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Los Angeles: Donald Trump est pris au piège

Karoline Leavitt, Donald Trump et la liberté d’expression
Donald Trump et sa porte-parole Karoline Leavitt ne sont pas très à l’aise en ce moment.images: getty, montage: watson
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Trump est pris au piège

Liberté d’expression ou violente répression? Le dilemme est immense pour Donald Trump. Depuis le début des manifestations à Los Angeles, contre les expulsions massives d’immigrants illégaux, le président a le cul entre deux chaises. La preuve, sa porte-parole en a fait les frais, cette nuit, durant un briefing extrêmement tendu.
12.06.2025, 11:5412.06.2025, 12:13
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Donald Trump et son régiment d’aficionados tueraient père et mère pour continuer à défendre bruyamment le Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Du moins leur propre regard, très édulcoré, sur un texte qui comporte en réalité plusieurs passages qu’ils souhaiteraient sans doute dézinguer discrètement.

Alors que la liberté d’expression, version MAGA, est concassée dans l’expression «free speech», la version officielle protège cinq libertés considérées comme fondamentales: la religion, la parole, les médias, le droit de réunion et le droit de soumettre une requête citoyenne au gouvernement fédéral.

Vous avez sans doute déjà compris où ça coince.

(Et pas seulement concernant les journalistes, que Donald Trump déteste et rêve de bâillonner définitivement depuis qu’il s’est lancé en politique.)

Alors que le «free speech» a été fermement brandi durant la dernière campagne présidentielle, et plus généralement lorsque les démocrates sont au pouvoir, l’endurance des trumpistes s’essouffle rapidement une fois leurs valises à la Maison-Blanche pour quatre ans. Les manifestations qui tendent les artères de la ville de Los Angeles depuis une semaine sont d’ailleurs le parfait témoin de ce retournement de veste.

Depuis que le 47e président a décidé de déployer la Garde nationale pour contenir ce qu’il considère comme des «émeutes», pour en finir avec «le chaos et restaurer la loi et l’ordre», deux questions se posent:

  1. Le pouvoir que s’arroge Donald Trump dépasse-t-il les bornes démocratiques?
  2. Le Premier amendement est-il plus important que la fin des affrontements en Californie?

Cette seconde question a été posée par un journaliste du New York Times durant un point presse de la Maison-Blanche, dans la nuit de mercredi à jeudi, mené par Karoline Leavitt. Un briefing de 26 minutes particulièrement tendu, durant lequel la porte-parole, souvent combattive, a dû s’accrocher à son pupitre pour justifier plusieurs décisions aussi sensibles que controversées. Le déploiement de la Garde nationale, bien sûr, mais surtout la répression automatique de toutes les manifestations contre les expulsions massives d’immigrés illégaux, jugées «violentes».

«Pourquoi Donald Trump ne déclare-t-il pas ouvertement que tous les manifestants pacifiques seront systématiquement protégés?»
David Sanger, correspondant du New York Times à la Maison-Blanche

Démarre alors une série de joutes verbales aussi passives qu’agressives, pour tenter de définir la liberté de gueuler contre des décisions du gouvernement, face à la nature réelle des protestations qui gagnent désormais tout le pays. Selon Karoline Leavitt, «même si le président soutient la liberté d’expression et le droit de manifester, ce n’est pas la majorité des comportements que nous avons vus se produire à Los Angeles».

Une question de point de vue? Pas vraiment. Si quelques débordements violents ont effectivement été signalés, l’idée de Donald Trump derrière le déploiement de la Garde nationale est de prétendre que le bastion démocrate que représente la Californie est hors de contrôle et d’en mettre plein les yeux à une population américaine qu’il croit majoritairement en faveur d’une réponse sévère face à l’immigration illégale.

Au milieu, le Premier amendement des Etats-Unis commence à manquer d’oxygène. Alors que la porte-parole s’est elle aussi sentie prise au piège entre deux notions sur lesquelles la Maison-Blanche refuse de perdre pied, elle a doucement insulté l’intelligence d’un journaliste, claqué ses porte-documents sur le pupitre et quitté la salle de presse avec empressement.

Malaise.

«Donc, s’il y avait des manifestations pacifiques samedi pour le défilé militaire, le président les autoriserait-il?»
Un journaliste
«Bien sûr que le président soutient les manifestations pacifiques. Quelle question stupide!»
Karoline Leavitt

Voici la fin du briefing:

Une parade militaire, inédite aux États-Unis depuis plus de trente ans, qui est censée célébrer les 250 ans de l'armée américaine, sauf qu’elle tombe (Ô surprise) sur l’anniversaire de Donald Trump.

En marge des manifestations qui pullulent dans le pays contre les expulsions massives, cette étrange birthday party à Washington pourrait devenir un stress test pour un 47e président qui fait mine d’hésiter entre répression et liberté d’expression. Surtout que cette dernière est difficile à prôner crânement, lorsque l’on déploie des Marines dans tout le pays, avec une démesure sévèrement condamnée.

Donald Trump a-t-il déjà oublié sa grande mise en scène, dans la foulée de son intronisation en janvier dernier, durant laquelle il a signé un décret pour rappeler son objectif de protéger «le droit de parler librement sur la place publique sans interférence du gouvernement»?

«La censure gouvernementale de la parole est intolérable dans une société libre»
Donald Trump, en janvier dernier.
Image

En début de semaine, le même Donald Trump, inquiet pour sa belle parade militaire de samedi (et pas seulement à cause d’une météo pourrie), a déclaré que «si des manifestants veulent manifester, ils seront confrontés à une répression très violente».

Qui croire? Le gourou du mouvement MAGA qui déteste la censure gouvernementale lorsqu’il n’est pas au pouvoir ou le président des Etats-Unis qui déteste être contredit une fois qu’il y est? Les prochains jours seront sans doute déterminants sur l’avenir de cette étrange «free speech» à géométrie variable. Car elle semble bien loin, l’époque où l’homme de bientôt 79 ans avait tweeté « grosse manifestation à Washington D.C. le 6 janvier. Venez, ça va être chaud », quelques jours avant l’assaut du Capitole.

Elle a 85 ans et fait des montagnes russes chaque semaine
Video: watson
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