International
Analyse

Trump est en panne

La folle soirée MAGA du Madison Square Garden, en octobre dernier, est de l’histoire ancienne. Donald Trump est en difficulté.
La folle soirée MAGA du Madison Square Garden, en octobre dernier, est de l’histoire ancienne. Donald Trump est en difficulté.images: getty, capture d’écran
Analyse

Trump est en panne

Une santé qui préoccupe, un clan MAGA qui s’entredéchire, une influence au sein du parti républicain qui s’effrite et une population américaine qui perd patience. Alors qu’il terrorise la planète, le président montre de sérieux signes de déclin aux Etats-Unis.
09.12.2025, 18:5309.12.2025, 18:53

Donald Trump est une pop star des années 80 et on ne tire jamais une diva de son rêve éveillé, sans risquer une volée de bois vert. Nous en sommes là aujourd’hui.

S’il est parvenu à fonder le mouvement MAGA comme on monte des shows à Las Vegas, c’est en dégainant un écran de fumée, un storytelling, une attitude, un égotrip, une collection de chorégraphies, un ton, une énergie, une gestuelle, un peu de maquillage, de verni, de pyrotechnie et des figurants aussi rodés qu’une bonne vieille Dodge Challenger.

Un monde fantasmagorique qu’il a su revendre à la population américaine en novembre dernier, majoritairement grâce à un tube nationaliste que les Etats-Unis d’avant 1940 connaissent bien: «America First». Le hic, c’est que tout ce qui se nourrit de paillettes ne survit pas bien longtemps si la magie du spectacle s’étiole. Si le public commence à apercevoir les fils au-dessus des marionnettes, l’usure aux coutures. Si la réalité s’immisce peu à peu dans le scénario.

De nombreux indices tendent à démontrer que Donald Trump est aujourd’hui dans la peau d’une bête de scène fatiguée et surtout frustrée, car à court de subterfuges pour maintenir son audience dans l’illusion. Une audience qui n’est pas l’Union européenne, la Chine, Poutine, le jury du Nobel, le patron de Rolex ou Gianni Infantino, mais les Américains. Cet immense électorat qui lui a permis de gravir une nouvelle fois les marches du pouvoir mondial, mais qui le freine aujourd’hui en lui demandant (déjà) des comptes.

Du rassemblement festif, roboratif et crâneur du Madison Square Garden, le 27 octobre 2024, ne reste qu’une série de promesses que la population, cette chair à canon qui prend aujourd’hui la poussière dans le grand cirque Trump, n’ose quasi plus espérer.

Souvenez-vous de l’entrée en scène de l’avocate Alina Habba:

Alors que le succès d’un artiste se mesure à son endurance dans les hit-parades, la popularité du président des Etats-Unis se lit d’abord dans les courbes.

En cette fin d’année 2025, ils sont 55% à ne pas goûter aux politiques du président et ce ne sont pas que des démocrates rompus aux critiques à l’égard du milliardaire. La raison principale de cette impatience du peuple américain: l’accessibilité financière (affordability), considérée d’ailleurs comme une «arnaque démocrate» par Trump, n’est plus tant une préoccupation qu’il peut apaiser d’un refrain tapageur ou imputer à l’administration Biden. Surtout à quelques mois de la joute sanglante des Midterms.

Un an après son élection, le voilà dans l’obligation d’affronter quelque chose qui l’a toujours profondément ennuyé: s’atteler à la tâche et résoudre de vrais problèmes politiques.

Sans jeu de lumières, ni sono qui dépote.

Cette frustration transpire aujourd’hui de chacune de ses apparitions et prises de parole. Alors qu’il affirme à tort que «les recettes douanières pourraient permettre aux Américains de ne plus payer d'impôts sur le revenu», il a retiré il y a trois semaines les droits de douane sur le bœuf et le café. C’est moins un programme économique qu’une concession spontanée, comme on décale le couvercle d’une cocotte pour éviter que l’eau ne déborde.

«Are you stupid?»

Plus généralement, le président peine à cacher son impuissance et son agacement sous les piques sarcastiques qu’on lui connaissait, comme lorsqu’il traita la journaliste Catherine Lucey de «truie». Ou encore, plus récemment, quand Nancy Cordes lui a demandé pourquoi il charge, encore aujourd’hui, l’administration Biden de tous les maux.

«Are you stupid? Are you a stupid person? Your are just asking questions because you’re a stupid person!»
Donald Trump à Nancy Cordes, la correspondante de CBS News à la Maison-Blanche.

Qu’il le veuille ou non, le peuple américain se fiche pas mal de ses assauts contre le reste du monde, de sa volonté d’imposer son rythme à la planète et son CV à la postérité. Quand une population craint pour son porte-monnaie, plus rien d’autre ne compte à ses yeux.

Une réalité qui avait également précédé la grave chute de popularité de Joe Biden durant son mandat.

