Trump sera encore plus dangereux en 2026
Un an comme un siècle. Aucun jour de répit. Douze mois étouffants, harassants, souvent ahurissants, rythmés par les sautes d’humeur d’un président qui a choisi de piétiner sa population pour mieux voir le monde avant de le bouleverser. Un terrain de jeu à la hauteur de son égo, quotidiennement piqué au vif, mais encore loin de s’avouer vaincu.
De la Chine à l’Union européenne, de l’Ukraine au Moyen-Orient et jusqu’à la Suisse, Donald Trump s’est donné pour ambition de sculpter la Terre à son image, de la soumettre à ses désirs les plus fous, tutoyant l’ingérence à chacun de ses coups de lame dans la diplomatie.
Un président qui ne s’est finalement soucié des frontières que lorsqu’elles permettent de juguler par la force l’immigration au départ des «pays de merde». Un président qui pensait que distribuer des taxes douanières comme des gifles allait forcément séduire ses électeurs. Un président persuadé que le culte voué à sa personnalité jusqu’en novembre 2024 suffirait à assoupir les Américains.
Lucide sous l’épaisse couche de folie, la tornade de 79 ans savait très bien qu’elle ne disposerait que d’une seule petite année pour savourer sa victoire, saccager l’ordre établi, taper du pied, engranger du pouvoir, semer le chaos, avant que son influence ne se mette à décroître. Certes, le clan MAGA se crêpe le chignon et l’économie américaine boitille, mais le pire est à venir: Donald Trump réalise à quel point son aura est en grand danger.
Il a d’ailleurs fallu qu’un grand monsieur du cinéma et son épouse soient retrouvés assassinés à leur domicile pour que le président s’en rende réellement compte. En crachant sur Rob Reiner, l’accusant d’être mort à cause de sa haine contre l’empire Trump, le milliardaire s’est attiré les foudres de la gauche, comme de la droite. A Los Angeles, comme dans son propre camp.
En affirmant que ce «cinglé de réalisateur était très mauvais pour notre pays», il n’a simplement pas su profiter d’un véritable deuil national pour se joindre aux larmes patriotiques, ou même, simplement, se taire.
Alors que ses plus fervents partisans le considèrent souvent comme leur propre père, Donald Trump a manqué une occasion d’agir comme tel, face à l’atroce fin de vie d’un Rob Reiner qui a nourri l’adolescence de millions d’Américains. Sans doute ignorait-il qu’en usant de sa cruauté verbale sur cet «abruti sans fin,» il minimiserait du même coup la douleur et la tristesse de sa propre progéniture politique.
Une bourde absurde, mais terrible.
Est-ce pour cette raison que Donald Trump a décidé de s’adresser au peuple américain, lui qui attend de pied ferme que papa s’occupe enfin de lui? Cela a sans doute pesé dans la balance. Toujours est-il que l’adresse à la nation est une arme usitée par les chefs d’Etat lorsqu’ils sentent qu’il y a urgence, que la base ne suit plus, que la friture danse sur la ligne.
Sa porte-parole a beau jurer qu’il «parlera au pays de ses succès historiques cette année et lèvera un coin de voile sur certaines décisions à venir l’an prochain», Donald Trump est désormais en mission de sauvetage de ses propres fesses. La vie chère, ses génuflexions à l’étranger et ses règlements de compte personnels fatiguent les Américains. Un bilan de fin d’année qui inquiète d’ailleurs le parti républicain, à quelques enjambées des midterms.
Pour ne rien arranger, sa glaçante cheffe de cabinet s’est plusieurs fois confiée à un journaliste de Vanity Fair durant l’année en cours, donnant lieu à deux articles-fleuves qui secouent Washington depuis mardi. Suzy Wiles, à la franchise brutale et bien qu’encore toute dévouée à son patron (qui a besoin d’elle), n’a pas manqué de peindre un président à la personnalité «d’alcoolique», dont elle avoue avoir freiné les ardeurs sur de nombreux dossiers depuis le 20 janvier.
Son vœu affiché de propager sa version de la paix au Moyen-Orient et en Ukraine n’est pas encore exaucé, ses astuces de dernière minute pour soulager le porte-monnaie des Américains ne convainc pas les économistes et l’immigration n’est pas sous contrôle, tant les dérapages s’accumulent. Bref, les mensonges ne font plus mouche et le verni s’effrite.
Mais si le président des Etats-Unis est bel et bien en difficulté, Donald Trump ne va doucement courber l’échine jusqu’en 2028. Avec cette influence qui chancelle aux yeux du monde, ses réflexes narcissiques risquent de le rendre encore plus agressif qu’il ne l’est aujourd’hui.
Très bon lorsqu’il doit camper l’outsider, le quasi-octogénaire est une véritable bête féroce une fois dans les cordes. Il suffit de se souvenir de sa foi inébranlable en lui-même et de sa combativité quand tout le monde lui prédisait un séjour en prison au lieu d’un retour à la Maison-Blanche. Sous les dizaines de charges d’accusation, le candidat a su éliminer un à un les obstacles censés anéantir ses chances de réélection.
S’il sait gagner le pouvoir, le perdre est une hantise handicapante pour celui qui se dit toujours convaincu d’avoir remporté les élections de 2020 et même les votes californiens en novembre dernier, alors que l’Etat de Gavin Newsom est pourtant l’un des derniers bastions solidement démocrates.
Une situation fragile qui pourrait faire basculer Trump dans une surenchère de violence politique et administrative, surtout si les midterms venaient à échapper au camp républicain l’an prochain. Un Trump plus dangereux en 2026? Rappelons tout de même que l’assaut du Capitole, dont il rêve de gracier la totalité des protagonistes, hante encore l’esprit de beaucoup de citoyens américains.
Nous n’en sommes pas encore là. Pour l’heure, le président compte sur sa célèbre force de persuasion pour renverser la vapeur et apaiser la frustration de la population. Et, ironie du sort, c’est peut-être bien feu le cinéaste Rob Reiner qui avait le mieux cerné l’arme favorite de Trump:
En sera-t-il de même cette nuit, lorsqu’il s’adressera officiellement à la nation depuis la Maison-Blanche? Réponse jeudi.
