La guerre d'agression russe contre l'Ukraine est une lutte permanente pour des ressources. Cette année, l'image d'une guerre d'usure sanglante se confirme, c'est ce que de nombreux experts militaires craignaient déjà à la mi-2022. Le président russe Vladimir Poutine continue de penser qu'il pourra envoyer à moyen terme plus de soldats, plus d'équipements militaires et plus de munitions sur le terrain – le Kremlin s'en tient à ses objectifs de guerre et n'est donc guère disposé à négocier. Mais où en est l'Ukraine?
Kiev continue de dépendre de l'Occident pour son approvisionnement en armement. Lorsque les républicains, aux Etats-Unis, ont bloqué les paquets d'aide américains jusqu'au printemps 2024 et que de nombreux Etats membres de l'UE n'ont pas pu fournir suffisamment d'armes, l'armée ukrainienne a été confrontée à d'énormes problèmes.
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Mais aujourd'hui, le pays reçoit à nouveau davantage de livraisons d'armes occidentales et les défenseurs sont surtout à nouveau en mesure de repousser les attaques russes avec de l'artillerie. Cela donne un peu de répit à l'Ukraine et l'offensive russe à l'est a pu être nettement ralentie.
Mais l'Ukraine reste dans une situation précaire.
Au cours des derniers mois, l'urgence du manque de munitions et d'équipement militaire a masqué un autre problème: l'Ukraine manque de plus en plus de soldats et Kiev doit trouver des stratégies pour pouvoir continuer à défendre son long front à l'avenir.
C'est dans ce contexte qu'il faut voir le limogeage d'un général ukrainien par Volodymyr Zelensky. Le président a dû le renvoyer, car du point de vue ukrainien, les choses ne pouvaient plus continuer comme cela.
Lundi, il a été annoncé que le lieutenant-général Iouriy Sodol quitterait son poste de commandant des forces unies. Il était à la tête d'une unité militaire ukrainienne dans une région disputée à l'est du pays et qui sera désormais reprise par le général de brigade Andriy Hnatov. Zelensky n'a pas donné les raisons de ce limogeage, mais ces dernières semaines, Sodol a fait l'objet de critiques massives.
Ainsi, selon les médias ukrainiens, le chef d'état-major de la controversée brigade Azov, Bohdan Krotevych, aurait porté plainte contre le lieutenant-général. Il reprochait au commandant d'avoir donné des ordres imprudents qui auraient entraîné des pertes importantes. «Il a tué plus de soldats ukrainiens que n'importe quel général russe», a écrit Krotevych sur Facebook, sans citer le nom de Sodol. Il a également exigé que lieutenant-général soit examiné quant à une éventuelle collaboration avec la Russie.
Selon les médias, des reproches ont également été formulés à l'encontre de Sodol au sein de la Rada suprême, le parlement de Kiev: il aurait mal préparé les soldats ukrainiens à des missions, notamment dans la région disputée de Kharkiv. Le bureau présidentiel à Kiev a publié un décret de Zelensky sur le changement de personnel au sein des forces unies. Par le passé, le président ukrainien a déjà procédé à plusieurs nominations à des postes de haut niveau au sein du commandement militaire.
Mais alors que le limogeage de l'ancien chef de l'armée Valeri Zaloujny en février avait suscité des critiques, y compris au sein de l'armée, la destitution de Sodol sera vraisemblablement perçue positivement par les militaires ukrainiens.
Et ce, pour une bonne raison: alors que Poutine n'hésite pas à utiliser ses soldats comme chair à canon, l'Ukraine gère ses forces avec beaucoup plus de soin. Elle est obligée de le faire, car la population russe est près de quatre fois plus importante que la population ukrainienne. A long terme, cela permettra à Poutine de mobiliser encore plus de soldats, alors que les capacités de Kiev sont réduites.
Les pertes sont toutefois élevées des deux côtés. Actuellement, l'Ukraine dispose d'environ 900 000 soldats et a encore 1,2 million de réservistes. La Russie, en revanche, aurait 1,3 million de soldats actifs et environ deux millions de réservistes.
