Il y a un verbe pour ça: s’accrocher. Il traduit ce moment pénible dans un couple, où l’un des partenaires ne comprend pas que la relation est finie. On dit qu’il ou elle s’accroche. A vrai dire, il n’y a jamais eu le début du commencement d’une relation dans le cas de figure qui va suivre, mais l’un continue de se convaincre que l’autre veut de lui. Problème: ce dernier entretient l’illusion, trouvant avantage à cette asymétrie des sentiments.
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Cette situation, c’est celle du mouvement LGBTIQ+, ou queer. Il s’est mis en tête qu’il fallait faire copain-copain avec l’islam, la religion des réprouvés, frères en humanité dominée. Sauf que cette démarche n’a ni queue ni tête. L’islam contemporain, dans son expression politique dominante, est très peu LGBT friendly. Il est même tout à fait conservateur sur les mœurs.
Si conservateur, que la mosquée «libérale» Ibn Rushd Goethe, ouverte à Berlin en 2017 par une femme germano-turque, a dû fermer fin octobre après qu’un de ses membres, musulman, eut fait son coming-out, suivi de menaces. Tout cela dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas.
Cette guerre, parlons-en. Quelque chose ne tourne pas rond dans la tête des LBGTIQ+, tendance woke. Aux Etats-Unis, ils militent dans le mouvement «Queers for Palestine» et sont particulièrement actifs sur les campus universitaires, s'y comportant en commissaires politiques. Ce n’est pas le soutien en tant que tel à la Palestine qui est ici en cause. On peut concevoir que le combat des Palestiniens pour obtenir un Etat sur leur propre terre emporte l’adhésion d’un nombreux public en Occident.
Non, le problème, le gros problème, c’est la complète indifférence pour les victimes juives du massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas. C’est, dans le même temps, la reprise d’un slogan – «Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre» (du Jourdain à la Méditerranée) – qui nie l’existence d’Israël et le droit des juifs à un Etat. La valise ou le cercueil: telle était l’alternative offerte par les nationalistes algériens aux Européens au temps de l’Algérie française. Les gens du Hamas, la tuerie de masse du 7 en atteste, ne pensent pas différemment.
Pour nos militants LBGTIQ+, le juif d’Israël est un colon qui doit laisser sa place au Palestinien. Rien ne doit les détourner de cette vision. Surtout pas l’émotion et le dégoût provoqués par les atrocités commises en un jour sur plus d’un millier de civils israéliens, Israël ne pouvant s’en prendre qu’à lui-même. Aussi ces militants arrachent-ils systématiquement les affiches montrant les otages – 240 sont retenus dans la bande de Gaza – collées dans les couloirs ou les cafétérias des campus.
Une attitude cruelle, assez en phase avec le wokisme, cette bienveillance hargneuse. Pour les wokes, le Blanc est seul responsable des malheurs du monde. Le Blanc et son «supplétif» le juif, selon l’expression d’Houria Bouteldja, la prêtresse franco-algérienne du décolonialisme. A ce titre, le juif ne saurait faire valoir sa condition de minoritaire, lui qui bénéficie tant du système…
Des voix aux Etats-Unis s’élèvent contre cette dérive antisémite. A Columbia (New York), un professeur israélien dénonce la «lâcheté» des présidents des plus prestigieuses universités américaines, qui n’ont pas dit un mot pour les otages, qui se taisent face aux «manifestations pro-terreur» (celle infligée par le Hamas le 7 octobre).
Ce professeur a raison.
— Marion Van Renterghem (@MarionVanR) November 3, 2023
Les manifestations pro-palestiniennes (sauf exceptions?) prétextent la défense de la cause palestinienne pour s’exalter de l’assassinat de juifs.
Elles justifient le projet d’extermination du Hamas.
