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Après les raids meurtriers de Rio, le Brésil est face à un choix

Des personnes alignent des corps sur la place Sao Lucas de la favela Vila Cruzeiro, dans le complexe Penha à Rio de Janeiro, au Brésil, le 29 octobre 2025, au lendemain de l'Opération Contencao ( ...
Des corps alignés dans une favela de Rio, au lendemain de l'Opération Contencao (Opération Confinement).PABLO PORCIUNCULA/AFP

117 criminels tués lors d'un raid policier: le Brésil adopte la manière forte

Au Brésil, une récente et sanglante opération de police contre le narcotrafic à Rio de Janeiro questionne politiciens comme citoyens. Entre ras-le-bol de l'insécurité et choc de la violence policière, le pays est divisé sur la question de la lutte contre le crime organisé.
31.10.2025, 15:4331.10.2025, 16:46
Lucia LACURCIA, Rio de Janeiro / AFP

Avec un lourd bilan et des images effroyables, l'intervention policière la plus meurtrière jamais menée au Brésil a provoqué la sidération.

Mais au sein d'une population lassée de l'insécurité, le recours à une répression de plus en plus radicale, défendu par la droite, bénéficie d'un soutien croissant.

Une descente sanglante qui trouve son soutien

L'opération menée mardi dans deux complexes de favelas de Rio de Janeiro a fait au moins 121 morts, selon les autorités, dont 117 criminels présumés et quatre policiers. Elle a été qualifiée de «succès» contre le «narcoterrorisme» par le gouverneur de l'Etat, le conservateur Cláudio Castro.

Alors que les images de dizaines de corps alignés dans la rue d'une des favelas sont encore vives dans les esprits du pays, un groupe de députés partisans de l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022) a apporté jeudi son soutien à l'opération qui visait à frapper l'organisation criminelle Comando Vermelho (Commando Rouge, en français).

Le gouverneur de Rio de Janeiro, Claudio Castro (à droite), s'exprime aux côtés du ministre brésilien de la Justice, Ricardo Lewandowski (à gauche) après l'opération Operacao Contencao (opér ...
Le gouverneur de Rio de Janeiro, Claudio Castro (à droite), s'exprime aux côtés du ministre brésilien de la Justice, Ricardo Lewandowski (à gauche) après l'opération Operacao Contencao (opération de confinement).Image: PABLO PORCIUNCULA / AFP

Une votation à l'horizon

Ces élus ont annoncé qu'ils accéléreraient l'adoption d'une proposition visant à classer le «CV» et le Primeiro Comando da Capital (PCC), les deux principaux groupes de narcotrafiquants au Brésil, comme «organisations terroristes».

La proposition «est en passe d'être votée» en séance plénière de la Chambre des députés, a déclaré lors d'une conférence de presse la députée Chris Tonietto, du Parti libéral de Bolsonaro.

A ses côtés, un responsable de la police civile de Rio, Felipe Curi, a également défendu cette classification, qui permettrait aux forces de sécurité d'utiliser des armes plus meurtrières pour «neutraliser» les délinquants. Il résume:

«La législation brésilienne est extrêmement laxiste»
Des fusils d'assaut saisis lors de l'opération meurtrière Operacao Contencao.
Des fusils d'assaut saisis lors de l'opération meurtrière Operacao Contencao.Image: MAURO PIMENTEL / AFP

L'intervention policière a suscité l'indignation des organisations de défense des droits humains, et l'ONU a exigé une enquête. Les proches de certaines des personnes tuées ont dénoncé des exécutions sommaires. Un journaliste a même constaté la présence d'un corps décapité.

Une population lassée de la violence quotidienne

Le président, Luiz Inácio Lula da Silva, dont le gouvernement n'avait pas été prévenu de ces raids, a appelé à ne pas mettre en danger la population et les policiers. Mais le dirigeant de gauche a aussi cherché à se montrer ferme, affirmant que le Brésil ne pouvait «accepter» le crime organisé.

Et jeudi, il a promulgué une nouvelle loi qui réprime les entraves à la lutte contre les gangs.

Accusé jusqu'au sein de son électorat de laxisme face à l'insécurité, Lula est sous pression, car l'opération de mardi attise le discours en faveur d'une ligne dure parmi une population lassée de l'insécurité chronique.

Anselmo Pereira, un retraité de 67 ans habitant à Meier, un quartier de classe moyenne dans le nord de Rio, exprime son point de vue. Pour lui:

«L'opération dans les favelas était opportune, efficace et nécessaire»

Et d'ajouter: «Elle aurait même dû être menée plus tôt, car aujourd'hui, les citoyens ne se sentent pas en sécurité dans la rue: on quitte son domicile sans savoir si on pourra y revenir.»

Une femme pleure à côté de corps alignés sur la place Sao Lucas de la favela Vila Cruzeiro.
Une femme pleure à côté de corps alignés sur la place Sao Lucas de la favela Vila Cruzeiro.Image: PABLO PORCIUNCULA / AFP

Une opinion publique clivée

S'appuyant sur le comportement en ligne de près de deux millions de personnes au Brésil après l'opération policière, une étude de la Fondation Getulio Vargas a révélé jeudi une forte polarisation politique et une forte pression du public pour que les autorités prennent des mesures pour lutter contre la criminalité, a rapporté le site Portal G1.

Ailleurs en Amérique latine, les dirigeants d'Equateur ou du Salvador ont adopté une approche radicale face au fléau du narcotrafic, ce qui leur valut des critiques des organisations de défense des droits humains, mais aussi une grande popularité et le soutien de Donald Trump.

Une vue de la favela Vila Cruzeiro dans le complexe Penha à Rio de Janeiro, au lendemain de l'opération.
Une vue de la favela Vila Cruzeiro dans le complexe Penha à Rio de Janeiro, au lendemain de l'opération.Image: PABLO PORCIUNCULA / AFP

Le sénateur Flávio Bolsonaro, fils de l'ancien président, a annoncé qu'il se rendrait avec son frère Eduardo, député, au Salvador pour étudier les stratégies employées par le président Nayib Bukele. Ce dernier a décrété l'état d'urgence en mars 2022, mesure toujours en vigueur qui a donné lieu à des dizaines de milliers d'arrestations, y compris sans mandat.

Flávio Bolsonaro avait suggéré la semaine dernière que les Etats-Unis bombardent des bateaux à Rio de Janeiro, à l'instar de la campagne menée par l'administration Trump contre ce qu'elle qualifie de «narcoterrorisme» dans les Caraïbes.

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