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Sur la guerre d'Israël contre le Hamas, Selena Gomez a raison

Sur la terreur au Proche-Orient, c'est Selena Gomez qui a raison
Selena Gomez a été noyée d'insultes pour ne pas avoir choisi son camp dans le conflit qui oppose le Hamas et Israël. D'autres ont décidé d'invoquer Hitler.images: getty, montage: watson
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Sur la terreur au Proche-Orient, c'est Selena Gomez qui a raison

En décidant de quitter les réseaux sociaux, effrayée par «toute l'horreur, la haine et la violence du monde», la star américaine s'est vue accusée de ne «pas prendre position». Le même jour, en France, un athlète a invoqué Hitler, cet «enfant de chœur», pour critiquer Netanyahou. La guerre des opinions a bel et bien franchi le Rubicon.
02.11.2023, 16:5905.11.2023, 10:57
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Le monde n'est pas que polarisé. Il est braillard, dissipé, intolérant, narcissique et un peu con. Dites que vous détestez les röstis, vous êtes certains de recevoir une menace de mort de l'Amicale des amoureux de la patate. C'est fou le temps qu'on peut prendre pour en faire perdre à l'autre.

Ce qui est rendu possible par la technologie, par exemple une confession féculente à ses 184 abonnés sur Facebook, ne devient pas forcément un devoir. Rien, hormis peut-être une soif d'attention, une pression sociale et une prodigieuse envie de faire chier, ne forcera un être humain à embouteiller la planète de son opinion. Alors quand le flocon de rösti se transforme en missile et que le Hamas et l'armée israélienne remplacent l'amicale de la patate, chaque mot a le potentiel de coller méchamment à la poêle.

Un risque qu'a bien voulu prendre un athlète français à la retraite, envahi brusquement par le besoin d'évoquer le IIIe Reich sur la plateforme d'Elon Musk.

«Hitler, c'est un enfant de coeur à côté de Netanyahou! L’Occident de vrais collabos»
(la faute d'orthographe est d'origine)

Bim. Voilà. C'est dit.

On imagine aisément Mekhissi Mahiedine, chez lui, partageant discrètement depuis trois semaines les critiques à l'encontre de l'Etat hébreu sur ses réseaux, faisant défiler les prises de position gaillardes de ses copains sportifs. Il aura peut-être une fois trouvé Benzema courageux, avant d'aller se coucher.

Et puis, un jour, n'y tenant plus, et sans doute sincèrement bouleversé par les morts qui pleuvent au Proche-Orient, le voilà qui s'élance. Certes, un poil moins échauffé que lorsqu'il a raflé trois médailles d’or olympiques au 3000 mètres steeple, mais qu'importe: 35 000 abonnés attendent une prise de position forte, pense-t-il. Et crac, au beau milieu de la nuit, c'est la crampe, à peine sorti des starting-blocks.

Il supprimera très vite son exploit, le remplaçant par un gloubi-boulga de justifications désarticulées et de logorrhées contrites.

«Ma comparaison a été maladroite et mauvaise et je m’en excuse pour cela, j’ai réagi avec émotion»
Mekhissi Mahiedine, la nuit suivante.

Le mal est fait, la ministre des Sports est en colère, la moitié d'internet veut sa mort et la fin du match n'a pas été sifflée entre le Hamas et Israël. On s'en doute, Mekhissi Mahiedin a plus de peps dans les mollets que d'expérience en géopolitique. Il y a vingt ans, il se serait contenté de tenir la jambe du barman d'un PMU ou d'empoisonner le prochain repas de famille. Mais le 31 octobre 2023, angoissé de ne pas être un loup sur sa proie, pressé d'être une voix qui compte et nourrit à la sonde médiatique, il s'est joint à la meute de personnalités ayant un avis clivant à propager sur le conflit.