Ma chronique de @franceinter
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Cette situation pourrait, comme souvent aux Etats-Unis, avoir des suites judiciaires. Des milliers d’étudiants juifs invoqueront peut-être un décret présidentiel signé par Donald Trump en 2019, qui inclut les discriminations antisémites dans la loi de 1964 sur les droits civiques. Par ailleurs, des cabinets d’avocats font savoir qu’ils regarderont à deux fois avant d’embaucher des étudiants s’étant signalés par des comportements violents à l’égard des juifs.
Il y a là comme une prise de conscience. Ce n’est une découverte pour personne: les juifs sont tout sauf absents du monde académique, de celui des médias ou des cabinets d’avocats susnommés. Cette présence n’est pas sans rapport avec les avancées sociétales de ces dernières années. Le judaïsme américain a ses orthodoxes, il a surtout ses progressistes. Du New York Times aux studios hollywoodiens. Les wokes, qui se retournent aujourd’hui contre eux, leur doivent beaucoup.
«Trop bon, trop con», doit-on se dire dans l’intelligentsia judéo-américaine, si cette expression a encore une réalité de nos jours. Les pogroms, les massacres, les génocides nous enseignent que l’élite désignée comme telle et comme ennemie, ne peut rien face à la foule, face au nombre. Ceux qui, aux Etats-Unis, confondent soutien à la Palestine avec éradication des juifs d’Israël doivent comprendre qu’ils se mettent en dehors des valeurs qui fondent l’humanité.
Pauvres militants LGBTIQ+ qui se jettent dans la gueule du loup qui veut les manger. C’est l’autre dimension du problème. La dimension communautariste. Dans un pays, les Etats-Unis, où les droits des communautés l’emportent sur la vision universaliste encore dominante en Europe continentale, il suffit qu’une communauté s’impose quelque part pour qu’en découle une administration fidèle à sa vision.
«Le 13 juin, le conseil municipal de la ville de Hamtramck, dans le Michigan, 28 000 habitants, désormais exclusivement musulman et socialement conservateur, a adopté une loi interdisant l’affichage de drapeaux ethniques, religieux, raciaux et politiques, à commencer par le drapeau LGBTQ+ sur les propriétés publiques de la ville», rapportait ce mois-là le magazine L’Express. Qui notait le soutien apporté par la droite chrétienne conservatrice à ce genre d’interdiction.
Aujourd’hui, en réponse à l’aveuglement de ces militants LGBTIQ+ face au Hamas prônant la mort pour les homosexuels, la parodie joue son rôle de révélateur. C'est le cas dans cette vidéo ci-après, produite par une émission satirique israélienne:
"Columbia Untisemity": Israel's No. 1 Satire program mocks the support for Hamas on college campuses@mulisegev@Eretz_Nehederet pic.twitter.com/v3BogKbS5y
— Yonit Levi (@LeviYonit) November 5, 2023
Là, c’est un jeune militant britannique propalestinien masqué, qui, lors d’une récente manifestation anti-israélienne à Londres, tombe des nues en découvrant que des musulmanes ne partagent pas son point de vue sur les questions de genre:
Un militant d'extrême gauche est choqué lorsqu'il découvre que les jeunes femmes musulmanes avec lesquelles il a défilé lors de la manifestation anti-israélienne à Londres ne partagent pas son point de vue sur les questions LGBTQ+. pic.twitter.com/FvWGzDsl6B
— Anton Struve (@AntonStruve) November 5, 2023
Comment des individus faisant profession de progressisme ont-ils pu à ce point se fourvoyer dans ce concept fumeux d’intersectionnalité, qui fait de la religion, l’islam en l’espèce, un biais de minorité, quand sa vocation est d’être hégémonique? C’est insensé. La centaine de Palestiniens LGBT qui ont trouvé refuge l’an dernier en Israël, savent le poids terrible de la religion lorsqu’elle est au service des intolérants. L’un de ces gays n’a pas échappé pas à la mort – filmée et accompagnée de supplices – après avoir été ramené de force en Cisjordanie. Cela ne justifie en rien les brimades infligées par Israël à des Palestiniens de cette même Cisjordanie sous occupation. Cela veut dire qu'il ne faut pas se tromper de cause à défendre.