Depuis maintenant plus de deux semaines, la Russie mène une offensive dans la région de Kharkiv, au nord-est de l'Ukraine. L'avancée des soldats russes dans la région est pour l'instant stoppée, mais les combats et les attaques aériennes se poursuivent. Un magasin de bricolage dans la mégapole de Kharkiv a été bombardé samedi: au moins seize personnes y ont perdu la vie. Jeudi dernier déjà, des missiles russes ont détruit une imprimerie à Kharkiv et tué sept personnes.
Le président Volodymyr Zelensky a diffusé dimanche une nouvelle qui a de quoi inquiéter son commandement militaire: Moscou prévoit une nouvelle attaque au nord-ouest de Kharkiv, dans la région de Soumy. Des unités se sont déjà rassemblées dans la zone frontalière. L'Ukraine se retrouve ainsi piégée dans un dilemme.
Les troupes de Kiev manquent de matériel, mais surtout de personnel. Quel que soit l'endroit où les troupes sont déplacées, cela crée un flanc ouvert sur au moins une partie du front. Selon l'expert militaire Gustav Gressel, l'attaque russe à Kharkiv poursuit donc un objectif: «Que l'Ukraine y envoie des unités qui ne pourront alors plus se battre dans le Donbass», explique-t-il. La Russie espère ainsi que le front soit trop étendu et s'effondre. Le Kremlin souhaite au moins de nouveaux gains de terrain, notamment dans l'est de l'Ukraine, où les combats les plus violents font rage.
L'Ukraine est consciente du problème. Dès le mois d'avril, le Parlement a donc adopté une réforme de la loi sur la mobilisation. Mi-mai, Volodymyr Zelensky a signé une autre loi. Depuis peu, les détenus peuvent s'inscrire pour un engagement sur le front. Jusqu'à présent, de telles mesures étaient plutôt connues en Russie. Le groupe de mercenaires Wagner, en particulier, recrutait de grands criminels pour les envoyer sur le front. Ils y finissaient souvent en chair à canon. L'armée ukrainienne suit-elle désormais la même voie?
Cela ne semble pas être le cas pour l'instant. Contrairement à la Russie, en Ukraine, les volontaires issus des prisons doivent remplir des conditions strictes. Il ne doit pas y avoir de grands criminels dans les tranchées ukrainiennes. Les condamnés qui veulent aller au front ne peuvent pas être en train de purger une peine de plus de trois ans. Les meurtriers et les violeurs sont exclus. Il en va de même pour les terroristes, les trafiquants de drogue ou les personnes incarcérées pour de graves affaires de corruption. Le service militaire ne prend pas fin à la fin de la peine, mais à la fin du contrat ou en cas de démobilisation générale.
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Le ministre ukrainien de la Justice Denys Maljuska a déclaré, vendredi dernier, au New York Times que près de 350 détenus ont déjà été libérés pour être envoyés sur le front. La présidente du parti «Serviteurs du peuple», Olena Schulyak, a en outre déclaré au journal ukrainien Ukrainska Pravda que plus de 20 000 détenus pourraient être mobilisés. Au total, environ 65 000 hommes se trouvent dans les prisons ukrainiennes, et environ 3000 hommes auraient jusqu'à présent déposé une demande d'engagement. Des unités spécialisées seront créées pour les condamnés.
Gustav Gressel explique à ce sujet: «La mobilisation de prisonniers permettra à l'Ukraine de réunir un certain nombre d'effectifs». S'il est difficile d'estimer le potentiel réel:
Selon la base de données «World Prison Brief», environ 433 000 personnes sont actuellement détenues dans les prisons russes.
En attendant, l'Ukraine mise sur le volontariat des détenus. Une grande partie d'entre eux ont déjà formulé le souhait d'effectuer leur service militaire sur un pied d'égalité avec les autres soldats, d'après le directeur des ressources humaines du quartier général des forces terrestres de l'Ukraine, Roman Horbach. Ils doivent recevoir la même solde que les soldats normaux. Seul le droit à 30 jours de congé ne leur serait pas accordé – sauf en cas d'urgence familiale.
Mais pourquoi l'Ukraine doit-elle recourir à une telle mesure? Selon l'Ukrainska Pravda, le groupe des 40-45 ans constitue actuellement la plus grande partie des soldats qui se battent dans les tranchées. Mais dans de nombreuses unités, les soldats sont surnommés «Did», en français «papi», car ils ont près de 60 ans.
La moyenne d'âge élevée des soldats ukrainiens se répercute particulièrement sur l'infanterie, selon Gustav Gressel. Au cours de l'année écoulée, il y a eu des pertes assez importantes qui n'ont pas été compensées ou qui l'ont été par l'enrôlement d'hommes d'âge moyen. Problème:
L'âge n'est toutefois pas le seul problème de l'Ukraine: la mobilisation ne doit pas seulement être considérée d'un point de vue quantitatif, mais aussi qualitatif. Notre expert l'explique ainsi:
C'est beaucoup de temps, dans une guerre qui ne laisse aucun répit aux soldats.
Néanmoins, Gustav Gressel estime que la nouvelle loi sur la mobilisation améliorera la situation pour l'Ukraine:
Actuellement, selon Global Firepower, l'Ukraine dispose d'environ 900 000 soldats actifs et de 1,2 million de réservistes. Gustav Gressel suppose que, jusqu'à l'arrivée de nouvelles forces, l'Ukraine va essayer de combattre avec le moins de personnel possible, par exemple en utilisant des drones.
La Russie veut donc profiter du momentum. «Jusqu'à présent, le plan du Kremlin semble fonctionner, car dans le Donbass, la Russie gagne de plus en plus de terrain», déclare l'expert militaire. C'est notamment le cas près de la localité d'Otcheretyne, près d'Avdiïvka.
Depuis des semaines, Tchassiv Yar, près de Bakhmout, fait l'objet de violents combats. La Russie semble vouloir conquérir cette ville stratégique à tout prix. Mais les gains sont encore plutôt faibles:
L'Ukraine peut donc encore tenir la ville transformée en forteresse. Selon l'expert militaire, les livraisons de munitions en provenance de l'Ouest, qui ont repris depuis quelques semaines, y contribuent – «même si l'Ukraine ne peut pas encore établir de supériorité».
Ainsi, tandis que l'Ukraine tente de ménager son personnel et de le renforcer, la Russie continue de se ruer sur les positions de défense. Les troupes russes ne manquent pas de personnel, mais d'autres problèmes pourraient les attendre: la Russie connaîtra probablement un problème matériel aigu à partir de 2026 environ, selon Gustav Gressel. «Poutine vide actuellement son arsenal», explique l'expert au vu de l'utilisation massive de l'artillerie et des bombes aériennes. «Reste à savoir si l'Ukraine va manquer d'air ou si les troupes de Kiev vont pouvoir se stabiliser d'ici là.»
Traduit et adapté par Tanja Maeder