Soyons francs, c'est parfois grisant de voir des people se prendre les pieds dans le tapis dense de l'actualité. Une joie malveillante qui rassure, rassasie et occupe l'esprit. Que pense Kim Kardashian de la hausse des primes maladie? Jean-Marie Bigard est-il convaincu par le programme politique de Donald Trump? Après le comique Guillaume Meurice qui «nazifie» le prépuce de Netanyahou sur France Inter, Mariah Carey va-t-elle fasciser la Danse des canards? Et Kanye West, cette étonnante groupie du Führer, pourquoi n'a-t-il encore rien exprimé sur l'attentat du Hamas? Mmmh?

Bien sûr, tous les people ne se fourrent pas dans la peau d'un politicien ou d'un gourou des foules. La plupart se contente de prier pour les victimes, d'unir les influences pour aider à la libération des otages, de condamner toute barbarie sur les populations civiles ou de poster, comme Carla Bruni-Sarkozy, des photographies d'une vague et ancienne escapade en Israël.

D'autres, à l'instar du dessinateur philosophe Joann Sfar, personnellement concerné et consterné par la terreur au Proche-Orient, trouvent les ressources pour élever le débat, convier la nuance et distribuer quelques mots justes. Mais le boucan des égos finit souvent par couvrir les voix de la raison.

A la fois incitées à jouer la boussole, histoire de donner le nord à leurs fans, et incapables de la mettre en veilleuse le temps d'un conflit complexe et émotionnel, certaines personnalités archipopulaires réussissent l'exploit de perturber la marche du monde. Parfois jusqu'au sommet de l'Etat, comme Benzema dans l'esprit du ministre de l'Intérieur français.

Or, au quotidien, les stars n'ont pas une mission si différente de celle de Kevin, à Morges, qui bichonne ses followers sur Instagram à coups d'avis tranchés et supposément indispensables. Seule l'audience fait la différence. Quand Kylie Jenner publie, puis supprime, un message de soutien à Israël, ce sont 400 millions d'abonnés qui se posent des questions dont ils se seraient bien passés.

Selena tire la prise

Et puis, mardi, une comédienne et chanteuse américaine a décidé de quitter la table des algorithmes. Non pas qu'elle se soit, elle aussi, emparée du zizi nazi de Bibi pour se vautrer dans une polémique, mais «toute l'horreur, la haine et la violence du monde» aura eu raison de ses nerfs. Pour décider de se «mettre en pause des réseaux sociaux», Selena Gomez n'a fait qu'observer la planète se foutre sur la gueule. Comme la majorité silencieuse qui n'empoigne pas le mégaphone au moindre pet politique.

«Je ne supporte pas que des vies innocentes soient blessées. Cela me rend malade. J'aimerais pouvoir changer le monde. Mais un post insta ne changera pas le monde»

Peut-être a-t-elle aussi senti que le débat était trop à fleur de peau pour s’y risquer. Mais Selena Gomez, c'est 430 millions de followers sur Instagram. Soit, grosso merdo, la population des Etats-Unis et de la Russie qui liront que «des mots ne suffiront jamais» et qu'elle est «désolée» de ne «rien pouvoir faire». Ce sera en revanche suffisant pour que, dans la foulée, les internautes s'acharnent sur la star, l'accusant de «ne pas prendre parti» et (quel toupet) de «donner la priorité à sa santé mentale plutôt qu'à la sensibilisation sur un génocide». En oubliant simplement qu'elle appelait aussi à «protéger tout le monde, surtout les enfants».

Quelle vie.

A ce rythme, on pourrait presque comprendre notre sportif français, pressé d'invoquer Hitler pour gaver la bête. Depuis l’attentat du 7 octobre, la guerre des opinions semble avoir franchi le Rubicon, le monde manque drastiquement de stands de ravitaillement et les bouches sont déshydratées.

Peut-être qu'à trop vouloir pousser les stars à la faute, on en oublie les affrontements idéologiques qui grondent à une vitesse dramatique en bas de chez nous, dans la rue, le métro, les universités et la vraie vie. Et, parfois, écouter vaguement un avis peut nous empêcher d'entendre distinctement les morts.

Gaza après les bombes
Video: watson
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