Sur le papier, ces chiffres sont impressionnants – mais le front s'étend sur plus de 1000 kilomètres. La Russie et l'Ukraine ne peuvent actuellement donc accompagner leurs offensives que de peu d'infanterie. Il suffit de regarder les tranchées, qui ne sont parfois défendues que par une poignée de militaires.
Ou de considérer les combats à Vovtchansk, dans la région de Kharkiv, où seules quelques centaines de soldats ukrainiens se battent. Ils parviennent certes à repousser lentement les forces russes hors de la ville, mais c'est aussi parce que la Russie n'est pas mieux placée en termes de personnel.
Sur certaines parties du front, la guerre d'agression russe est presque devenue «une guerre fantôme».
C'est pourquoi l'artillerie, les attaques aériennes, les drones ou les chars jouent un rôle de plus en plus important dans les combats, car ils permettent aux deux belligérants d'infliger des pertes massives à l'adversaire sans en risquer de grandes pour eux-mêmes.
L'Ukraine ne peut donc pas se permettre d'avoir un commandant qui gaspille ses soldats. Une recherche acharnée de nouveaux combattants fait déjà rage en arrière-plan des deux côtés. La Russie tenterait de recruter des soldats sur d'autres continents. Ainsi, le service de renseignement de la défense ukrainien (HUR) a annoncé le 28 mai «que la Russie a intensifié ses tentatives de recruter des Africains pour le combat», indiquait le ministère britannique de la Défense récemment.
Les efforts se concentreraient sur des pays comme le Rwanda, le Burundi, le Congo et l'Ouganda et Poutine attirerait les recrues potentielles avec des passeports et de l'argent.
De leur côté, les dirigeants ukrainiens doivent recruter des soldats parmi leur propre population. Certes, quelques mercenaires d'autres pays européens combattent aux côtés de l'Ukraine, mais aucun pays de l'Otan ne souhaite envoyer de troupes de combat dans le conflit afin d'éviter une guerre entre l'Otan et la Russie.
Pour Kiev, il ne s'agit pas seulement de remplacer les soldats morts et blessés de l'armée ukrainienne. De nombreux soldats se battent sur le front presque sans répit depuis le début de la guerre – la fatigue augmente et cela affaiblit la capacité de défense du pays. C'est pourquoi Zelensky met en place une stratégie visant à augmenter le nombre de ses propres soldats à court terme. Elle se compose de plusieurs piliers:
Mais que contient cette nouvelle loi de mobilisation? D'une part, l'âge d'incorporation des conscrits envoyés en mission de guerre a été abaissé de 27 à 25 ans. D'autre part, la loi prévoit que les conscrits âgés de 18 à 60 ans doivent se faire enregistrer auprès des commissariats militaires dans des délais précis. De plus, tous les hommes âgés de 18 ans et plus devront effectuer un service militaire de base.
Pour Zelensky, ces décisions sont extrêmement délicates. Il a hésité pendant de nombreux mois, car il craignait des vents contraires sur le plan social s'il abaissait l'âge. Mais il n'avait pas le choix. La propagande russe utilise désormais des vidéos d'Ukrainiens recrutés dans la rue contre leur gré pour alimenter le récit du Kremlin: les Ukrainiens ne voudraient en fait pas se battre.
Mais ce n'est pas vrai. Dans les sondages, une nette majorité d'Ukrainiens continue de se prononcer en faveur de la défense de leur pays contre la Russie. Cette guerre d'usure est un peu comme un navire qui a de plus en plus de fuites – Poutine et Zelensky doivent constamment colmater les voies d'eau. Jusqu'à présent, aucune d'entre elles n'est si importante que la Russie ou l'Ukraine puisse perdre la guerre à court terme. Poutine se procure des munitions en Corée du Nord, Zelensky a reçu des avions de combat de l'Ouest et augmente le nombre de ses soldats. Ces mêmes mesures montrent où les besoins sont actuellement les plus importants, du moins pour le moment.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejc