Plus de 100 criminels tués lors d'une opération de police à Rio
Mardi s'est déroulée la plus grande opération policière jamais vue dans l'histoire de Rio de Janeiro, au Brésil, qui a mobilisé 2500 agents des forces de l'ordre contre le Comando Vermelho, le principal groupe criminel de Rio qui opère dans les favelas, quartiers populaires densément peuplés.
Tirs intenses, barricades, incendies: l'opération s'est concentrée sur deux ensembles de favelas du nord de Rio, Complexo da Penha et Complexo do Alemao, situées à proximité de l'aéroport international. Le gouverneur de l'Etat de Rio, Claudio Castro, a annoncé mardi que «60 criminels ont été neutralisés». Quatre policiers au moins ont été tués. Mercredi, le bilan est passé à plus de cent morts.
Les raids musclés des forces de l'ordre sont, malgré leur efficacité contestée, fréquents à Rio. Ils visent notamment les favelas, quartiers pauvres et densément peuplés, souvent sous le joug de trafiquants de drogue. Mais l'opération de mardi, par son ampleur et sa violence, a créé un choc, jusqu'au haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, qui s'est dit «horrifié» et a demandé des «enquêtes rapides».
Le gouverneur a aussi annoncé l'arrestation mardi de «81 criminels», ainsi que la saisie de 75 fusils d'assaut et d'«une énorme quantité de drogue».
Plus de 40 corps alignés
A l'hôpital Getulio Vargas, d'où l'on entendait les rafales tirées non loin, un défilé ininterrompu de véhicules déposait devant l'entrée des cadavres et des blessés par balles, policiers, délinquants présumés ou simples habitants.
A Vila Cruzeiro, une favela du Complexo da Penha, des policiers lourdement armés gardaient une vingtaine de jeunes hommes interpellés. Serrés les uns contre les autres, ils étaient assis par terre la tête baissée, pieds et torse nus. «Tout le monde est terrorisé», a dit la responsable d'un projet social qui est en contact à distance avec des habitants du Complexo da Penha.
Des habitants d'une favela du nord de Rio de Janeiro ont par ailleurs aligné plus de 40 corps sur une place mercredi matin. On ignore si les corps sont ceux d'une partie des victimes annoncées la veille par les autorités. Les dépouilles ont été disposées près de l'une des principales voies du Complexo da Penha, l'une des grandes favelas de Rio.
Jusqu'à présent, l'opération policière la plus meurtrière à Rio, ville de plus de 6 millions d'habitants, avait eu lieu durant la pandémie de Covid-19, en 2021, quand 28 personnes étaient mortes en une seule journée dans la favela de Jacarezinho.
Des bus utilisés comme barricades
L'opération visait à «combattre l'expansion territoriale du Comando Vermelho» (commando rouge), l'une des principales factions criminelles du Brésil, implantée dans plusieurs Etats du pays, a précisé le gouvernement de l'Etat de Rio sur le réseau social X.
Les policiers ont mobilisé deux hélicoptères, 32 véhicules blindés et «douze véhicules de démolition» utilisés pour détruire des barricades. Stratégie courante des gangs lors des affrontements avec la police, «plus de cinquante bus ont été utilisés comme barricades», a précisé le syndicat des entreprises d'autobus de Rio.
Les ONG se désolent
Des spécialistes et organisations de défense des droits fondamentaux critiquent la stratégie des forces de sécurité, la jugeant peu efficace contre les organisations criminelles. «Une opération policière qui entraîne la mort de plus de 60 habitants et policiers est une énorme tragédie», a déclaré César Munoz, directeur de l'ONG Human Rights Watch au Brésil. Il a réclamé l'ouverture d'enquêtes sur «chaque mort».
La commission des droits de l'homme de l'assemblée législative de Rio a annoncé qu'elle exigerait «des explications sur les circonstances de l'action, qui a de nouveau transformé les favelas de Rio en un théâtre de guerre et de barbarie», selon Dani Monteiro, présidente de la commission.
En 2024, environ 700 personnes sont mortes lors d'interventions des forces de l'ordre à Rio, soit presque deux par jour.
Lula «sidéré»
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva est «sidéré» par le bilan de l'opération policière qui a fait plus de cent morts à Rio de Janeiro. L'information a été donnée mercredi par son ministre de la Justice.
«Le président a été sidéré par le nombre de décès et s'est montré surpris du fait qu'une opération de cette envergure ait été mise en place à l'insu du gouvernement fédéral», a déclaré le ministre Ricardo Lewandowski à Brasilia.
(acu/ats)


