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Une vidéo de décapitation en Ukraine fait le buzz: un expert l’analyse

La guerre est brutale. Une vidéo dans laquelle un mercenaire de Wagner exécute cruellement un soldat ukrainien circule dans le net.
La guerre est brutale. Une vidéo dans laquelle un mercenaire de Wagner exécute cruellement un soldat ukrainien circule dans le net.image: ap
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Décapitation au couteau: pourquoi les Russes «s'habituent à tuer»

Des images montrent la décapitation d'un prisonnier de guerre ukrainien par des soldats russes. L'authenticité de la vidéo n'a pas encore été confirmée, mais ce ne serait, en tout cas, pas le premier incident du type.
14.04.2023, 18:4405.05.2023, 11:50
Anne-Kathrin Hamilton / watson Berlin
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Ce sont des images difficiles à supporter. Un homme en uniforme est allongé sur le sol. Un individu en tenue de combat et au visage masqué se penche sur lui. Il décapite l'homme encore vivant à l'aide d'un couteau. Le bourreau a un marquage blanc sur ses vêtements, typique des soldats russes. La victime porte un uniforme sur lequel on distingue le trident ukrainien et une tête de mort.

Cette vidéo, qui montrerait la décapitation d'un prisonnier de guerre ukrainien par des soldats russes, circule actuellement dans les réseaux sociaux. Un ex-mercenaire russe du groupe Wagner aurait entre-temps identifié le soldat russe dans la vidéo comme étant un de ses anciens camarades.

L'authenticité des images n'a pas encore été confirmée. On ne sait pas non plus où et quand la vidéo d'une minute et demie a été tournée. En revanche, une chose est claire: ce ne serait pas le premier incident sadique.

Les soldats russes – parmi lesquels on compte les brutaux mercenaires de Wagner – ne cessent d'épouvanter les Ukrainiens par leurs atrocités. Qu'est-ce qui pousse ces hommes à commettre de tels crimes? «La guerre est un monde en soi», explique le psychologue militaire Hubert Annen à watson.

La guerre est un monde à part, dit le psychologue militaire Hubert Annen. Tuer devient normal.
La guerre est un monde à part, dit le psychologue militaire Hubert Annen.Image: ap

Une fois qu'un soldat a surmonté l'inhibition de tuer, il est difficile de revenir en arrière. «Ils s'habituent à tuer», explique-t-il. L'enseignant de l'Académie militaire (Acamil) de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) voit deux raisons qui éclairent davantage sur cette violence terrible.

D'une part, l'expert estime que la dynamique du groupe encourage véritablement de tels actes:

«Dans la vie quotidienne, de tels actes cruels sont sanctionnés, mais ce n'est pas le cas en situation de guerre. Au contraire, ils sont même récompensés par plus de respect et de considération au sein du groupe.»

En d'autres termes, ils déclenchent un «sentiment de gratification» chez les auteurs.

Le seuil d'inhibition est par ailleurs à un bas niveau, surtout dans l'armée russe, estime l'expert. Selon lui, la brutalité commence déjà pendant la formation militaire.

La violence commence déjà dans les casernes russes

Selon Annen, les recrues russes sont déjà exposées à des actes de violence pendant leur formation. «Elles sont souvent maltraitées par leurs camarades plus âgés. Cela pousse certaines à se suicider», estime le psychologue militaire. Il illustre la problématique:

«Il y a, par exemple, le cas avéré d'une recrue russe qui a dû rester accroupi pendant des heures – si longtemps qu'il a dû être amputé des deux jambes, des organes génitaux et d'une partie de la main droite.»

Si la propension à la violence est déjà grande parmi les soldats lors de leur formation, on peut s'imaginer comment elle s'intensifie ensuite à la guerre, estime l'expert. Car l'ambiance générale de la guerre est que tout est permis. Selon Annen, de nombreux combattants russes ne se sentent apparemment pas obligés de respecter le droit international de la guerre – et cela s'applique également aux commandants.

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Les actes horribles des soldats russes seraient, en effet, tolérés. Et si le chef ne dit rien, c'est qu'il n'y a pas de problème. Annen voit ici une deuxième raison à ces images choquantes: la propagande.

