L'Allemagne foule au pied les accords de Schengen. Depuis octobre dernier, Berlin a remis au goût du jour les contrôles aux frontières avec la République tchèque, la Pologne et... la Suisse. Le but? Empêcher les entrées illégales de migrants dans le pays.
Il n'est pas impossible d'effectuer ces contrôles aux frontières entre pays signataires, tant qu'il s'agit de «situations exceptionnelles» et pour une «durée limitée». Est-ce le cas? Lundi dernier à Bâle, la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser a en tout cas indiqué que ces contrôles aux frontières allaient continuer à avoir lieu du côté allemand, au grand dam du conseiller fédéral Beat Jans, en charge de l'asile.
Pour Beat Jans, le problème est présent au nord et au sud du pays. Car l'Italie pose également des problèmes en s'opposant, depuis décembre 2022, aux réadmissions de clandestins attrapés en Suisse, enfreignant au passage la Convention de Dublin.
Le traité de Maastricht semble lui aussi avoir été relégué au second plan. Les critères de convergence prévoient que l'endettement des Etats membres ne doit pas dépasser 3% du produit intérieur brut au cours d'une année. Mais l'année dernière, ce chiffre était de 5,5% en France et même de 7,4% en Italie. L'Union européenne (UE) a cependant renoncé aux sanctions prévues et applique à la place des mesures «individuelles».
La Suisse ne doit pas ignorer ces violations des traités, alors qu'un nouveau paquet d'accords avec l'UE est actuellement en cours de négociation. Car le Conseil fédéral souhaite une clause de sauvegarde concernant la libre circulation des personnes et une immigration nette à 100 000 personnes. Un pari osé, puisque seul le Luxembourg enregistre un nombre d'arrivées comparable.
En Suisse, tous les partis politiques affichent un certain scepticisme face à une immigration de plus en plus forte. La clause de sauvegarde voulue par le Conseil fédéral n'est donc pas un simple caprice. Mais sans surprise, les représentants de la Commission européenne se montrent réticents. Pour eux, la libre circulation des personnes est gravée dans le marbre et elles jugent que c'est à la Suisse de plier sur cette question.
Mais ce rigorisme de la part de nos partenaires européens est parfaitement déplacé. Car la Suisse ne fait pas partie de l'UE, bien qu'elle a signé les accords de Schengen et de Dublin. Le Conseil fédéral a bien tenté de pousser l'Allemagne et l'Italie à respecter ces accords, jusqu'ici sans résultat, à l'image de la récente réunion entre Beat Jans et Nancy Faeser. Et à Berne, où on est directement concerné par le fait que les Etats de l'UE ne respectent plus ces accords, on laisse faire.
Il est évident que la réalité des choses en ce moment diffère des hypothèses retenues lors de la rédaction des accords. La Convention de Dublin prévoit que les demandes d'asile ne peuvent pas être déposées dans plusieurs pays. Une bonne idée théoriquement, mais qui a pratiquement entraîné une surcharge de la capacité d'accueil de l'Italie.
Il en va de même pour la libre circulation des personnes: elle n'a pas eu les effets escomptés par les fonctionnaires européens. L'harmonisation économique des pays de l'UE ne se déroule pas comme prévu. Les Pays-Bas se plaignent d'une crise du logement causée par une forte immigration. Pendant ce temps-là, la Croatie est en train de se dépeupler. Et le secteur touristique croate est tributaire de la main-d'œuvre d'Asie du Sud-Est.
Le paquet d'accords discuté entraînera une perte de souveraineté pour la Suisse, un obstacle de taille dans une votation populaire. Une clause de sauvegarde en matière d'immigration revaloriserait considérablement l'accord du point de vue helvétique. Le Conseil fédéral est en droit d'exiger de l'Union européenne la flexibilité que ses membres pratiquent eux-mêmes.
Y a-t-il une alternative? C'est bien simple: si la Commission européenne persiste dans sa position de refus, le Conseil fédéral devra lui faire comprendre que le paquet d'accords risque de subir le même sort que lors de la première édition en 2021: un échec.
(Traduit et adapté par Anaïs Rey)