Il semble que plan de Volodymyr Zelensky pour la victoire de l'Ukraine sur la Russie ressemble plus à un résumé de revendications connues qu'à une nouvelle solution. Présenté mercredi à l'opinion publique mondiale, il doit être compris comme un appel aux partenaires occidentaux. Le président ukrainien a énuméré cinq points. Trois ajouts au plan sont secrets.
La liste des revendications ukrainiennes est bel et bien le reflet du débat en Europe occidentale autour de la Russie, qui oscille entre le déni de la réalité, l'attachement aux réalités passées et la reprise des talking-points russes.
La réalité de l'Ukraine est la suivante: c'est la guerre depuis 2014. Une guerre qui s'inscrit parfaitement dans des siècles d'histoire ukraino-russe. Le message souvent répété de Moscou est l'anéantissement de l'Ukraine. Et cela se manifeste par des tirs arbitraires sur des cibles civiles, des hôpitaux pédiatriques et des immeubles, par la torture systématique, les viols et les enlèvements d'enfants.
Au lieu d'agir, les partenaires occidentaux s'en tiennent à de vieux schémas de pensée. Par exemple, dans le débat sur les cibles contre lesquelles les armes livrées à l'Ukraine peuvent être utilisées, afin de ne pas franchir les lignes rouges de la Russie. La Russie a annexé les territoires occupés de l’Ukraine: du point de vue russe, toute contre-attaque ukrainienne est donc une attaque contre le territoire russe.
En Pologne, en République tchèque ou dans les pays baltes, le débat sur l'Ukraine est pourtant fondamentalement différent. Ces pays savent très bien que la domination russe ne signifie pas seulement qu'on hisse un autre drapeau sur la mairie.
Le débat occidental passe en effet systématiquement à côté d’un point essentiel: Moscou a choisi très consciemment de mener cette guerre. Cette guerre n'a jamais «dégénéré». Et Moscou poursuit des objectifs qui vont bien au-delà de l'Ukraine.
Ce que Vladimir Poutine a en ligne de mire, ce n'est rien de moins que l'ordre mondial global tel que nous le connaissons, avec l'intangibilité territoriale comme pièce maîtresse. On n'ose imaginer les conséquences d'un abandon de ce principe.
Il est clair que les anciennes solutions ne fonctionnent pas dans cette guerre. L'ONU est dans le coma, d'autres organisations comme l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont en grande partie paralysées. Cela n'a donc aucun sens, du moins à ce stade, de discuter de troupes de l'ONU ou d'autres missions de maintien de la paix si la Russie peut participer à la définition du mandat d'une telle mission. L'UE n'a pas de mandat militaire. Reste l'Otan, seule organisation internationale capable d'assurer des garanties de sécurité pour l'Ukraine.
Il est donc logique que l'Ukraine demande à être rattachée à l'Otan. Tout comme la demande de pouvoir utiliser des armes selon sa propre planification. Et même si Zelensky parle d'une fin possible de la guerre en 2025, les exigences de sécurité économique et de dissuasion durable vis-à-vis de la Russie sont logiques elles aussi.
Les engagements russes ne valent rien. L'espoir que la société russe se soulève un jour n'existe plus. Sans un changement d'attitude de la société russe, y compris l'abandon des rêves impériaux et du militarisme, il n'est pas possible de coopérer d'égal à égal avec la Russie.
Minimiser cette guerre ne la fera pas disparaître. Au contraire, Poutine la pousse toujours plus loin, dernièrement avec le transfert de soldats nord-coréens en Ukraine. Alors que l'on débat ici de la ligne rouge et de la désescalade, la Russie continue de faire la guerre.
Traduit de l'allemand par Anne Castella