Décapitations et exécutions: de forts symboles

Il y a quelques mois seulement, une vidéo montrant l'exécution du prisonnier de guerre ukrainien Oleksandr Matsievskyi par des soldats russes a circulé sur les canaux Telegram russes. L'homme se tient dans une tranchée et dit «Gloire à l'Ukraine» avant de s'écrouler sous les balles. Un homme scande ensuite en russe «crève, connard». «Ce sont des images d'une très grande force symbolique», estime Annen.

D'un côté, le soldat tué a été célébré comme un héros sur le Web, de l'autre, certains Russes se sont réjouis de son exécution. Mais la vidéo de la décapitation divise également les esprits: les réactions vont du choc à la joie. Sous la vidéo, une personne a, par exemple, commenté que ces images la rendaient vraiment heureuse.

«Andreï Medvedev, qui se trouve maintenant en Norvège, ou plutôt qui doit s'y cacher, a clairement identifié ses collègues - les combattants de Wagner - grâce à leurs codes très distinctifs, à leur façon de parler, à leur façon de commenter la vidéo.»

«Voici quelques commentaires russes sur la décapitation : Les Russes apprécient beaucoup la vidéo dans laquelle un prisonnier ukrainien est décapité. Ils écrivent des commentaires tels que "Je l'ai visionnée dix fois", "Ça m'a rendu heureux", etc.»

«Il est impossible de dire combien de Russes pensent ainsi.»
twitter

Selon Annen, les Russes utilisent ces vidéos brutales pour envoyer un message précis: «Regardez, nous sommes capables de tout. Vous feriez mieux de vous rendre!» Selon lui, cela fait partie intégrante d'une guerre psychologique, par laquelle on cherche à inciter l'ennemi à se rendre. Mais il semble que cela ne fonctionne pas toujours. Il poursuit:

«Si un camp a encore des chances réalistes de succès dans une guerre, des actions aussi cruelles de la part de ses ennemis peuvent avoir un effet non pas dissuasif, mais plutôt motivant.»

Le thème de la vengeance joue alors un rôle important. «Lorsqu'un camarade meurt aux mains de l'ennemi, les soldats sont souvent guidés par leurs pensées de vengeance», explique Annen. Il n'est donc pas exclu que des soldats ukrainiens commettent eux aussi des «actions disgracieuses» pour venger leurs camarades.

Annen souligne à nouveau que la guerre est un monde en soi: privation de sommeil, froid et humidité, peu de nourriture, situation d'alerte permanente et peur de mourir à chaque instant. Le psychologue militaire estime:

«Malheureusement, la notion de moralité disparaît rapidement»

En d'autres termes, dans de telles conditions, les valeurs morales ne sont plus la base de décision principale.

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Moscou et Kiev s'accusent mutuellement de tuer des prisonniers de guerre. En mars, l'Organisation des nations unies (ONU) avait accusé tant la Russie que l'Ukraine d'avoir exécuté arbitrairement et sans procès des prisonniers de guerre depuis le début de la guerre d'agression russe en février 2022.

Les Nations unies enquêtent sur la Russie pour crimes de guerre

De nombreux internautes considèrent la décapitation brutale du soldat présumé ukrainien comme un crime de guerre. La Mission de l'ONU pour la surveillance des droits de l'homme en Ukraine qualifie également les images d'«horribles».

«Malheureusement, il ne s'agit pas d'un cas isolé», explique la Mission en faisant référence à une autre vidéo montrant «des corps mutilés de ce qui semble être des prisonniers de guerre ukrainiens». La Mission de l'ONU demande désormais que des enquêtes soient menées.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky exige lui aussi que la Russie soit punie, tandis que Moscou émet des doutes sur l'authenticité de la vidéo. «Nous vivons dans un monde de contrefaçons», a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Zelensky fait clairement savoir que «tout le monde doit réagir. Tous les dirigeants». «Les Ukrainiens n'oublieront rien et la terreur russe doit être vaincue», a-t-il ajouté.

«L'Ukraine traverse actuellement une tempête d'émotions», a lancé Zelensky lors d'une table ronde sur l'Ukraine dans le cadre des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). Selon lui, l'armée russe tenterait de faire en sorte que ce niveau de violence et d'atrocités devienne une routine partout en Ukraine et elle en serait fière:

«La longue histoire de l'impunité russe doit enfin prendre fin»

Selon Annen, la vidéo de la décapitation de l'Ukraine souligne une fois de plus que les Russes sont des «barbares» qu'il faut combattre. Les Ukrainiens ne se laisseront pas intimider.

Traduit de l'allemand et adapté par Léa Krejci

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Video: watson
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