«De hauts fonctionnaires m’ont affirmé qu’ils essaient de faire en sorte de planifier des voyages dans le pays pour que Trump puisse parler de sa politique économique avec les Américains et explique clairement comment il compte faire baisser les prix»
Tyler Pager, correspondant à la Maison-Blanche pour le New York Times.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul parallèle avec le président démocrate que Trump est en droit de redouter. Quand le gourou MAGA ne s’emporte pas, il s’assoupit. Littéralement. Devant les caméras et des proches qui redoublent d’énergie pour détourner l’attention ou prouver qu’il est en pleine forme. Probablement la plus grosse épine dans son pied, que tout le monde fixe à cause de chevilles qui enflent à vue d’œil.

Le plus vieux président américain jamais élu a beau anticiper les comparaisons en s’attaquant sans relâche à son ancien adversaire («Il dort tout le temps — le jour, la nuit, sur la plage, moi, je ne dors pas», disait-il encore fin novembre), l’âge et la vigueur de Trump sont à la fois un sujet bouillant dans la capitale américaine et un mème récurrent sur internet.

Trump est-il endormi ou vraiment très concentré?
Trump est-il endormi ou vraiment très concentré?image: getty

Si «sa» Maison-Blanche, son entourage et ses médecins se bornent à rabâcher que Trump est en «excellente forme» (sans jamais en apporter de preuves formelles), une enquête du New York Times révèle plusieurs changements préoccupants dans son quotidien. Moins de voyages intramuros et un agenda américain qui se vide: «Le nombre total d'apparitions officielles de M. Trump a diminué de 39%».

«En 2017, première année de son premier mandat, ses événements commençaient en moyenne à 10h31. En revanche, lors de son second mandat, ses événements débutent en moyenne l'après-midi, à 12h08»
Selon une enquête du New York Times

Des détails peu politiques qui peuvent sembler anodins, mais qui ont pourtant nourri la campagne du principal intéressé, au moment de s’acharner sur la santé et les capacités cognitives de son adversaire démocrate, jusqu’à son abandon. Un retour de manivelle d’autant plus difficile à encaisser que Donald Trump ne sera jamais l’homme politique que Joe Biden a été.

Ce n’est pas tout. L’ancien show-man du Madison Square Garden, alors entouré d’une ribambelle de soldats motivés, car assoiffés de faveurs, doit désormais se coltiner des dissensions au cœur même de son mouvement (l’affaire Marjorie Taylor Greene et le dossier Epstein n’étant que des frasques émergées de l’iceberg).

En outre, alors que ses interlocuteurs étrangers le redoutent plus que jamais, notamment en Suisse, chez lui, aux Etats-Unis, Donald Trump montre de sérieux signe de déclin et son influence au sein du parti républicain commence à s’effriter.

«Le plus grand changement dans la politique américaine de ces derniers mois, c'est que plus personne n'a peur de Trump»
David Rothkopf, analyste politique dans le Daily Beast.

C’est d’ailleurs l’un des plus grands dangers pour Trump, mais aussi pour le parti. Au Congrès, la vieille garde républicaine traîne la patte lorsqu’il s’agit de soutenir des lois voulues par le président populiste, comme la baisse des prix des médicaments.

A l’interne, certaines voix tirent déjà la sonnette d’alarme, avec les élections de mi-mandat à l’esprit. A l’instar du sénateur Josh Hawley, dans le média Semafor:

«Les électeurs républicains ne sont pas dupes. Ils ne votent pas par loyauté envers un parti ou un autre. Ils votent pour améliorer leurs conditions de vie. Tôt ou tard, il y aura forcément une rupture. Cela m’inquiète».

Reste désormais à savoir si Donald Trump, après avoir poncé le parti à sa gloire et encore très occupé à effrayer les gouvernements étrangers, aura la capacité ou même l’envie de se soucier de l’avenir d’une famille républicaine fracturée. Au point de quitter l’habit de lumière et enfiler le tablier du tâcheron politique, afin d’offrir aux électeurs ce pour quoi ils l’ont élu en novembre 2024: une version de cet America First qui leur permettrait réellement de boucler les fins de mois.

Rien n’est moins sûr.

Les nouvelles images de l'île de Jeffrey Epstein
1 / 14
Les nouvelles images de l'île de Jeffrey Epstein

De nouvelles photos de l'île d'Epstein publiées

source: house oversight democrats
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
Mort de celui qui a défié les braconniers pour sauver les éléphants
Le fondateur de Save the Elephants, figure majeure de la lutte contre le braconnage, s’éteint à Nairobi après une vie dédiée aux pachydermes.
Le défenseur britannique de l'environnement Iain Douglas-Hamilton, fondateur de l'ONG «Save the Elephants», est mort à l'âge de 83 ans. L'annonce a été faite mardi par son association caritative.
L’article