukraine, le 23 juillet 2025. Des milliers d'Ukrainiens se sont rassemblés lors de la deuxième journée de manife ...
A droite: des milliers d'Ukrainiens rassemblés contre l'adoption d'une loi qui prive deux agences anti-corruption de leur indépendance, le 23 juillet 2025 à Kiev.Image: keystone
Analyse

Zelensky rétropédale, mais le mal est fait

Les rebondissements s'enchaînent au parlement ukrainien sur la question de l'indépendance des autorités anticorruption. Volodymyr Zelensky a fait marche-arrière sur la loi adoptée à la hâte. Un comportement qui a déçu au sein de son propre camp.
30.07.2025, 16:5230.07.2025, 16:52
Denis Trubetskoy, kiev / ch media
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Les députés du parlement ukrainien auraient dû prendre des vacances durant l'été. Au lieu de cela, ils s'apprêtent à vivre l'une des semaines les plus passionnantes sur le plan politique depuis le début de l'offensive russe. En cause: une loi controversée restreignant fortement l'indépendance des autorités ukrainiennes de lutte contre la corruption adoptée à la hâte le 22 juillet.

Les réactions ont été vives, d'abord dans les rues de Kiev, puis à Bruxelles. Au point de pousser Volodymyr Zelensky à changer de cap. Le parlement doit donc se prononcer ce jeudi sur un nouveau projet de loi qui revient largement sur cette mesure.

Concrètement, le chef d'Etat veut annuler la subordination d'institutions centrales, telles que le Bureau national anticorruption (NABU) et le Parquet spécial chargé de la lutte contre la corruption (SAP) au contrôle du procureur général – qu'il a lui-même nommé.

Le texte ne rétablit, certes, pas exactement la situation juridique qui prévalait avant le 22 juillet. Mais les institutions concernées, qui avaient vivement critiqué la loi initiale, se montrent satisfaites du compromis et font pression pour qu'il soit rapidement adopté.

La commission anticorruption de la Verkhovna Rada (réd: le nom du parlement) a déjà approuvé le projet à l'unanimité mardi. Son adoption est donc presque déjà actée, notamment parce qu'une partie de l'aide financière de l'UE en dépend. Bruxelles avait, en effet, ouvertement menacé de réduire les moyens alloués. Sur le plan politique, ce revirement reste néanmoins lourd de conséquences, tant pour Zelensky que pour le législatif.

Réveiller de mauvais souvenirs

C'est la première fois depuis le début de son mandat que le président ukrainien rétropédale aussi ouvertement. Depuis l'époque où il était producteur de télévision, il est perçu comme un patron dur et autoritaire. La première mouture de la loi a probablement été élaborée en partant du principe que la NABU et la SAP ne bénéficiaient guère du soutien de la population. En effet, selon un sondage réalisé par le Centre Razumkov en mars 2024, 62% des personnes interrogées se méfient de ces deux entités.

De plus, les autorités anticorruption affichaient un bilan mitigé. De nombreuses procédures spectaculaires n'ont jusqu'à présent abouti à aucun jugement. La faute également à des problèmes au sein de la Haute Cour anticorruption (WAKS), une autre structure indépendante.

Volodymyr Zelensky avait manifestement sous-estimé la réaction de la société civile. Dès le deuxième jour après l'adoption de la loi, les protestations ont pris une ampleur plus importante que prévu, malgré la guerre. Outre le contenu, la manière de faire a aussi suscité l'indignation: la réécriture nocturne du projet, un vote en deux lectures en l'espace de quelques heures et la signature immédiate par le président ont rappelé à de nombreux observateurs les pratiques du président déchu, Viktor Ianoukovitch.

Plusieurs partis sont mécontents

La réaction claire de l'UE, avec ses critiques acerbes et sa menace de supprimer les aides financières, semble également avoir surpris l'administration présidentielle par sa sévérité.

A court terme, Volodymyr Zelensky n'a certes pas à craindre de perte importante de popularité, les protestations provenant principalement de ses détracteurs. Mais il a nui à son image de réformateur intègre. Car, avec ce dossier, on le prend désormais pour un dirigeant qui recule sur une question importante. Même au sein de son propre camp, en partie plutôt sceptique à l'égard des institutions anticorruption.

A long terme, cela pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs au parlement. En effet, la majorité absolue dont disposait son parti «Serviteur du peuple» lors de son entrée en fonction en 2019 n'existe plus que sur le papier. Pour adopter une loi, il faut 226 voix. Mais depuis des années, le groupe parlementaire du président ne rassemble généralement que 180 à 190 voix. Zelensky bénéficie principalement du soutien de petites formations: d'anciens membres de la plateforme d'opposition pro-russe, qui cherchent à se protéger contre des procédures pour haute trahison en faisant preuve de loyauté, ainsi que des factions ayant leurs propres intérêts économiques.

Parmi les députés du parti présidentiel qui ont soutenu la première version de la loi, il y avait trois camps: les convaincus, les opposants clairs et ceux qui se sont simplement rangés derrière la volonté de leur chef de file. Aucun des trois n'a dû apprécier les événements de la semaine dernière. Bien que le nouveau projet devrait être adopté, car décisif pour les relations avec l'UE, Zelensky devrait à l'avenir pouvoir compter avec moins d'assurance sur le soutien unanime de la Rada. Même dans ses propres rangs.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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