Le suppléant a marqué l'histoire. Du moins, l'histoire de l'édition. Les mémoires du prince ont été un véritable cataclysme mercantile. Le livre de non-fiction le plus vendu de tous les temps, avec 400 000 exemplaires vendus, tous formats confondus. Et pourtant. Si le but de cet ouvrage brûlant était de mettre le feu à l'imperturbable royauté, c'est raté.
Au niveau institutionnel, rien ne change sous le ciel de Grande-Bretagne et de la Couronne.
La volonté du prince de laver le linge sale familial à la face du monde a peut-être offusqué l'establishment royal, bien protégée au cœur des corridors de Buckingham Palace. A l'extérieur, le silence est d'or. Au blabla princier, le roi Charles et le prince William opposent un mur imperturbable.
Un choix payant, selon le correspondant royal Marc Roche. «Charles et William ne veulent pas entrer dans une polémique. Eux, leur vision s'inscrit sur le long terme.»
D'autant que, comme le murmurait cette semaine un initié royal au Daily beast: «Le silence est la seule voie qui leur est ouverte. Il a été efficace jusqu'à présent, dans la mesure où l'histoire se calme enfin. Le roi aime sincèrement son fils et souhaite lui garder la porte ouverte. En ne répondant pas, il n'alimente pas l'argument».
L'intérêt du public pour ses mémoires a certes été gigantesque, mais cette énième production n'a pas joué en faveur du duc isolé. Au contraire. Sa cote de popularité s'est effondrée au Royaume-Uni, atteignant un sombre record: 24%. C'est encore moins que le prince Andrew, englué dans les scandales sexuels.
Si les critiques ont été acerbes au Royaume-Uni, même aux Etats-Unis, pourtant pétris de tolérance pour le couple en exil et pour les histoires touchantes de dysfonctionnements familiaux, la patience envers les Sussex atteint ses limites.
Accusé de faire son beurre sur le dos des siens, le duc de Sussex est passé à côté de l'opportunité de marquer des points face à la toute puissante Firme. Pour sa part, la famille royale en sort plutôt grandie. Charles et William se juchent en bonne place dans les sondages, avec respectivement 61% et 69%.
Et puis, tout est question de timing. Le livre intervient sans doute trop peu de temps après les funérailles de la reine, un moment historique qui a permis à la royauté de faire rayonner son blason et ses valeurs: discrétion, courage, respect du devoir et de la tradition. Et, évidemment, l'éternelle aptitude à rester stoïque en public, face à un chagrin privé.
Depuis lors, le début de règne de Charles III est un succès, dans un royaume en proie à la déprime et à d'immenses difficultés socio-économiques, rappelle Marc Roche.
En ignorant Harry et ses mémoires, la Cour a surtout tenté de concentrer toute l’attention sur le long terme: le 6 mai, jour du couronnement de Charles III, que rien ne doit venir gâcher.
Après les assauts répétés des Sussex, le monde entier spécule sur leur présence ou non lors de l'évènement royal le plus important de l'année. Le roi peut se permettre de se montrer magnanime et de les garder sur la liste des invités. «Le problème n’est pas tant de savoir si Harry sera invité ou non. Il le sera. Le problème est plutôt de savoir si les Sussex vont oser venir», note Marc Roche.
Alors que tous les projecteurs seront braqués sur Charles III et William, le duc et la duchesse de Sussex risquent la pure et simple relégation en troisième zone. Non seulement ils ne figureront pas parmi les working royals, noyau dur de la royauté, mais ils ne compteront même parmi les minor royals, deuxième rang de la monarchie, dont les membres sont encore actifs.
Dans une interview pour la promo de son livre, Harry ne s'est pas engagé à confirmer si Meghan et lui seraient présents. «La balle est dans leur camp», conclut Marc Roche. «Mais je ne pense pas qu’ils viendront. Ce sera une totale humiliation.»