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Pourquoi l'Europe risque de devenir un Disneyland géant

Pourquoi l'Europe risque de devenir un Disneyland géant
Les critiques envers la situation économique de l'Europe se multiplient.Image: shutterstock / watson
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Pourquoi l'Europe risque de devenir un Disneyland géant

L'Europe est-elle en train de se laisser distancer sur le plan économique? La Chine et les Etats-Unis semblent prendre l'avantage.
25.05.2024, 18:5328.05.2024, 08:50
Philipp Löpfe
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Les Européens sont trop paresseux, les pays méditerranéens s'endettent trop et la population vieillit. Les critiques envers la situation économique de l'Europe se multiplient. Certains craignent même que le vieux continent ne se transforme de plus en plus en un immense parc d'attractions pour les touristes américains et asiatiques.

L'Europe fait face à une «menace mortelle», a récemment affirmé Emmanuel Macron. Il ne faisait pas seulement référence à l'invasion russe et à la montée du populisme, mais aussi au déclin économique de l'Europe.

FILE - French President Emmanuel Macron waits on the steps of the Elysee Palace, Monday, March 11, 2024 in Paris. On Friday, May 10, 2024, The Associated Press reported on stories circulating online i ...
Emmanuel Macron nous met en garde.Image: keystone

Car les données économiques sont loin d'être réjouissantes. L'économie américaine s'est beaucoup mieux remise de la crise du Covid et se trouve, après le premier trimestre de cette année, déjà à 8,7 points de pourcentage au-dessus du niveau pré-pandémie. Les Européens ne peuvent que rêver d'un tel succès. L'économie chinoise semble également reprendre progressivement son élan. En Inde, un nouveau miracle économique est en train de se dessiner.

En tant que président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi a sauvé l'économie européenne de l'effondrement dans les années 2010 avec sa phrase légendaire « quoi qu'il en coûte ». Maintenant, il est à nouveau appelé à jouer le rôle de sauveur en période de crise. L'UE lui a demandé de rédiger un rapport sur la manière de rendre l'économie à nouveau compétitive au niveau international. Certains souhaitent même que Draghi remplace Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne.

Pour les économistes, du moins pour les partisans de l'école classique du libéralisme, la raison de la misère économique européenne est à chercher du côté des suspects habituels. Ainsi, le chef du fonds souverain norvégien explique qu'il est «préoccupant» que les Américains travaillent nettement plus et que les entreprises soient beaucoup moins réglementées.

En effet, les Américains et les Européens n'ont pas la même conception de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les Européens travaillent en moyenne beaucoup moins, une tendance qui a encore été renforcée par la pandémie. Le fait que le vieillissement soit également bien plus avancé sur le vieux continent que de l'autre côté de l'Atlantique n'arrange pas vraiment les choses.

L'Europe n'investit pas assez

Mais surtout, les Américains investissent beaucoup plus que leurs concurrents européens. Le commissaire européen à l'économie, Paolo Gentiloni, a ainsi expliqué au Financial Times:

«Le scandale pour l'Europe ne réside pas dans la faible croissance, à laquelle nous nous sommes malheureusement habitués. Le problème, c'est que nous n'arrivons pas à maintenir un niveau suffisant d'investissements.»

L'Europe risque de prendre du retard surtout en ce qui concerne la numérisation et l'intelligence artificielle. C'est dans la Silicon Valley et à Taïwan que tout se passe. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, voit là la raison pour laquelle l'Europe a perdu environ 20% de croissance de productivité par rapport aux Etats-Unis. «Les connaissances sont certes présentes», analyse-t-elle pour le Financial Times.

«Mais peu d'entreprises en tirent réellement profit»

Isabel Schnabel déconstruit également le mythe des entreprises de taille moyenne dans ce contexte. À l'ère de la numérisation, les PME sont trop petites pour pouvoir suivre les progrès technologiques, selon elle.

«Les grandes entreprises investissent davantage et sont plus productives»

Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla ont investi environ 200 milliards de dollars en recherche l'année dernière, soit plus de la moitié de la somme investie par toutes les entreprises européennes, publiques et privées confondues.

L'ordre économique mondial libéral est en danger

Sur le plan géopolitique également, l'Europe est confrontée à des vents contraires. Ainsi, le gouvernement Biden a décidé la semaine passée d'imposer des droits de douane de 100% sur les voitures électriques chinoises. C'est un autre point culminant dans la guerre commerciale mondiale qui couve depuis des années. The Economist craint même que l'ordre économique mondial libéral ne s'effondre comme dans les années 1930, et met en garde contre un «nouvel ordre économique mondial».

The Economist voit la menace peser sur l'ordre économique libéral qui a été établi depuis la Seconde Guerre mondiale, et en identifie trois causes:

  1. La propagation de diverses mesures punitives
  2. La nouvelle tendance vers une politique industrielle
  3. L'effondrement des institutions mondiales

En effet, les barrières tarifaires, qui ont été progressivement supprimées depuis les années 1980, sont de retour à de nombreux endroits. Le fait que la Chine intensifie ses exportations de biens, notamment de haute technologie, devrait renforcer cette tendance. Si Donald Trump revenait à la Maison-Blanche, un conflit commercial serait difficile à éviter. L'ancien président est un partisan avoué des tarifs douaniers et souhaite imposer des droits de douane de 10% sur toutes les importations.

Joe Biden a non seulement repris les tarifs douaniers de son prédécesseur, mais il a également renforcé la tendance vers une politique industrielle accrue. Bien que son Green New Deal soit moins ambitieux que prévu, il a néanmoins marqué le début d'une politique économique dans laquelle l'Etat intervient davantage en soutenant certains secteurs, notamment ceux des puces électroniques, des batteries et de l'énergie renouvelable.

Un exemple typique de l'effondrement des institutions mondiales est l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Depuis environ cinq ans, elle est de facto paralysée, car les participants ne parviennent plus à s'entendre sur ses compétences. Même le Fonds Monétaire International a connu de meilleurs jours. A l'ère du multilatéralisme, le puissant gendarme de l'économie mondiale souffre de la concurrence asiatique et de la mauvaise réputation de «l'ère du consensus de Washington».

Il ne fait aucun doute que Macron a raison. L'Europe est confrontée à d'énormes défis. Isabel Schnabel met toutefois en garde contre une prophétie autoréalisatrice.

«Face aux chocs considérables que nous avons subis en Europe, les performances économiques ne sont pas aussi mauvaises que beaucoup le craignaient. Nous devrions cesser de parler de malheur.»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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